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L'Édition du 16 novembre 2024

Des soldes antistress, des vaisseaux fous et des Allemands pas sérieux.

nov. 16, 2024
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Chère lectrice, cher lecteur,

permettez-moi de vous souhaiter un très bon week-end en compagnie, cette semaine, de baleines, de boutons, de vaisseaux ultra-galactiques, d’Alfons Mucha, de Susan Meiselas, de soldes et d’Allemands.

NB : si le mail apparaît tronqué par votre boîte, vous pouvez le “Lire dans le navigateur” en cliquant sur le lien haut à droite.

La coalition de la semaine

Une rupture à l’allemande

Si vous voulez savoir comment sauver votre couple, vous trouverez tout ce qu'il faut en ligne. Remercions donc le journal de référence allemand Der Spiegel d'étudier de près cette semaine comment, à l'inverse, être sûr de faire mourir sa coalition politique.

Vue de loin, l'expérience politique allemande la plus récente a de quoi attirer les sarcasmes, tant la coalition au pouvoir, menée par le Social-Démocrate Olaf Scholz, a accumulé revers et déceptions jusqu'à finalement se dissoudre complètement la semaine dernière. Et de près c'est pareil, voire pire, comme en témoigne ce long article du Spiegel, qui a uni les plumes de 9 journalistes pour nous faire le récit détaillé de cette rupture spectaculaire.

La statue d'aurige au sommet de la porte de Brandenburg
Statue au sommet de la porte de Brandenburg. CC Tony Webster / Wikimedia Commons.

Alors, comment être sûr de faire mourir sa coalition (au pouvoir depuis décembre 2021), quand on a eu seulement 16 ans d'opposition pour se préparer à l'exercice du pouvoir ? 

Il faut d'abord un certain génie du casting, attaque d'entrée le journal dans un paragraphe titré "Deux hommes complètement différents". Là, le mérite semble en revenir aux partis eux-mêmes. Les deux hommes en question : Olaf Scholz, de la gauche sociale-démocrate (SPD) et Christian Lindner, du parti libéral-démocrate (FDP), parti qu'il n'a cessé de tirer à droite au fil des dernières années. Marrant comme, un peu partout, les partis de droite sont devenus toujours plus de droite et les partis de gauche toujours moins de gauche (note à l'attention des historiens).

"Olaf Scholz, né à Osnabrück en 1958, a grandi à Hambourg, a été objecteur de conscience, jeune socialiste, puis avocat spécialisé en droit du travail avant de devenir maire de Hambourg, ministre fédéral des finances, vice-chancelier puis chancelier. Devise : ceux qui me demandent d'être un meneur doivent savoir qu'ils ne seront pas déçus.

Christian Lindner, né à Wuppertal en 1979, a grandi à Wermelskirchen [35 000 habitants]. C'est un major de réserve, un entrepreneur sans succès qui s'est imposé comme le sauveur du FDP, avant de devenir son leader au Parlement et finalement ministre des finances. Devise : les problèmes ne sont que des opportunités épineuses.

Olaf Scholz porte la même serviette usée depuis des décennies. Il est chauve avec un début de collier de barbe sur les côtés et aime le jogging.

Christian Lindner arbore des montres de luxe, s'est fait faire une greffe de cheveux et apprécie l'équitation.

La seule chose qu'ils ont vraiment en commun, c'est la conviction d'être plus intelligent que le reste de l'humanité. Il est très probable que là réside l'origine des problèmes de la coalition". 

Amateurs et amatrices de récits politiques et de thrillers trouveront dans le long texte du Spiegel tous les détails de cette rupture : où, quoi, quand, comment… Le Pourquoi ne peut demeurer qu'à l'état d'hypothèses (si l'on exclut les questions triviales d'ambition personnelle, par exemple). Mais certaines manœuvres méritent d'être connues et appréciées, telle une montée au filet de Boris Becker. Tout l'art est de faire commettre à l'autre une erreur et d'apparaître comme le diviseur. Face au libéral Lindner, Scholz est en la matière un redoutable adversaire : "il semblait parfois prêt à tout pour garder l'alliance en vie et la guider en dépit des querelles et des crises jusqu'au terme de la législature. C'est une méthode qui l'a caractérisé tout au long de sa carrière politique : Scholz reste dans son fauteuil jusqu'à la résolution des problèmes, ou à leur disparition." 

Toute ressemblance avec François Hollande ou Joe Biden ne serait bien sûr qu'une effroyable coïncidence.

Après une série de défaites électorales pour l'ensemble des partis de la coalition, tout s'accélère en début de mois.

Le jeudi 7 novembre dernier, Lindner dégaine l'arme fatale de la politique allemande : l'article économique. À trois jours d'un dîner dominical devant réunir les trois têtes de la Majorité (lui, Scholz et le très minoritaire leader des Verts, par ailleurs ministre de l'Économie), il a la bonne idée d'envoyer à ses partenaires un texte un tout petit peu provocateur. 18 pages titrées : "Un concept pour la croissance et la justice intergénérationnelle". 

