Chère lectrice, cher lecteur,
permettez-moi de vous souhaiter un très bon week-end en compagnie, cette semaine, de fleurs partout, de la coupe des champions du cricket, de la star du Tetris, d’une milice privée, de zostères, d’opéras, de rayons gamma et de bilinguisme.
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Le mot de la semaine
Deux langues, c’est bien. Peut mieux faire.
De temps en temps, à Oxford en Géorgie, un type pointe le bout de son nez, cause un bout et change le destin de l'université. Ça a été le cas, nous dit son site, en 1836 quand la conférence générale méthodiste attribua à la ville une charte de création universitaire, donnant naissance à l'université Emory —d'après le nom de l'évêque John Emory, un patient avocat de la raison dans la foi, décédé l'année précédente d'un accident de carriole. Ce fut le cas, aussi, en 1880 quand son huitième président, Atticus Haygood (difficile de faire plus XIX° siècle américain comme nom) prêcha, le jour de Thanksgiving, un sermon appelant chacune et chacun à embrasser la vision du "New South". Soit un Sud qui, plutôt que se lamenter sur la perte de ses esclaves et sa défaite dans la guerre de Sécession, embrasserait la modernité, en termes économiques et humains, en reconnaissant l'humanité pleine et entière de "nos Frères en Noir" —ceux qu'on appelle aujourd'hui les Afro-Américains.
Ce fut le cas, encore, en 1917, quand une certaine Eléonore Raoul, en s'inscrivant aux cours, y devint la première étudiante de sexe féminin. À Emory, le droit des femmes à l'éducation ainsi que, dès les années 1950, celui des Noirs Américains, fut tôt affirmé et défendu. Ce fut le cas encore une fois quand, plus étonnant, "Sa Sainteté le XIV° dalaï-lama" s'y rendit pour prononcer un discours lors de la cérémonie de remise des diplômes. Emballée, l'université créa aussitôt un programme d'études en bouddhisme tibétain à Dharamsala, en Inde.
La ville, avec laquelle le partenariat dure toujours, n'est pas choisie au hasard : c'est là que résident le chef spirituel, le gouvernement tibétain en exil et, surtout, des dizaines de milliers de réfugiés après leur traversée de l'Himalaya pour fuir les persécutions chinoises.
Ce jumelage aboutit finalement à la création, tout simplement, d'une nouvelle méthode d'éducation qui unit les principes bouddhistes aux habitudes pédagogiques occidentales les plus pointues.
D'abord par la création, en 1998, du Centre pour la Science Méditative et l'Éthique Fondée sur la Compassion ("Center for Contemplative Science and Compassion-Based Ethics, CCSCBE ; on voit par là que l'équipe d'enseignement résista —on ne sait comment— à l'envie de tordre une appellation pour la faire correspondre à un acronyme tendance, une claire indication de sa volonté révolutionnaire). Il y aurait beaucoup à dire de surprenant sur le CCSCBE (de son directeur, un ancien moine né sur les plateaux de l'Himalaya, à sa création d'un monastère bouddhiste à Atlanta, en passant par les apports de ses recherches sur les études neurologiques et cognitives) mais il paraît plus important, là, de parler un peu plus du fond. Sujet du jour : qu'est-ce qu'une éthique fondée sur la compassion ?
"On l'appelle également "éthique laïque". C'est simplement une éthique qui, de manière explicite, accorde de la valeur à une orientation vers la gentillesse et la compassion, et la promeut. C'est une approche holistique qui cherche à cultiver, en même temps que les sujets académiques traditionnels, un état d'esprit bienveillant et éthique fondé sur les valeurs humaines élémentaires, que l'on peut approcher par le sens commun, l'expérience commune et les données scientifiques.
Une éthique fondée sur la compassion est une éthique inclusive, qui ne cherche à faire avancer aucun agenda de type sectaire. Pas plus qu'elle ne cherche à supplanter le rôle de la famille, de la culture ou de de la foi, pour aider enfants et adultes à faire face, de façon constructive, aux défis de l'existence."
Ok, mais concrètement ?
Concrètement, cette approche a débouché, en 2015, "après plus de deux décennies d'échanges avec des scientifiques, des éducateurs et des éducatrices sur ce que pourrait apporter l'enseignement de la compassion et de l'éthique à l'école maternelle jusqu'au lycée et dans les études supérieures" sur l'élaboration "d’un véritable programme scolaire, le SEE Learning —soit l'Apprentissage Social, Émotionnel et Éthique". Un curriculum entier, "qui reflète la vision du dalaï-lama d'une éducation du cœur et de l'esprit, non sectaire, universelle et scientifique". Un curriculum adaptable à de nombreux pays aussi, lancé en grandes pompes en avril 2019 en présence entre autres, certes du dalaï-lama, mais aussi de Kailash Satyarthi, Prix Nobel de la Paix 2014 avec la jeune Malala Yousafzai, pour leur combat commun contre le travail forcé des enfants et leur droit à l'éducation.
