Schifrin, Boisset, Yalta et autres recommandations de fin d’année
Des choses à voir et à écouter entre deux années.
Bonjour,
permettez-moi de vous souhaiter une excellente semaine en compagnie, aujourd’hui, des podcasts et autres œuvres qui ont titillé mes oreilles cet automne. En espérant qu’ils et elles vous plairont autant qu’à moi !
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Bonne lecture !
Toudoum, toudoum, baloum doum, tada, doum.
J’ai eu la chance d’entrer dans l’automne en compagnie du cool. À la base, une mauvaise nouvelle : le décès à 93 ans de Lalo Schifrin. Le nom vous évoque peut-être quelque chose. Sa carrière de compositeur de musique de films est assez prodigieuse, incluant Le Kid de Cincinnati, Luke la Main Froide, Les Proies, L’Inspecteur Harry ou, pour la télévision, Mannix, série policière née en 1967 dont le générique, fertile en split-screens colorés, a accompagné toute une génération qui ne demandait qu’à embrasser la légèreté.
Le podcast Total Trax nous raconte la vie de Lalo Schifrin dans une de ces intégrales dont il a le secret. Une enfance en Argentine, des études musicales au Conservatoire de Paris sous la direction d’Olivier Messiaen, une passion vite éclose pour les Big Bands, le jazz et la Bossa Nova, pour le cinéma, aussi, qu’il découvre à la Cinémathèque. Un certain Dizzy Gillespie l’invite bientôt à jouer aux États-Unis, pour lui. Lalo fait ses bagages et Hollywood lui met le grappin dessus sans tarder : sa connaissance parfaite de la musique classique, mêlée à celle des rythmes et orchestrations plus contemporaines, en font un artiste idéal pour les studios.
Ses sons veloutés, ses percussions pêchues et ses rythmes dansants vont ensuite imposer, comme en sous-main, une bande-son pour toutes les sixties et les seventies. Certes, ce qui alors résonne partout, c’est la pop anglaise, les expérimentations psychédéliques, puis le funk et le disco. Mais sur les écrans, ce sont les déhanchés tranquilles de Schifrin qui caractérisent au mieux la cool attitude en vogue. On lui doit tout de même la ligne de basse qui accompagne au cinéma l’homme pour qui le terme “cool” semble avoir été inventé. J’ai nommé Steve McQueen, et même le Steve McQueen de Bullitt.
En trois épisodes, le trio dernière Total Trax (Olivier Desbrosses, Rafik Djoumi et David Oghia en faux candide de service) retrace la carrière de Schifrin en revenant sur ses productions les plus importantes. Et surtout en diffusant les musiques sans les couper (c’est important et c’est leur habitude). Dès les premières notes, quand c’est du Lalo Schifrin, il fait un peu plus chaud. Avec les premières mesures, le corps s’assouplit. Quand arrive le thème, on sent au plus profond de soi qu’il est possible de vivre une vie dansante par tout temps. Ce n’est pas mission impossible.
Ah oui, c’est lui aussi, Mission Impossible. Je vous avais pas dit ?
Bonus : si votre truc c’est plutôt le cinéma français, des Tribulations d’un Chinois en Chine à La Gifle en passant par La Femme d’à côté et Le Mépris, la série sur Lalo Schifrin est diffusée en alternance avec celle sur Georges Delerue, en trois épisodes également. Il y a donc de quoi faire.
Lalo Schifrin épisode 1. Intégrale de la série à retrouver sur le site du podcast.
Que cachent les complotistes ?
Restons dans le cinéma français en partant à la découverte de l’un de ses plus étonnants représentants, Yves Boisset. Lui aussi est parti cette année, justifiant l’hommage encyclopédique que lui consacre Dis-cor-dia. Le podcast conçu et animé par le journaliste ciné François Cau fait dans la diversité. C’est l’un des seuls, à ma connaissance, où l’on trouve des épisodes réguliers sur l’actualité de Bollywood, tout comme des bonbons occasionnels sur des sujets parfois déroutants (des playlists musicales ou, pourquoi pas, une étude approfondie sur la Nunspoiltation (les films avec des nonnes, quoi, plus nombreux qu’on ne le croit, surtout dans le genre horrifique et les séries B)).
Ici donc, sur 4 épisodes, c’est Yves Boisset qui intéresse Cau et son invité, le meilleur d’entre nous, Stéphane Bouley (prof d’histoire, directeur d’école et admirateur de John Carpenter : en voilà un qui a tout pour lui).
