Bienvenue dans cette édition gratuite du mois de janvier 2025 —et meilleurs vœux !
J’inaugure pour ma part une nouvelle habitude : celle d’offrir un article gratuit par mois, à savoir un (pas si) petit best-of des éditions du mois précédent. Un pot pas pourri, je l’espère, des actus les plus choquantes, étonnantes ou réconfortantes qui ont épicé les dernières newsletters. Celle-ci nous emmène aux États-Unis, au Pakistan, en Afghanistan, en Angleterre, en France, en Égypte et, en conclusion, dans la maison de Dick Van Dyke pour la vidéo du mois.
Bonne lecture et au mois prochain ! Ou dès la semaine prochaine, si vous sautez le pas et vous abonnez. Vous auriez tellement raison 😀.
Mais en tout cas, joyeux janvier tout le monde !
Mon image du mois
Rod Stewart en couverture de Modélisme Ferroviaire Magazine
Le chanteur britannique s’est livré à une longue interview exclusive pour le Railway Modeller. Il s’est épanché sur sa véritable passion (juste avant le rock’n’roll) : le train électrique de près de 300 mètres de long sur lequel il travaille depuis maintenant 23 ans.
Plus d’infos dans l’Édition du 14 décembre 2024 !
USA : vive le stress et les paniers plein
Tout le monde est pauvre mais le commerce en ligne a encore de beaux jours devant lui, selon la plateforme de vente Rakuten. D'après sa dernière étude des habitudes de consommation, réalisée auprès de 2 000 adultes américains cet automne, l'acte d'achat bénéficie d'un allié totalement inattendu en cette fin 2024 : le stress. "Une tendance qui devrait se poursuivre en 2025" juge le Women's Wear Daily, qui a le compas dans l'œil. Le magazine féminin relève :
Bien que la "consommation thérapeutique" ("retail therapy") soit pratiquée depuis longtemps, et par beaucoup, ces dernières années le shopping lié au stress s'est vu attribué de nouveaux noms, révélateurs des diverses nuances du temps. On parle désormais, par exemple, de "revenge shopping" ou de "doom spending".
Le "revenge shopping", c'est quand on a consommé avec un soupçon de frénésie à la sortie des confinements et de la pandémie. C'était, en quelque sorte, l'envie de se rattraper. Le "doom spending", c'est une variante d'une activité bien connue sous nos cieux, le doom scrolling : quand on scrolle sans cesse, toujours plus bas, toujours plus loin, sur des réseaux sociaux où s'accumulent les mauvaises nouvelles et les sources d'angoisse.
Un moyen d'arrêter cette spirale infernale, identifié par Rakuten, c'est de scroller plutôt sur les produits et les sites de conso, à la recherche de la bonne affaire. Et d'acheter. Une sensation que certains consommateurs, surtout dans les jeunes générations, comparent à l'euphorie que peut produire une activité sportive comme le jogging :
Cette habitude qui se pratique plutôt la nuit, quand on ne trouve pas le sommeil, affecte 73 % des sondés de la génération Z […]. Plus de la moitié des millenials (51 %) et 62 % de la génération Z disent que la consommation thérapeutique les soulage mieux que l'exercice. […] "La réussite, ça nous fait nous sentir bien. Ce n'est pas sans raison qu'on appelle ça la "consommation thérapeutique", explique Bella Gerard, conseillère tendance chez Rakuten. "Le shopping peut être très prenant, quand on prend en compte les prix, que l'on compare les revendeurs. On vérifie les disponibilités, on choisit les couleurs, etc. Même dans l'achat le plus impulsif des achats d'impulsion, il se passe beaucoup de choses dans notre cerveau et, pour lui, tout essai qui se conclut par un achat est considéré comme une réussite".
De quoi rester encore longtemps de bonne humeur, non ?
Une chronique initialement parue dans l’Édition du 16 novembre 2024.