Si le SEE Learning vous intéresse, on trouve naturellement beaucoup de ressources en ligne ici, et même un exemple de manuel à télécharger, là. Mais ce qui m'intéresse cette semaine, c'est un exemple du SEE Learning en pratique, détaillé par le magazine de vulgarisation Anthropology News.
La scène se passe cette fois à Vancouver, où l'on trouve plusieurs centaines de réfugiés tibétains depuis qu'un programme fédéral leur a facilité l'asile entre 2013 et 2017. Que viennent faire les anthropologues dans cette histoire ? Laissons leur la parole :
"En mai 2024, à Vancouver en Colombie Britannique, lors d'un atelier communautaire "d'Apprentissage Social, Émotionnel et Éthique pour les enfants multilingues", des questions sont survenues sur la manière de traiter la langue natale des réfugiés, et même sur ce qu'est une langue digne d'attention […]. La diversité linguistique fait l'objet d'un important débat au sein de cette communauté, dans le cadre de la survie de la culture du bouddhisme tibétain […]. Ces réfugiés sont entrés au Canada dotés de répertoires linguistiques complexes. Les individus parlent les langues standards comme le tibétain central, l'anglais, l'hindi et le népalais, mais à cela s'ajoutent les dialectes himalayens comme le kongpo, le pemakopa (tshangla) et le tawang monpa".
Or ces dialectes sont les seules langues connues des familles restées sur place. Ce qui oblige, d'une certaine manière, à les conserver, alors qu'il faut apprendre aux plus jeunes, avant tout, à lire et écrire en anglais, au minimum. "Ces familles tibétaines transnationales", poursuit Anthropology News, "entretiennent des liens constants de familiarité, à l'aide d'appels vidéo, de tchats sur les réseaux sociaux et de communications par e-mail, dans une multitude de langages. Les enfants nés au Canada participent à ces échanges familiaux et conversent avec des tantes, des oncles, des cousins et des grands-parents à un monde de distance".
Cela a même mené les parents à s'auto-organiser et, en 2017, à créer leur propre école hebdomadaire, chaque samedi matin, avec cours de lecture, d'écriture, de chant et de danse. Mais malgré leurs efforts, les enfants délaissaient toujours plus le tibétain et ses dialectes au profit de l’anglais, en particulier pour échanger plus aisément et spontanément avec leurs camarades de classe.
C'est pourquoi, "à la demande de la communauté tibétaine locale, l'anthropologue en linguistique Shannon Ward et la doctorante Mhamoda Akter Moli ont adopté le cadre du SEE Learning, inspiré du bouddhisme, afin de faciliter la réflexion sur les meilleures pratiques pour l'apprentissage des langues de l'héritage tibétain".
Conclusions ? Les familles furent particulièrement heureuses de causer un peu d'anthropologie linguistique et de ses découvertes concernant le "translanguaging", dont je peine —n'est-ce pas révélateur ?— à trouver l'équivalent officiel en français. Appelons cela le translangage, si vous voulez bien et au risque de perdre la terminaison "-ing" qui met l'accent sur la pratique. Il s'agit du "mélange intuitif de langues multiples, dans l'apprentissage". C'est-à-dire mêler tout ça joyeusement, un peu à l'instinct semble-t-il, plutôt que de cloisonner les enseignements et les lieux où l'on parle soit tout l'un, soit tout l'autre.
"Si les experts s'accordent à dire que le translangage soutient les enfants dans leur apprentissage d'une langue définie, les membres de la communauté se sont inquiétés que ce mélange nuise au développement de leurs capacités verbales. Afin d'aider à l'admission du translangage, Ward et Moli ont discuté de leur propre histoire linguistique et des modélisations du mélange linguistique. Moli a pris des notes consciencieuses, relatives aux contributions des participantes et participants, dont elle a ensuite tiré un manuel qui incorpore les perspectives des membres de la communauté autant que les plus récentes recherches sur la pédagogie translangagière."
Ou, comme le dit une mère présente à l'atelier :
"L'importance d'accorder aux enfants la liberté de mélanger les langues, et d'exprimer leur pratique individuellement, c'est une leçon fondamentale. C'est important de créer des environnements d'apprentissage flexibles, où les enfants se sentent à l'aise d'utiliser aussi bien le tibétain que l'anglais. Ça peut améliorer leurs compétences linguistiques en général, leur développement personnel aussi."
De leur côté, les anthropologues ne sont pas repartis bredouilles non plus.