Yves Boisset pratiquait un cinéma devenu trop rare, celui d’un réalisateur exigeant, attentif à ses cadres, à ses personnages, à sa narration mais qui n’a jamais perdu l’envie de faire des films avant tout populaires et divertissants. Intelligents et engagés (à gauche, ça aussi ça se faisait, à l’époque), mais d’abord riches en émotions et en suspense… Il avait également, s’avise-t-on au fil du podcast, une légère tendance complotiste. Du cinéma d’action de gauche et parano ? J’appelle ça la France, madame. Et pas n’importe laquelle : la France de Valéry Giscard d’Estaing.
Dans l’adaptation de la nouvelle d’anticipation de Robert Scheckley Le Prix du Danger, le génial Michel Piccoli incarne un présentateur de télévision cynique à souhait et mielleux à l’envi, ici en train d’interviewer un groupe ayant signé pour tuer un chômeur, en direct et sous les caméras. Ils sont merveilleux.
Comme souvent, ce genre de monographie donne envie de (presque) tout voir ou revoir : Un Condé (1970), avec Michel Bouquet en inspecteur vengeur, que le ministre de l’Intérieur de l’époque, Raymond Marcellin, tenta de faire interdire en raison de sa représentation des violences policières. L’Attentat (1972), qui accuse frontalement les services secrets français d’avoir organisé l’enlèvement à Paris d’un opposant marocain ou encore, en 1977, Le Juge Fayard dit “Le Shériff” (oui, avec 2 “f” : c’était les Trente Glorieuses, on pouvait en produire à oison), inspiré de la tragédie du juge Renaud, assassiné moins de deux ans plus tôt en pleine rue à Lyon. Vraisemblablement par la mafia… Mais peut-être —c’est la thèse du film— avec la complicité des barbouzes gaullistes qui s’étaient réunis sous l’appellation de Service d’Action Civique, le SAC. Sans parvenir à faire interdire le film, le gouvernement de l’époque obtint tout de même que toute référence au SAC soit bipée lors des diffusions en salles… Genre : “Toutes les preuves concordent. C’est le BIP qui a fait le coup !”. Censure d’autant plus inefficace que le public avait à cœur de crier “le SAC !” à chaque bip castrateur. Au long de sa carrière, Boisset s’attaquera aussi à la guerre d’Algérie, à l’armée, aux médias, à l’affaire Seznec et aux ravages bien réels du racisme ordinaire dans son film le plus connu, Dupont Lajoie (1974).
Ni le podcast ni moi-même n’avons les compétences pour enquêter plus avant sur les accusations en corruption, manipulations et collusions adressées par Boisset à l’égard des pouvoirs. Une seule certitude : ça fait du meilleur cinéma. La fiction n’a jamais interdit de penser le réel. Même fausses, ses thèses invitent à repenser la notion de héros et notre rapport à l’État tout en nous rongeant les ongles. À ce titre, les côtés affabulateurs d’Yves Boisset contribuent à faire de ce podcast une sympathique saga. Il y a aussi du pathétique, dans cette histoire d’un cinéaste unique en son genre et exubérant à sa manière, qui perdra peu à peu sa capacité à toucher le public en même temps que sa prise sur le réel.
Mais qui au moins n’aura jamais appris à fermer sa gueule.
Les Intégrales : Yves Boisset, épisode 1. Intégrale de la série à retrouver sur le site du podcast.
Des interviews qu’elles sont compliquées
Socrate n’a laissé aucun écrit. Il a aussi donné fort peu d’interviews (et tous les exemplaires de La Gazette d’Athéna ont malheureusement disparu dans l’incendie de la bibliothèque d’Alexandrie).
Aujourd’hui, heureusement, on a Internet et Thibaut Giraud, dit “Monsieur Phi”, docteur en logique philosophique et vulgarisateur sur YouTube. Entre trois pastilles consacrées à un concept et deux réactions à l’actualité de son champ d’expertise (comme ce savoureux démontage du dernier livre de Raphaël Enthoven), il a lancé il y a trois ans le format PhilosopherView.