Pakistan : le salon de l’armement n’a pas froid aux yeux
Le Pakistan a beau étouffer dans un smog mortel et si épais qu'il se voit depuis l'espace, il a tout de même de quoi se réjouir cette semaine. Cela grâce à la 12ème édition du salon IDEAS, qui s'est ouverte ce mardi au Centre d'Exposition de Karachi.
Comme son nom ne l'indique pas, le salon IDEAS est une gigantesque foire aux armements, aux tanks et aux drones (les stars cette année, nous dit Dawn). IDEAS est en effet l'acronyme de International Defence Exhibition and Seminar. C'est simple, mais encore fallait-il y penser (et avoir envie de se moquer à ce point du sens des mots).
55 pays ont répondu présent cette année, dont des nations qui n’ont pourtant pas l’habitude de passer ensemble leur temps au centre commercial (les USA, la Russie, la Chine, la Turquie, l'Iran, l'Italie, le Royaume-Uni et l'Azerbaïdjan seront tous de la partie, pour ne citer que les noms retenus par Associated Press). Au total, 560 fabricants d'arme seront au rendez-vous, les plus gros stands étant tenus par la Turquie et la Chine. Émus, l'Iran et l'Italie rejoignent le défilé pour la première fois.
En bonus, ce sera aussi l'occasion de prendre un peu de repos pour le voisinage, dont le calme sera assuré par les forces anti-émeutes :
L'administration locale a imposé une interdiction de "toute forme de rassemblement public" dans la division de Karachi jusqu'au 24 novembre, en prévision de l'exposition. Une note du bureau du commissaire divisionnaire de Karachi, datée du 18 novembre et obtenue par nos soins, relève que, pour l'Inspecteur Additionnel, le général Javed Akhtar Odho, de tels regroupements "poseraient un risque grave de sécurité, et seraient sources d'inconfort pour les invités internationaux attendus au IDEAS 2024".
On a donc trouvé l'endroit idéal pour reposer des nerfs durement éprouvés par ce début de vingt-et-unième siècle.
Une chronique initialement parue dans l’Édition du 23 novembre.
Afghanistan : un documentaire sur l’enfer des femmes
La plupart des gens apprécient les femmes. En particulier pour leur côté "être humain", qu'on remarque assez bien avec un peu d'efforts. Mais il en est qui les haïssent, avec une passion surhumaine, quasi divine.
Nulle part n'est-ce plus évident qu'en Afghanistan… où les Talibans rivalisent d'ingéniosité pour renforcer ce que l'ONU appelle un "apartheid de genre", dont le sadisme défie l'entendement (la dernière décision en date consistant à leur interdire de chanter mais aussi de parler dans l'espace public, et même entre elles quand il s'agit de prier ou de lire le Coran).
Jusqu'au départ des troupes américaines du pays il y a trois ans, le régime mis en place par la coalition, malgré tous ses défauts, demeurait le garant d'une égalité de droits entre les sexes. Mais du jour au lendemain, la moitié de la population du pays s'est vue privée de tout ce qui rend la vie vivable, à commencer par le droit à l'éducation ou au travail.
Une horreur que, à défaut de pouvoir l'arrêter, de courageuses résistantes sur place tentent au moins de documenter. Tel est l'objet du film, tourné sur place clandestinement par des citoyennes à l'aide de leur téléphone portable, qui sort ces jours-ci sur Apple TV+. Co-produit par l'actrice hollywoodienne Jennifer Lawrence et la Prix Nobel de la Paix pakistanaise Malala Yousafzai, Du Pain et des Roses avait connu une première projection au festival de Cannes 2023. Le voilà dorénavant accessible au grand public.
Raconté sans narrateur et produit dans les langues afghanes pashtounes et dari, Du Pain et des Roses (un titre inspiré d'un slogan politique des sufragettes du XXème siècle) est un documentaire du type "Petite Souris", où l'on voit vivre les protagonistes du film, qui en sont aussi les réalisatrices, explique la BBC. "Elles filment au cœur des manifestations où elles réclament "pain, éducation et liberté". Elles filment quand elles sont arrêtées. Quand elles sont aspergées de gaz lacrymogène. Quand les Talibans enfoncent la porte de leurs maisons […].