"En plus de communiquer la recherche en anthropologie à un public pertinent, l'atelier a été l'occasion d'un forum dans lequel membres de la communauté et chercheuses ont pu penser ensemble et de manière collaborative.
Une discussion significative en a émergé, centrée sur la nécessité de partager les efforts entre les parents, les enseignants et les responsables des communautés afin de créer des environnements d'apprentissage épanouissants, et d'incorporer les activités culturelles dans l'apprentissage du langage.
Toutefois, cette même discussion a mis en lumière le sujet de la division des responsabilités. Les enseignants ont souligné que, à raison de seulement quelques heures le samedi, ils ne peuvent se concentrer que sur la lecture et l'écriture. La communication verbale, dès lors, devrait ressortir de la responsabilité parentale. Or, si la plupart des parents s'accordaient sur ce point, ils doivent faire coexister ces responsabilités éducatives transnationales dans un cadre de ressources extrêmement limitées. Les Tibéto-Canadiens trouvent généralement des emplois dans le domaine du soin, plus particulièrement aux personnes âgées. Des métiers qui impliquent un travail en roulement, où ils saisissent chaque opportunité d'heures supplémentaires, autant pour soutenir leur famille au Canada que pour envoyer des subsides à celle restée en Inde. De ce fait, certains parents ne voient leurs enfants que quelques heures par jour. Pour eux, la pression financière est l'une des causes qui explique l'adoption de l'anglais par les enfants, puisque, étant donné le temps passé au travail, ils n'ont pas beaucoup l'occasion de parler tibétain avec leurs parents.
Cet éclairage montre l'importance des services à l'enfance, dans l'intérêt de la langue tibétaine."
En France par exemple, on pourrait imaginer de renforcer la présence de crèches et d'écoles dans les quartiers à forte présence immigrée et autoriser les enfants à mêler dans des conversations spontanées, par exemple, le français et l'algérien de sorte que aïe, aïe, j'ai rien dit, j'ai rien dit, tapez pas !
Votre horoscope tribal
Le signe de la semaine : Jardinier
"La résilience par les jardins" et "Des jardins pour tous". Tels sont les thèmes du premier Symposium International du Jardin, ouvert vendredi à Séoul par le maire Oh Se-hoon. Le Korea Times y a dénombré 300 participantes et participants et six "experts locaux comme internationaux" venus partager leur savoir.
Parmi ces derniers, l'ancien ministre du développement national de Singapour, désormais président pour la région asiatique de Therme Group, un géant international du bien-être (et des thermes). Mah Bow Tan —c'est son nom— a par exemple insisté "sur l'importance des ressources en eau, lesquelles doivent accompagner les espaces verts", relate le quotidien sud-coréen qui poursuit :
"Citant l'exemple des Jardins de la Baie" (un parc de 101 hectares abritant plus d'un million de plantes venues de la planète entière), "un projet qu'il a dirigé durant son mandat gouvernemental, il a expliqué comment Singapour utilise ses jardins à des fins pratiques, comme le drainage d'une ville qui connaît tempêtes et bourrasques saisonnières. Il a relevé que, face à la crise climatique, les jardins urbains doivent jouer un rôle autant esthétique que fonctionnel, pour aider les villes à s'adapter aux défis de l'environnement".
Également présent, l'architecte-paysagiste et enseignant à l'université de Gessenheim Cassian Schmidt a pris le temps de répondre aux questions du média. À ses yeux, les jardins urbains sont vitaux pour préserver la biodiversité. Et même pour l'enrichir, à condition d'utiliser pour cela des végétaux du monde entier : si l'on veut "créer des écosystèmes plus robustes", la diversité génétique compte plus que la simple quantité.
"En plus de ce rôle environnemental, Schmidt a également souligné la valeur sociale des jardins urbains. Il présente le concept de "jardins communautaires" comme un moyen de pousser à l'interaction et à l'intégration. "Ils peuvent aider les immigrants à s'intégrer en leur offrant une occasion de partager leurs traditions de jardinage, en créant des liens, en encourageant les rencontres", dit-il. Il a aussi évoqué le concept allemand de "villes comestibles", dans lequel les agglomérations emploient les terrains disponibles à faire pousser des fruits et légumes. Cela non seulement promeut la production alimentaire en ville, mais améliore en outre la cohésion sociale, en impliquant les habitants dans des efforts collectifs. "C'est une vieille idée mais, à mon avis, c'est une façon, efficace de réunir les gens, par les plantes et par l'alimentation"".
C'est peu dire que le maire de Séoul les aime, ses jardins. Il a insisté dans son discours inaugural sur leur importance pour juguler la crise climatique, en rappelant son engagement, auquel je ne vois pas d'équivalent dans le monde : "Mon objectif est de faire de Séoul un seul jardin géant et, d'ici 7 à 8 ans, vous découvrirez une ville métamorphosée, avec significativement bien plus d'espaces verts".