La forme reprend les entretiens au long cours popularisés par la chaîne ThinkerView (un invité en plan fixe sur fond noir —je ne mets pas le lien parce qu’à mon goût le succès leur est un peu trop monté à la tête et qu’ils sont bien vite devenus insupportables). L’interviewé est convié à exposer son travail et sa pensée dans la longueur. Monsieur Phi a reçu à ce jour Socrate, Diogène, Platon, Aristote et Sénèque, interprétés par des YouTubeurs toujours à la pointe de la mode (à en juger par la façon experte dont ils portent la toge). Dernièrement, c’était au tour de l’excellent Frédéric Molas (aka le “Joueur du Grenier”) de prêter ses traits à Épicure. C’est parfait, à l’approche des fêtes, pour réviser sa recette du bonheur. Sa pensée a été injustement caricaturée et il était bien moins fêtard que ne l’ont dit les historiens chrétiens.
Toute la playlist vaut le coup. Pourquoi Socrate énervait-il tout le monde ? Que reproche Diogène à Platon ? Ou encore, en reprenant le débat qui oppose Platon à Aristote, pour comprendre le monde, faut-il plutôt “faire des maths ou disséquer des poulpes ?”. Aristote est assez convaincant quand il plaide pour cette dernière option : “Tout ce qui peut s’étudier, on l’étudie […]. Les étudiants participent au travail de recherche, et puis j’ai des collaborateurs… Par exemple, moi, je préfère la zoologie à la botanique. Donc c’est mon pote Théophraste qui fait la botanique. Moi, je fais l’histoire des animaux, lui l’histoire des plantes […]. Donc oui, j’ai disséqué à peu près tout ce qui me tombait sous la main”.
Les saynètes inspirées (et parfois reprises mot-à-mot) des textes des philosophes et d’historiens antiques sont entrecoupées de moments plus pédagogiques où Monsieur Phi reprend la parole pour nous aider à mieux saisir méthodes et concepts dans un langage actuel. Bonus inattendu, par rapport aux vulgarisateurs plus connus des chaînes télévisées, il y arrive sans nous expliquer pourquoi, au fond, c’est toujours mieux quand même d’être un gros raciste. Chapeau, l’artiste.
PhilosopherView, la playlist YouTube
Sous le soleil de Yalta
Si vous êtes du genre à réserver au dernier moment, j’ai quelques destinations sympas à vous proposer : Téhéran, Malte, Yalta ou Potsdam, ça vous dit ? Vous y serez en (relativement) bonne compagnie puisque je vous propose également, comme colocataires, Roosevelt, Churchill, Staline, leurs diplomates et leurs généraux.
Cela grâce au travail de l’historien Guillaume Piketty qui a réuni et édité, dans un beau pavé de 500 pages, le mot-à-mot de ces conférences clés de la Seconde Guerre Mondiale. Les minutes des réunions plénières et les notes des traducteurs font revivre au temps présent ces moments décisifs.
On commence à Téhéran en novembre 1943. Sur le front de l’Est, face aux divisions nazies, l’URSS a repris l’avantage mais souffre encore mille morts (c’est une expression à soumettre au concours international de l’euphémisme). Sa préoccupation : quand donc ses alliés occidentaux vont-ils débarquer en France, histoire de soulager son armée et son territoire ? La question est pressante er pourtant, il n’a pas que cela en tête. Avant la première rencontre au sommet, il se retrouve avec le Président des États-Unis en tête à tête pour évoquer la question des colonies. La France, estime-t-il, devrait comprendre assez facilement après la guerre que contrôler l’Indochine tient de la chimère. Churchill, en revanche, pourrait bien se froisser si on lui suggère d’abandonner les Indes.
Mais bon : ce débarquement, alors ? Comme le dit Churchill : “Je suis légèrement inquiet par le nombre et la complexité des problèmes auxquels nous devons faire face” (phrase qui a justement remporté la compétition internationale de l’euphémisme en 1943, malgré une concurrence serrée). Il aimerait aussi beaucoup faire entrer la Turquie dans la guerre. Cela ouvrirait un troisième front au moment même où l’Italie fasciste s’écroule. Mais ce ne sera pas avant février 1945. Un peu tard.
Je ne vous en dis pas plus pour ne pas spoiler la fin. La France finira-t-elle occupée par les États-Unis ? Le général de Gaulle sera-t-il bien accueilli par sa population ? Jusqu’où se battront les forces de l’Axe ? Est-il vraiment réaliste d’imaginer un genre d’organisation des nations unies ? Quant à Staline, toujours prompt à se proposer en libérateur de l’Europe, ne jouerait-il pas double-jeu ? La liberté des peuples est-elle bien sa priorité ?