Son principe est assez simple : c'est l'inverse des convictions et des programmes des Verts et du SPD. "Il plaide pour la mise au rebut des mesures de sauvegarde du climat, pour des coupes dans l'état providence, pour l'abandon de plusieurs lois déjà planifiées, pour plus de dérégulation et pour la fin de "l'impôt de solidarité", une taxe spécifique à l'Allemagne destinée à amortir les coûts de la Réunification".

Mais il ne faudrait pas y voir de malice. Son but est juste de brainstormer, argue-t-il. Que ce soit un programme gouvernemental à l'opposé de toutes les convictions économiques et sociales de ses partenaires, n'est dû qu'à sa bonne volonté de jeter des idées sur le papier. Ce n'est pas une provocation, "ce sont juste, affirment, rassurants, Lindner et son parti, quelques propositions pour générer un peu de discussion, au calme". 

Seul problème : "quand, vendredi après-midi, le magazine Stern rapporte cette affaire, les souvenirs de la fameuse Étude Lambsdorff remontent immédiatement en tête. Ce document, rédigé en 1982 par le ministre de l'Économie du FDP Otto Graf Lambsdorff, avait provoqué l'effondrement de la coalition SDP-FDP alors en place. Son titre ? "Concept pour une politique visant à venir à bout d'une croissance faible et pour combattre le chômage". 

Le parallèle est si évident qu'il ne peut qu'être volontaire. On peut même le trouver quelque peu gratuit."

À l'époque, le FDP avait fini par se tourner vers les chrétiens-démocrates d'Helmut Kohl. C'est la dernière fois qu'un gouvernement est tombé à Berlin. Quand je disais que c'est comme ça qu'on s'engueule en Allemagne (avec des plateformes économiques), je ne plaisantais donc pas. 

Christian Lindner
Christian Lindner. CC Michael Lucan / Wikimedia Commons

Au terme du dîner le dimanche qui suit, Scholz est convaincu que Lindner est déjà en train de préparer de futures élections, sans lui. Le "groupe des 9" (les trois leaders et leurs plus proches collaborateurs) se retrouve pourtant le lendemain, et encore le mardi, pour discuter du Budget. Le Spiegel, encore :

"À ce moment-là, la situation est devenue plutôt absurde : la moitié du pays se demande si la coalition va survivre et, si oui, pendant combien de temps, mais à la chancellerie, on enlève et on rajoute des lignes budgétaires et des sommes d'argent sur le papier. Même si tout le monde, dans la pièce, a compris le véritable enjeu du moment".

Les réunions s'enchaînent, avec plus ou moins de bonne volonté. Tout le mercredi, alors que, au rythme des zones horaires, le monde entier apprend la réélection de Donald Trump, l'Allemagne se résout à admettre qu'elle n'a pas non plus prévu d'être un pôle de stabilité dans l'immédiat. Pensez donc : Scholz écrit même, en réponse aux attaques de son partenaire, son propre texte économique : "Un agenda pour l'emploi et la croissance économique". Décidément, à Berlin, il n'y a plus de pitié pour les comptables.

À ce moment-là, les négociations prennent le tour du jeu de la poule mouillée rendu célèbre par La Fureur de Vivre : deux conducteurs, chacun dans leur voiture, se précipitent vers la falaise. Lequel se dégonfle, en sautant en premier du véhicule ? C'est évidemment la solution la plus simple, se jeter ensemble dans le gouffre, qui est adoptée. 

Citation de Chrisitian Lindner dans le Spiegel
Christian Lindner —et le Spiegel— dans le texte. Capture d’écran.

"Le plus grand espoir de Scholz, dorénavant, c'est Donald Trump. Selon son calcul, plus le nouveau Président américain créera de chaos et d'insécurité, plus il est probable que les électeurs allemands lui renouvelleront leur confiance, en vertu de sa rigueur et du besoin de stabilité. Il est vrai que Friedrich Merz, le nouveau patron de la CDU, est vu comme impulsif et débridé".

Un calcul si intelligent qu'il n'est surpassé que par le génie stratégique du partenaire minoritaire de la coalition, le leader des Verts Robert Habeck "qui voit là au moins une raison d'espérer : si les Allemands ont à choisir entre Scholz et Merz, se dit-il, certains se diront que peut-être, après tout, lui-même n'est pas si mal."

En voilà des gens qui ont tout compris aux gens.

Der Spiegel

Votre horoscope tribal

Le signe de la semaine : Baleine

Image dessinée de baleine remontant au XVII° siècle
La baleine, comme on l’eut vue. CC Joh Flamsteed / Wikimedia Commons

Sachez-le : il y a des gens qui, en 2024, ne s'inquiètent pas du tout pour le caca des baleines. Je sais, c'est fou et c'est rageant, mais il y a, aussi, le chimiste David King à l'université de Cambridge. Il s'estime d'ailleurs bien parti pour en recréer artificiellement et en répandre un peu partout dans la mer. C'est pas une bonne nouvelle, ça ? 

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