Caramel, bonbons et chocolats, paroles, paroles et paroles ? Eh bien même pas, apparemment. L'initiative "Séoul ville-jardin" a été présentée par la métropole au printemps 2023. C'est un budget de 212 millions dollars dédié "à créer des espaces verts en vue de réduire les niveaux de particules fines, de diminuer les températures moyennes et de faciliter l'accès des habitants à la nature", relevait alors le Korea Herald. Si le maire tient parole, alors plus personne n'habitera à moins de cinq minutes à pied de la verdure, dans une ville où 60 % de la population vit en immeuble.
C'est peut-être optimiste… Mais les moyens suivent. Il ne s'agit ni plus ni moins que de construire des parcs partout où c'est possible. Le parc de Yongsan devrait doubler de surface, détaille le site de la ville dans une présentation exhaustive. La zone plus ou moins délaissée de Songhyeon-dong, a vocation à être reconvertie. Le district de Gangeso-gu sera relié aux Jardins Botaniques "par des chemins plantés de fleurs sauvages". Ça va pousser partout, même sur des portions entières des voies rapides Yeongdong-daero, Gukhoe-daero et Gyeongbu ! (Le point d'exclamation sert à faire croire que je connais tous ces endroits alors que la simple vue d'un aéroplane me paralyse de terreur, pour peu que l'on me propose d'y embarquer).
"Ensuite, un projet de grande échelle, le "Chemin Vert de Séoul", devra relier les espaces verts de la ville par des fleurs, des arbres et de la pelouse. Long de 2 063 kilomètres, il doit être achevé en 2026. Les allées qui connectent des bouches de métro à la petite ceinture vont passer de 8 à 21. Des pins seront plantés autour de Seoul Plaza, devant l'Hôtel de Ville, pour inviter les visiteurs à profiter de l'ombre et se rafraîchir."
Ce que j'ai traduit par "petite ceinture", en souvenir d'un vingtième arrondissement parisien en tous sens arpenté, c'est en fait la Piste de Séoul : 21 coulées vertes qui encerclent la ville. Un total de 156 kilomètres émaillés de bancs, de cafés-lecture et d'abris "pour permettre aux citoyens de trouver à se reposer sans avoir à chercher", décrit son site officiel, "ou de découvrir, grâce aux temples et aux sites historiques qu'elle raccorde, l'histoire, la culture et la flore de la ville."
Il n'aura fallu que 70 ans pour que le rêve de Maurice Druon, qui écrivait dans Tistou les pouces verts que "les fleurs empêchent le mal de passer", voit finalement le jour. Ça aura été un peu long, mais l'essentiel est que quelqu'un, quelque part, ait enfin commencé.
Athlète
Les Indiens iront-ils au Pakistan ? Les paris sont ouverts. Et l'enjeu plus important que celui de la prochaine Coupe des Champions, du 19 février au 9 mars prochain.
C'est l'une des trois plus grosses compétitions de cricket au monde (ah, oui, c'est du cricket) . Elle réunira cette année le Pakistan, vainqueur de la précédente édition et pays hôte (un honneur qui ne lui était pas revenu depuis —c'est important pour la suite— 2009) et les 7 autres pays arrivés en tête de la Coupe du Monde 2023. Soit, dans le groupe B, l'Afrique du Sud, l'Angleterre, l'Australie et, sic, l'Afghanistan et, dans le groupe A, outre le Pakistan qualifié d'office, la Nouvelle-Zélande, le Bangladesh et l'Inde, le champion du monde en titre. 3 stades au total, et 15 matchs pour enflammer l'hémisphère sud.
Sauf que l'Inde, c'est rien de le dire, n'est pas chaude à l'idée de venir jouer sur place. Ce n'est pas une première, puisqu'elle a officiellement cessé d'envoyer son équipe au Pakistan, quel que soit le match et quel que soit l'enjeu, depuis 2008. Avec un raison bien compréhensible : c'est l'année des terribles attentats de Bombay, lors desquels 10 terroristes ont assailli 6 lieux touristiques de la ville, tuant près de 170 personnes et faisant plus de 300 blessés.
L'enquête a rapidement prouvé que les islamistes s'étaient entraînés au Pakistan sans jamais être vraiment inquiétés. Le pays nie toute complicité, mais a également refusé d'extrader les suspects pris sur son sol. De quoi souffler un sérieux coup de frais sur les relations indo-pakistanaises. L'International Cricket Council et ses tournois n'en fut que l'anecdotique victime.