Jennifer Lawrence nous dit que c'est d'avoir assisté, par les informations, à l'évacuation du personnel américain et à ses implications pour les femmes, qu'elle a eu envie d'agir, dès 2021. "Je voulais désespérément faire quelque chose", dit-elle. "Et une caméra peut aider à lutter contre l'impuissance".
Elle s'est renseignée pour savoir si quelqu'un filmait ce qui était en train de se passer sur place. "C'était important pour nous d'avoir des yeux à Kaboul, car c'est exactement ce que les Talibans ne voulaient pas".
Elle se rapproche alors de Sahra Mani, qui avait déjà réalisé, en 2018, le documentaire sur le viol des jeunes Afghanes A Thousand Girls Like Me. Elle s'avère, justement, être en train de réunir des images filmées par les femmes dans tout le pays. Basée à la frontière, elle explique à la chaîne britannique avoir constitué toute une équipe "pour apprendre à nos protagonistes à filmer sans danger, de telle sorte que, en cas de contrôle, on ne puisse pas trouver les enregistrements sur leurs téléphones".
En principe, j'intégrerais ici la bande-annonce vidéo. Mais je ne vais pas mentir : je n'ai pas eu le courage de la regarder. Elle est cependant disponible ici, pour qui a, à disposition, un peu plus de tripes que moi.
Une chronique initialement parue dans l’Édition du 23 novembre.
Angleterre: voici ma grand-mère préférée
Je parie que là tout de suite, si je vous dis qu'une société anglaise de télécommunications a réalisé l'un de vos plus grands rêves, vous n'allez pas me croire… Et pourtant. Je vous assure : O2, la boîte de téléphonie de Virgin Media, l'a fait.
Ce qu'ils ont fait, c'est qu'ils ont créé une intelligence artificielle conçue spécialement pour répondre aux appels des "scammers" —ces coups de fil frauduleux qui cherchent à vous vendre tout et n'importe quoi, voire à simplement obtenir votre numéro de carte bancaire pour vous escroquer à loisir, en se faisant passer pour autrui. Avec toujours plus de finesse et toujours plus de victimes. De quoi rendre dingue un peu tout le monde. Comme Jim Browning, par exemple. C'est un "scambaiter", un garçon qui a fait profession de répondre aux appels des arnaqueurs pour les faire tourner chèvre et perdre leur temps.
C'est un métier —lui gagne sa vie en postant ses meilleures vidéos sur YouTube— tentant mais risqué (et qui prend beaucoup de temps). Voire dangereux : certains coups de fil frauduleux sont le fait de véritables mafias, qui peuvent posséder, entre autres informations, votre adresse. Si vous aimez dormir tranquille, vraiment ne vous y risquez pas.
C'est pourquoi Jim Browning a collaboré avec l'influenceuse et star de téléréalité Amy Hart, elle-même victime d'un de ces escrocs le jour de son mariage et, surtout, avec les ingénieurs de O2, afin de créer Daisy Harris. Celle-ci est donc une intelligence artificielle, un simple programme informatique avec une voix synthétique, spécialement conçu pour tenir la jambe aux coupables. "Elle" se fait passer pour une retraitée (cible privilégiée de ce type d'appels), fait croire qu'elle est intéressée par l'offre bidon dont on lui fait part, puis parle de tout et de rien, de son chat, de ses petits-enfants, des oiseaux qu'elle aime regarder à sa fenêtre. Son seul but est de garder au téléphone ces malfaiteurs devenus victimes le plus longtemps possible —pendant ce temps-là, ils ne nous escroquent pas, nous. Comme l'écrit le New York Times : "elle adore vous parler de sa passion pour le tricot, elle aime le thé et les biscuits et ne comprend pas bien cette histoire d'Internet, "mais peut-être vous pouvez m'expliquer encore une fois ?".