Vous trouvez les réponses à ces questions dans Verbatim des conférences de la Seconde Guerre Mondiale aux éditions des Belles Lettres… Ou, pour en goûter un premier aperçu, dans un épisode du Collimateur, le podcast spécialisé dans le passé, le présent et le futur du fait militaire. Guillaume Piketty y est cuisiné par Alexandre Jubelin et André Loez. On entre ainsi de plain-pied dans les coulisses de la pièce où va se dessiner l’ordre international aujourd’hui tant abîmé… par des bouffons dont on ne peut que se dire, au passage, qu’ils ne sont vraiment pas à la hauteur.
Guillaume Piketty invité du Collimateur / Verbatim des conférences de la Seconde Guerre Mondiale aux éditions des Belles Lettres
Attention, ça va riper
Avant de conclure comme on a commencé (en musique), accordons-nous un détour par l’Angleterre. Exception à la règle, le podcast ici chroniqué est en anglais. Heureusement les animateurs, Dominic Sandbrook et Tom Holland, tous deux historiens, parlent posément, d’une affaire suffisamment connue et avec un accent assez clair pour qu’il soit possible de les suivre sans trop d’efforts. Mais, s’il est évidemment de bon goût de vous suggérer d’écouter une série de cinq épisodes sur Jack l’Éventreur pour vos siestes digestives à venir, je voulais surtout en parler pour souligner le remarquable travail d’éditorialisation mené par The Rest is History.
La série est également disponible sur YouTube. Les sous-titres peuvent s’avérer utiles.
Après tout, cette newsletter s’intéresse d’assez près à la vie des médias et aux traitements médiatiques. En la matière, c’est une vraie leçon qui est donnée ici.
Comment faire un podcast sur Jack l’Éventreur en 2025 ? En évitant déjà la faute de goût numéro 1. C’est-à-dire en ne prétendant pas avoir quoi que ce soit de neuf à dire sur le meurtrier londonien. Vous ne trouverez ici ni de pseudo-ADN retrouvé sur un timbre “qui relance le débat”, ni de nouvelle piste jusqu’ici ignorée de tous. Aucune fausse promesse : on sait déjà tout ce qu’il y à savoir sur cette série de meurtres de jeunes femmes dans l’Angleterre victorienne. Et nous n’avons pas, nous n’aurons jamais, de certitude quant à l’identité du coupable. Même si les historiens ne fuient pas le défi (ils vont évoquer leurs propres hypothèses dans le dernier épisode de la série), ils sont assez clairs sur le fait qu’ils n’en savent pas plus que la police de l’époque, qui était plutôt dans le brouillard.

C’est là qu’arrive l’enjeu journalistique : si l’on ne sait rien, alors que dire ? Eh bien justement, tout le reste. Tout le contexte. La vie des femmes de l’époque, l’ambiance de cet étrange quartier de Whitechapel, ses rues tortueuses et sa pauvreté. On apprend par exemple que si ce coin de l’Est de Londres cumule tant de misère au moment des meurtres (soit aux alentours de l’année 1888), c’est parce que deux ans plus tôt la mairie a dégagé à coups de matraque les sans-abris de la place centrale de Trafalgar Square. Ils sont allés là où on les laissait tranquilles, au moment même où juifs et slaves fuyaient un regain de violences et de pogroms dans la Russie impériale et échouaient, eux aussi, là où l’on voulait bien d’eux. Nos deux animateurs dressent aussi le portrait des victimes : comment, femme, pouvait-on se retrouver à vivre seule dans les coins les plus mal famés du pays ? Leurs histoires individuelles sont autrement plus intéressantes que celle du détraqué qui les a mutilées.
Faire l’histoire de Jack l’Éventreur, c’est aussi faire l’histoire de la presse, alors en plein boom. C’est pour elle le sujet en or. Le surnom de l’assassin, “Jack l’Éventreur”, vient d’ailleurs d’une lettre qu’il aurait lui-même adressée à un journal… dont on pense aujourd’hui qu’en réalité, elle aurait été signée par un journaliste. Les fake news sales et sanglantes étaient déjà bonnes pour le commerce (le texte de la lettre, malsain à souhait et assez horrible, est disponible en français ici).