Si les Pakistanais ont effectivement dorloté leurs petits meurtriers intégristes, ils l'ont payé cher. La situation s'est encore compliquée quand, lors du championnat de 2009, une autre équipée terroriste s'en est prise à l'équipe sri lankaise de cricket, alors que celle-ci se trouvait à bord du bus qui les emmenait vers leur prochain match. 9 joueurs ont été blessés et 6 policiers pakistanais, ainsi que 3 civils, ont trouvé la mort. C'est pour cela que, depuis cette date, le pays musulman n'a plus accueilli la compétition, et que cette édition a une réelle importance diplomatique pour lui. L'Inde honorera-t-elle de sa présence ce rendez-vous sportif majeur ?
Ce n'est pas joué. La décision revient au président Narendra Modi et à lui seul, expliquait la semaine dernière le vice-président du Bureau Indien de Contrôle du Cricket, Rajeev Shukla. Ces derniers jours, de son côté, son homologue à Islamabad, Mohsin Naqvi, s'affichait malgré tout confiant : "l'équipe indienne devrait venir. Je ne les vois pas annuler ou repousser leur venue ici, et nous pouvons dire avec confiance que nous accueillerons la totalité des équipes du Trophée des Champions au Pakistan", affirmait-il, avant de confirmer, si l'on peut dire, que "les stades seront eux aussi prêts à temps pour les matchs prévus et tout travail qui pourrait rester à faire le serait après le tournoi".
Ça, c'était lundi. Le lendemain, on apprenait que New Delhi avait tout de même une grosse gifle en réserve dans ses stocks.
Des rumeurs faisaient déjà état de pressions sur le Cricket Council pour délocaliser dans un autre pays les matchs impliquant l'Inde. Mais mardi, la piste a été évoquée de jouer la finale (si l'Inde, par ailleurs favorite, était qualifiée) non pas à Lahore au Pakistan comme prévu, mais carrément à Dubaï. Une humiliation potentielle considérable. Un scoop révélé par les Anglais du Telegraph, qui relève : "Ce scénario ouvre la possibilité, extraordinaire, que le lieu de la finale ne soit pas connu avant le 6 mars, à peine trois jours avant le match, selon que l'Inde se qualifie ou non. Avant cette date, deux terrains devraient être préparés, tandis que les équipes, les officiels, les médias et les fans seraient tenus dans l'ignorance du site". Une complication, précise le quotidien, également valable pour la demi-finale et les quarts, le cas échéant.
Le Pakistan a aussitôt démenti. L'International Cricket Council, en revanche, n'a pas pipé mot.
Jouer au cricket, c'est sympa (enfin, sûrement, qu'est-ce que j'en sais, moi ?) mais (et ça, j'en suis sûre) jouer avec les nerfs du rival géopolitique voisin, c'est beaucoup plus drôle. On peut donc craindre que le suspense dure jusqu'au bout. Ce qui n'empêchera pas de suivre les matchs d'ici. Prévoyez seulement de déposer quelques jours de congés : le format retenu sera celui des One Day Internationals, où les matchs peuvent durer jusqu'à 7 ou 8 heures (l’important, comme le nom l'indique, c'est de finir avant la fin de la journée).
Il vous faudra aussi un peu de temps pour en digérer les règles, ici simplifiées par Le Monde "pour les nuls" parce qu'on a beau être journaliste, on a tout de même, des fois, un cœur.
Gamer
Retenez bien ce pseudo : dogplayingtetris. Ou, plus élégant, ce nom : Michael Artiaga. Car, à 16 ans à peine, il est le premier humain de l'histoire à finir le jeu Tetris.
Attendez, on peut finir Tetris ? Eh bien oui. Si vous l'ignorez, Tetris est sans doute le jeu vidéo ultime : le concept le plus simple et en même temps le plus addictif, inventé par le Russe Alexeï Pajitnov en 1985. L'écran ne change jamais, des pièces y tombent, l'une après l'autre. À vous de vous débrouiller pour faire en sorte qu'une fois en bas, elles s'emboîtent comme les pièces d'un puzzle. Si vous formez une ligne complète, celle-ci disparaît. Plus vous gagnez, plus vous effacez de lignes, plus la vitesse augmente. C'est tout. Mais ça ne s'arrête jamais.
Tetris a été adapté sur toutes les plateformes connues et imaginables, à tel point qu'on ne peut pas vraiment en compter le nombre d'exemplaires écoulés. Plusieurs centaines de millions, c'est certain (465 millions pour les seuls téléchargements sur smartphones, à quoi il faut ajouter plus de 65 consoles et systèmes de jeu au long de ses 4 décennies d'existence).