Daisy, avec toute sa confusion quant à la technologie et sa bonne volonté quand il s'agit de discuter, est pensée pour apparaître, de prime abord, comme la victime idéale. Ses développeurs disent avoir un peu forcé les apparences, en s'inspirant souvent de leurs propres grand-mères.
"J'ai beaucoup pris à ma mamie. Elle parlait toujours des oiseaux de son jardin", témoigne Ben Hopkins, qui a travaillé sur le projet avec VCPP, une agence de publicité londonienne. Plutôt qu'utiliser une actrice professionnelle pour créer la voix de Daisy, l'équipe a aussi embauché la grand-mère d'un des employés, qui venait dans les bureaux pour boire le thé et enregistrer les répliques nécessaires.
Le scambaiter Jim Browning […] les a conseillés, en dotant l'intelligence artificielle des techniques qui lui permettent de tenir la jambe des escrocs lors des appels. Parmi celles-ci : partir sur de nombreuses tangentes, comme parler de ses hobbies et de sa famille, et feindre l'incompétence technique. Par exemple, il est arrivé que trois escrocs unissent leurs forces, pendant un appel qui a duré une heure le mois dernier, pour essayer de faire taper à Daisy "www" dans son navigateur internet".
Je vous le dis : c'est l'assistante, voire la grand-mère, dont vous avez toujours rêvé. On peut d'ailleurs l'entendre dans ses œuvres sur le site de Virgin Media, ici.
Le seul problème est que O2, en revanche, ne vous permet pas pour l'instant de transférer vos appels vers Daisy (il faudrait de toute façon une sacrée excuse pour expliquer que votre grand-mère est la bonne interlocutrice, au risque de griller à terme sa couverture). Elle est simplement reliée à quelques numéros qui se baladent sur les fichiers utilisés par les charlatans. Ce n'est donc pas elle qui viendra à bout d'une industrie mondiale en constante expansion. C'est plutôt, pour le groupe, l'occasion de se faire un peu de publicité. Et, plus important, de rappeler au public la marche à suivre en cas d'appel frauduleux. De faire connaître, à l'occasion de la "International Fraud Awareness" en Angleterre (du 17 au 23 novembre), les réflexes à adopter ainsi que les numéros auxquels adresser un signalement.
En France, c'est le 33 700. On peut lui transférer les textos indésirables ou les numéros louches. On peut aussi remplir un formulaire en ligne. Tout est expliqué sur le site de l'ARCEP et sur service-public.fr. Rappelons aussi qu'il ne faut, bien entendu, jamais, jamais, jamais, donner vos informations bancaires à qui que ce soit au téléphone.
À l'inverse, si vous tombez sur Daisy, demandez-lui comment va son chat. Il s'appelle Fluffy, et elle adorerait vous en parler.
Une chronique initialement parue dans l’Édition du 30 novembre.
France : bons baisers des rats de Paris
Commençons par le sujet qui est, je le sais, dans toutes les têtes. La France entière s'en inquiète. Des Champs-Élysées à Ménilmontant, d'Abbessess à Porte d'Orléans en passant par le Quartier Latin, la place d'Italie et les Buttes-Chaumont, tout le pays s'émeut : les rats sont entrés dans Paris. "C'est la faute à Hidalgo", remarquait récemment jusqu'à Amélie Poulain, dans une citation tronquée par L'Heure des Pros. Et pourtant.
Pourtant, les rats sont entrés dans Paris il y a un bout de temps, maintenant. On le déplore depuis, en gros, toujours. On le comprend grâce au journaliste de L'Histoire Olivier Thomas et à son récent ouvrage dédié à ce compagnon d'en-dessous. Il en résumait le propos dans une conférence récemment donnée à l'Unipop Pessac (une université populaire déjà évoquée dans ces colonnes).