En fond se dessinent les soubresauts des mœurs et de la vie culturelle. Ainsi, L’Étrange cas du docteur Jekyll et de mister Hyde est paru deux ans plus tôt. Le roman est adapté en pièce de théâtre pour les salles londoniennes en août 1888, juste avant que ne démarre la série de meurtres qui vont terroriser le pays. La figure du bon docteur Jekyll, hantant les rues de Londres sous les traits déformés de monsieur Hyde, résonne si fortement avec l’émotion populaire que la pièce devra cesser ses représentations, non sans en avoir donné une dernière à but caritatif, sans doute pour se racheter en récoltant des fonds au profit d’un foyer pour orphelins. Au même moment, les inégalités contribuent à la montée des sentiments socialistes dans le pays (le premier député socialiste de l’histoire anglaise est élu précisément en 1888*). De quoi donner corps aux fantasmes faisant de l’Éventreur un aristocrate qui écumerait les quartiers défavorisés pour littéralement boire le sang des pauvres.
C’est une époque fascinante dont l’épilogue a des airs de série policière interrompue brutalement. La police, qui ne dispose alors ni des clichés judiciaires ni des empreintes digitales, n’aura jamais mis la main sur le bourreau. Ne restent de lui que les descriptions faites par des témoins oculaires qui ont vu les victimes peu avant leur mort, souvent en discussion avec une inquiétante silhouette. Celles-ci se recoupent. Elles font de “Jack” un homme d’environ 1,65 mètres, portant moustache élégante, redingote noire et chapeau deerstalker (celui de Sherlock Holmes). De quoi cimenter l’image du Mal pendant plusieurs décennies… avant qu’elle ne soit remplacée par un autre petit bonhomme à la moustache autrement moins chic. Mais c’est une autre histoire.
* Je n’ai pas vérifié mais je pense que c’est aussi le dernier.
Jack the Ripper : History’s Darkest Mistery sur le site du podcast.
Buuuwi Buuwuwuw
Il y a deux problèmes avec le numérique. Le premier est qu’on nous a menti : il est en réalité impossible d’encoder la complexité des œuvres musicales, des Beatles à Beethoven, uniquement à l’aide de 0 et de 1. Ça ne colle pas, c’est évident. Le second découle du premier : chaque fois que l’on fait quelque chose numériquement, le seul moyen d’y parvenir est de donner son âme au diable. C’est d’ailleurs ce qui explique l’état du monde contemporain.
Mais voilà maintenant un troisième inconvénient, comme nous l’apprend This is Colossal : on ne peut pas s’amuser avec le format numérique autant qu’avec les supports analogiques et physiques. Certes, les logiciels permettent facilement de reproduire le son d’un scratch de vinyle sur n’importe quelle piste sonore. Mais on ne peut pas créer, en tout cas pas avec une liberté égale à celle des Japonais du Open Reel Ensemble, très doués pour transformer les bandes magnétiques à l’ancienne en violons, percussions et tout ce qui leur plaira.
Ça a l’air expérimental et pénible au début mais au bout de trente secondes, ça décolle.
Le trio, qui se proclame, “de manière tout à fait hallucinatoire”, chef de file d’un mouvement qui, s’il existait, s’appellerait le “MagnetikPunk”, a d’abord exercé ses talents en accompagnement d’attractions diverses, par exemple lors des défilés de mode d’Issey Miyake. Il a sorti un premier disque en 2023 et ce printemps a fait paraître trois nouveaux titres réunis sous la bannière Kimino Musik. Comme vous pouvez l’entendre, tout va très bien dans leurs têtes :
Le magazine This is Colossal, toujours curieux de la bizarrerie des autres, nous explique :
Pour réaliser ces airs envoûtants et éthérés, le groupe attache des archets aux bobines. On les sait aussi capables de frapper les bandes comme les cordes d’une guitare, de les suspendre pour jouer à l’aide de baguettes de batterie ou encore de les faire tourner comme les platines vinyles des D.J. L’Open Reel Ensemble utilise des enregistreurs multipistes pour réunir ces sons qui peuvent ensuite, à loisir, être séparés ou multipliés durant les concerts.
Aucune date de tournée n’est pour l’instant annoncée en France et je crains qu’il faille trouver une autre idée de cadeau pour votre belle-maman. Mon conseil : optez pour un magnétophone à bande, comme ce Akaï 4000 DS MK2 à 80 euros sur Le Bon Coin. C’est une affaire.
Open Reel Ensemble via This is Colossal
Je prends 15 jours de vacances pour la fin d’année. Le prochain Jour En Plus sera donc le lundi 12 janvier. Il sera peut-être bien, aussi, un éditorial ou un format original pour démarrer l’année —que je vous souhaite d’ailleurs belle et bonne, à l’image de vos fêtes 😀 !
Gardons les pieds sur Terre pendant que ça tourne.
Merci à Marjorie Risacher pour ses coquillicides impitoyables.