On ne peut donc pas finir Tetris. Mais en fait si, on peut finir Tetris et c'est même confirmé, désormais, grâce à l'exploit de Michael Artiaga : on peut finir Tetris car, si l'on survit au niveau 255… alors la mécanique repart de zéro. La vitesse retombe au minimum, retrouve une lenteur identique à celle du début de partie. Michael Artiaga a franchi ce seuil, pour la première fois dans l'histoire de l'humanité, ce 5 octobre 2024.
Le site fan de high tech Ars Technica raconte :
"Il lui aura fallu un peu plus de 80 minutes de jeu, et un total de 3 300 lignes nettoyées, pour enfin atteindre le stade quasi-mythique de la "renaissance", en direct devant des centaines de spectateurs sur Twitch. Et après un instant de célébration, et de remise en forme sur les premiers niveaux, il est parvenu à poursuivre son second jeu, pour encore 40 minutes, avant de perdre sur un total de 4 215 lignes et un record de 29,4 millions de points."
Ce qui lui a inspiré, à l'issue de ce match d'anthologie, des mots destinés à entrer dans les annales du vidéo-ludisme :
"Oh mon Dieu, mec, je suis tellement content que ce soit fini. Je veux plus jamais jouer à ce jeu, mec… Je devenais dingue."
Le moment de la victoire lui soufflait pourtant des émotions plus positives, sinon plus complexes. Le champion déclarant alors : "Oh mon Dieu, Oh mon Dieu, Oh mon Dieu, Oh mon Dieu, Oh mon Dieu, Oh mon Dieu, Oh mon Dieu, Oh mon Dieu, [Inaudible], Oh mon Dieu, Oh mon Dieu " avant, tout à sa célébration, de malheureusement claquer le micro et couper le son par inadvertance. C'est à 1heure, 21 minutes et 24 secondes sur la vidéo ci-dessous :
Cynique, Ars Technica remarque cependant :
"Maintenant que la renaissance de Tetris est avérée humainement possible […], il ne fait pas de doute que la communauté va se demander qui atteindra les deux renaissances, dans une seule partie ininterrompue, si jamais quelqu'un y parvient un jour."
Car non : on ne peut pas finir Tetris. Telle est l'étrange beauté, la lutte irraisonnable de l'humanité. Sa splendide douleur. Sa malédiction inachevée.
Keuf
C'est un des mots les plus chics du cinéma d'action : intercepteur. Il y a les intercepteurs TIE du Retour du Jedi, (très chics avec leurs panneaux latéraux allongés en flèche). Il y a surtout le V8 Interceptor, le bolide culte de Max Rochatansky, plus connu sous le nom de Max le Fou, "Mad Max". C'est avec ce véhicule noir comme le deuil qu'il pourchasse les loubards pour les exterminer sans jugement. ll est fou, après tout.
C'est aussi le nom qu'a donné Zoran Galic à son plan génial pour traquer les bandits en Bosnie et se constituer une escouade à sa botte (même si la trouvaille revient d'abord à son chouchou, Rejhan Rakovic).
L'histoire du "Operational Plan Interceptor", pour reprendre la traduction anglaise que nous en propose le Balkan Insight, remonte au 30 décembre 2014. Zoran Galic est alors chef de la police en Bosnie-Herzégovine. Ce jour-là, qui ne va pas tellement lui porter chance, Galic "ordonne le transfert de six officiers des douanes pour en faire "une équipe dotée d’objectifs spéciaux", chargée de jouer un "rôle proactif" dans la lutte contre la contrebande et de protéger les frontières de la Bosnie", raconte le magazine d'Europe Centrale. Il confie alors à Rejhan Rakovic, un inspecteur spécialiste des infiltrations, de rédiger un document imaginant ce que pourraient être leurs missions et modes opératoires.
Le document Operational Plan Interceptor lui est remis en mains propres deux semaines plus tard. Il sera suivi à la lettre : ainsi est créée "l'équipe Alpha", à la fois conçue comme une section d'élite et une garde prétorienne secrète, sans doute pour faire chic. Ses six membres se distinguent de leurs collègues douaniers à leurs tenues de camouflage (les douaniers bosniaques étant vêtus des uniformes et gilets bleus auxquels on est plus habitué en Europe). Ainsi qu'à leur armement militaire. À savoir un pistolet-mitrailleur Taurus 9 mm et un fusil d'assaut Steyr AUG A3. Des cracheurs de feu que l'on ne retrouve en principe que chez les soldats conventionnels, ou les équipes d'intervention de type GIGN. J'ai moi-même pratiqué l'un et l'autre, dans des jeux vidéo, et je peux confirmer personnellement l'efficacité du A3 en zone de guerre, aussi nombreuses soient les vagues d'assaut que les programmeurs sadiques ont décidé d'envoyer à ma face dans la série des Rainbow Six. Ainsi, lorsque les mercenaires sanguinaires du cartel mexicain de Domingo "Ding" Chavez ont pris en otage la quasi-totalité de Las Vegas, et que le gouvernement américain m'a confié la dure tâche de nettoyer la zone et sauver le Nevada de leur plan diabolique, le AUG A3 et sa lunette de précision formaient la base de mon arsenal. Je frissonne encore en me rappelant le briefing, directement donné, par manque de temps, à bord de l'hélicoptère qui nous menait, mes hommes et moi, sur les toits du plus grand casino de la ville. Je sentais la sueur couler dans ma nuque malgré le professionnalisme qui me permettait de rester calme et de montrer l'exemple… Mais c'est, je crois, une autre histoire.