Parfaitement adaptés à la ville moderne (au point que, semble-t-il, on a construit ces dernières d'abord à leur attention), les rats passent en fait un peu tout leur temps à entrer dans Paris. Ou plus exactement à y prospérer, dans ses sous-sols ou près de ses berges. Certes, depuis le XVIII° siècle, son cousin le surmulot a supplanté le rat noir (rattus rattus, de son nom scientifique). Le surmulot, ainsi nommé par Buffon, a l'avantage de ne pas refiler la peste noire mais il présente l'inconvénient d'apprécier l'humidité. C'est donc la généralisation des égouts (26 kilomètres à Paris en 1805, 600 en 1870, 2 600 aujourd'hui) qui va vraiment lui apporter de quoi s'ébrouer.
Dès lors, la chasse commence : mort aux rats, sus au surmulot ! La conférence vaut le coup d'ouïe pour le récit exhaustif des moyens conçus pour lutter contre la prolifération de la bestiole. Un catalogue d'autant plus merveilleusement imaginatif qu'il s'avère, on le sait depuis, complètement vain. Chaque révolution technologique apporte son lot d'espoirs. On va les empoisonner, les électrifier, les confiner, les traquer, les affamer, rien n'y fait : le surmulot se balade toujours sous nos pieds, à Paris comme ailleurs.
Un temps, le rongeur aura au moins l'avantage de nous divertir, alors que l'on manquait visiblement de distractions : c'est la création des "ratodromes", attestés à partir de 1905 et réservés aux combats de rats et de chiens, dont la vogue avait pris de l'ampleur de manière informelle lors des décennies précédentes. Une mode charmante qui ne durera guère, éteinte dès le milieu des années 1920. Il était plus que temps d'inventer le cinéma. Et le film de vampires, mais c'est une autre histoire.
Une chronique initialement parue dans l’Édition des recos de fin d’année.
Égypte : la fin d’el-Assad, pas glop pour le maréchal mégalomane
La chute de Bachar el-Assad suscite quelques inquiétudes, et pas seulement chez les sergents-recruteurs du Hezbollah.
En Égypte par exemple, le maréchal al-Sissi ne voudrait vraiment pas que la même chose lui arrive. Au point d'avoir proclamé l'état d'urgence dans son pays. Secrètement, en douce, discret les gars, mais sûrement. C'est ce que révèle The New Arab en citant de nombreux témoignages… Tous anonymes, on comprend pourquoi.

Les agences de sécurité égyptiennes ont placé le pays, ces dernières heures, dans un "état de haute alerte sous-déclaré" […]. Les forces armées se sont elles aussi tenues prêtes à intervenir. Des ordres sont arrivés directement de la présidence exigeant le déploiement des troupes dans les rues d'Égypte en cas d'émeutes, ou même de soupçons de chaos potentiel.
On apprend dans cet article que le despote a suivi la situation heure par heure. Comme sans doute tous les dirigeants du monde, certes. (Ou à peu près, le Président sud-coréen et Emmanuel Macron étant excusés, l'un pour sa déprime bien compréhensible après l'échec de sa belle loi martiale, et le second pour être plutôt contraint de passer ses journées à discuter avec la fine fleur du personnel politique français).
Comme tous les dirigeants du monde donc, mais avec une préoccupation un peu plus singulière et pressante du type "Et si c’était mon tour ?". Il ne s'agissait pas que de paranoïa, bien compréhensible pour tout autocrate qui se respecte. Il y avait aussi un scénario, tout écrit et qui ne demandait qu'à se réaliser.
Celui-ci reposait sur l'hypothèse de manifestations spontanées, dues à la liesse qu'inspire la chute de l'oppresseur d'en face. La police politique craignait que vienne se greffer aux célébrations publiques de réfugiés syriens —sans trop de difficultés et, même, assez légitimement— un mélange bigarré de militants de la démocratie et de partisans de la Charia. Leur alliance pourrait être fatale. Et bouger ça démange, là-bas : depuis 2016, une autorisation des services de sécurité doit être demandée en préalable à tout rassemblement public. L'Égypte comptant 2 millions de réfugiés syriens, ça fait beaucoup de monde à surveiller, surtout dans la joie.