Retournons en Bosnie, donc, et à l'Alpha Team (qui était aussi le nom de mon détachement dans Rainbow Six, mais promis j'arrête), retour à la folie des grandeurs de Zoran Galic. Le fonctionnement détaillé par le Plan Interceptor était assez simple : les membres Alpha (le rédacteur du plan s'était, au passage, donné le nom d'Alpha 1, en toute modestie) fonctionnaient par roulement, afin qu'un détachement puisse être prêt à toute heure du jour et de la nuit. Ils ne recevaient d'ordres que de leur créateur. Tout autre responsable aurait eu du mal à leur en donner, de toute façon : l'intégralité du projet avait été tenu secret, dissimulé à l'entièreté de la chaîne du commandement, jusqu'au ministre de la sécurité. Celui-ci étant normalement le seul habilité à approuver la création de quelque force policière que ce soit (d'ailleurs, le plan obtenu par le journal "ne se réfère à aucune loi ou régulation pour justifier son existence"), tout était complètement illégal. Le plan Interceptor, l'Alpha Team, les surnoms, la garde privée, les tenues de camouflage, les armes de catégorie militaire et —tiens donc— les pots-de-vin versés directement par les gangs à ce joyeux petit monde.
Ce qui explique que, "une décennie plus tard, Rakovic est derrière les barreaux pour corruption et Galic est sous le coup d'un mandat d'arrêt domestique, inculpé d'abus de pouvoir et de corruption passive, à la suite d'un raid policier sur le trafic de tabac".
Ce qui a fait tomber cette bande d'Alpha, outre leur arsenal un peu voyant (doublé d'un accès réservé aux enregistrements audio et vidéo de surveillance et d'une flotte de 4 véhicules dédiés), c'était les autres petits privilèges dont aimait les gratifier le directeur. Jusqu'au 8 juillet dernier du moins, date à laquelle il a fui le pays (sans doute pour la Croatie), prévenu par un informateur que tout était découvert et que son arrestation était prévue le lendemain.
Les agents étaient en effet autorisés à enquêter sur leurs collègues et même à mettre sur écoute celles et ceux dont la tête ne revenait pas à leur chef. Ils pouvaient, d'une manière générale, ""procéder comme bon leur semblait", selon une source de la police des frontières […], sans besoin de mandat judiciaire ou d'ordre du procureur". Comme le résume encore l'informateur du magazine : "ils n'agissaient pas pour l'État. Ils agissaient uniquement au bénéfice de celui qui les avait rassemblés : Zoran Galic."
Exemple cocasse : en 2020, Rakovic —le rédacteur du plan, autodésigné Alpha 1 et, décrit par la source du Balkan Insight comme "le soldat le plus loyal de Galic" a été chargé de choisir les meilleurs candidats de la 11ème promotion annuelle des cadets des douanes pour leur recrutement. Sa méthode ? Tout simplement les faire passer à la caisse et retenir celles ou ceux qui le corrompaient le mieux, selon les documents de l'enquête.
Ce n'était même pas un business si florissant : condamné en septembre 2023 à 4 ans de prison, Rakovic doit rembourser 50 000 euros de pots-de-vin, ce qui est petit joueur. Heureusement, il peut se targuer d'un autre succès à son actif : "Jusqu'à sa condamnation, le processus de recrutement a été interrompu, trois ans durant. La 11ème promotion n'a prêté serment qu'en mai dernier. Dans l'intervalle, il a manqué 750 agents des douanes à la police bosniaque."
Comme quoi, il vaut mieux jouer aux jeux vidéo que se faire un film dans la tête.
Mode
Un toit qui dure
Pas mal, hein ? C'est danois. C'est aussi écolo, solide et durable. Mais ça n'est pas sans inconvénients.