On a d'ailleurs tapé vite. 17 Syriens ont été arrêtés dès dimanche en banlieue de Gizeh. Le soir même, la Fondation Al Gad Relief demandait aux autres ressortissants de rentrer chez eux, "alors que les réseaux sociaux commençaient à déborder de clips vidéos montrant la population exprimer son bonheur dans les rues du Caire". Les journaux recevaient, de leur côté, les instructions suivantes de la part de la censure : "adopter une rhétorique qui promeuve le concept de stabilité, tout en répandant la peur de l'inconnu, si un scénario similaire devait mener les islamistes à la tête du pays."
D'ailleurs, le président égyptien est resté étrangement silencieux sur les événements qui agitent les frontières si près de chez lui. Le ministre des Affaires Étrangères s'est contenté d'appeler "toutes les parties, de toutes orientations, à préserver les capacités de l'État et ses institutions, ainsi qu'à faire des intérêts nationaux une priorité, par l'établissement d'objectifs communs", alors que les soldats d'HTC s'égayaient dans les salons du palais d'Assad.
Al-Sissi a même songé à prolonger l'air de rien sa tournée européenne. Il semble toutefois rassuré et devrait rentrer comme prévu en fin de semaine. Il aura rencontré ses homologues du Danemark, de Norvège et d'Irlande, mais aussi fait quelques dîners et visites de musée. Cela lui aura au moins permis de se changer un peu les idées, à ce pauvre chou.
Une chronique initialement parue dans l’Édition du 14 décembre 2024.
Une fin légère : quand Dick danse
Une conversation toujours amusante, c'est d'entendre des comiques discuter entre eux en se demandant quelle est la personne la plus drôle qu'ils et elles connaissent. Ça change évidemment tout le temps. Mais dans la génération des Seinfeld, Conan O'Brien et feu Norm McDonald, un nom revient fréquemment : Dick Van Dyke. Surtout connu pour son rôle dans Mary Poppins, c'était un acteur plus qu'un humoriste. Mais son sens de la répartie, en privé ou sur les plateaux télé, en a marqué plus d'un. J'ai bien essayé de regarder mais, je l'avoue, il ne m'a jamais fait rire. Question d'époque, sans doute.
Mais là, cet imbécile m'a fait pleurer.
Né en 1925, Dick Van Dyke est, à 99 ans la vedette du nouveau clip de Coldplay "All my Love". Le film d'un peu plus de 7 minutes, réalisé par la star absolue de cette forme, Spike Jonze (connu au cinéma pour Her, Dans la Peau de John Malkovich ou Adaptation) est ainsi résumé par Open Culture :
Dans cette nouvelle vidéo de Coldplay, M. Van Dyke danse pieds nus et chante, en s'en rendant compte, un peu faux. Puis il revient sur ce qu'implique de passer un siècle sur cette planète : qu'est-ce que l'amour ? A-t-il peur de mourir ? Qu'est-ce que la chance ? Il a les réponses à toute ces questions.
Touchante est la naïveté du centenaire, qui sait réduire sa sagesse à une vertueuse simplicité, qui trouve les mots les plus innocents pour parler de ce qui compte vraiment. "Qu'est-ce que l'amour ? Oh, bon sang… On s'attaque à cette question depuis des siècles… Je ne sais pas ! C'est certainement le sentiment de se soucier du bien-être et de la vie d'une autre personne, autant que vous vous souciez des vôtres".
Plus touchants encore sont la légèreté bondissante de ses pas de danse, l'amour dans son regard quand il contemple des photos de famille, son sourire constant… ou son émotion quand il félicite l'auteur-compositeur, Chris Martin, pour son passage préféré, qui fait :
"Jusqu'à ma mort Laisse-moi te serrer dans mes bras si tu pleures Sois mon un, deux, trois pour toujours"
Et voilà, j'en repleure. C'est tout Dick, ça.
Une chronique initialement parue dans l’Édition du 14 décembre 2024.
C’est tout pour aujourd’hui, mais sûrement pas pour ce mois : abonnez-vous pour garder les pieds sur Terre pendant que ça tourne !