Alors, par où commencer ? Pour vous faire un joli toit comme ça, il vous faudra déjà rassembler un gros tas de zostères. Vous en avez sûrement déjà vu. Les zostères sont des algues assez communes. Elles ressemblent à ça :
Il en faut donc un gros tas. Un gros tas comment ? Un gros tas, genre pour restaurer les 36 huttes traditionnelles de l'île de Laeso au Danemark, il en a fallu 90 tonnes. Ensuite, il ne faut pas avoir de grief contre les zostères, parce que vous allez passer pas mal de temps en leur compagnie : 3 personnes pendant deux mois par toit, d'après le décompte de Henning Johansen. Ou, à la grande époque de la zostère comme matériau de toiture, au XVII° siècle, une journée avec une centaine de personnes —les femmes et les enfants, à l'époque, qui ne manquaient pas de quoi s'occuper quand les hommes étaient en mer pour pêcher.
Et après ? Encore du temps : 3 ans de plus "pour qu'elles durcissent en formant des poches d'air, comme du papier-mâché, de sorte qu'elles repoussent la pluie et résistent au feu comme à la moisissure", nous explique le Smithsonian Mag.
Et encore après ? Après c'est bon et ça dure 350 ans.
Ça dure, et c'est durable : "la zostère a de véritables super-pouvoirs", se réjouit le magazine d'art, de sciences et d'histoire. "Elle peut aspirer le dioxyde de carbone dans l'environnement jusqu'à 35 fois plus rapidement que les forêts tropicales (et en stocker 10 fois plus à superficie équivalente), selon un rapport de l'Agence de Protection Environnementale de 2023".
Que de bonnes raisons pour en faire votre toit de hutte. Pourtant, à l'origine, ce ne sont pas celles-ci qui ont poussé Henning Johansen à faire revivre ce matériau traditionnel de Laeso, l'île danoise où il a grandi et est revenu habiter en 2010, après quelques années passées dans le plus joyeux Jutland —je n'ai pas fait de recherches sur le Jutland, mais c'est sûrement plus gai que Laeso, "une petite île isolée toute en landes de bruyères et marais salants".
Commençant à accuser leurs trois siècles et quelques d'existence, les toitures sont alors à refaire. C'est d'abord, comme ailleurs, la paille qui est envisagée. Mais Johansen est sceptique. ""L'idée de remplacer des plafonds vieux de 350 ans par d'autres qui durent entre 40 et 50 ans, ça m'a fait réfléchir", dit-il. "Sauf que personne ne savait comment rénover ces toitures-là". Alors, il a commencé à étudier les méthodes de rénovation que pratiquaient ses ancêtres dans les années 1600".
Comme quoi ça n'est pas si compliqué, la vie. Sauf que la zostère est une espèce menacée. Or elle ne sert pas qu'à se protéger des soirées pluvieuses de Laeso. Elle est essentielle à tout l'écosystème qui l'a vue grandir, "en réduisant l'acidification […], en absorbant les minéraux marins, en filtrant l'eau, en respirant de l'azote, en fournissant un habitat essentiel en même temps qu'un lieu de ponte aux animaux, en leur procurant de la nourriture et en stabilisant les sédiments, ce qui préserve de l'érosion", rien de moins.
C'est pour toutes ces raisons que Johansen, comme sa belle-fille —qui s'est aussi impliquée sur ce projet de restauration (vu qu'elle est ingénieure en design durable, ça l'a intéressée)— se font un devoir de seulement travailler avec les algues déjà arrachées par les flux et reflux, et trouvées sur le rivage. Là aussi, à la manière des ancêtres (comme souvent, on peut avoir une pensée émue pour le couvreur médiéval de Laeso qui s'est dit "Eh, ça doit être pas mal ça, pour protéger de la pluie !" et a dû un peu galérer pour convaincre le voisinage, tandis qu'il recouvrait sa hutte de ce qui, crevons l'abcès tout de suite, ressemble plus aux bacchantes de Friedrich Nietzsche qu'au dôme du Panthéon).
Si l'on veut profiter pleinement des bénéfices de la zostère et contribuer à sa survie, il va donc falloir en cultiver. On ne sait pas du tout comment, mais les experts sont sur le coup. À ceci près que, "pour le moment, la communauté des algues de mer étudie de près comment créer des plantations pour participer à la restauration des milieux naturels, plutôt que pour servir de matériau de construction ou à d'autres activités" explique le directeur et fondateur de Project Seagrass. C'est assez imparable. Et puis "commercialiser la production d'algues de mer fait sens, mais le faire d'une manière écologiquement soutenable doit être au cœur du business-model. Or pour l'instant, l'équation est loin d'être rentable".
Ce serait assez marrant que la solution soit trouvée dans 350 ans, par un futur artisan motivé comme Johansen. Avant serait quand même mieux, la production de ciment, d'acier et d'aluminium demeurant une cause considérable d'émissions de gaz à effet de serre —37 % du total mondial, rappelle le Smithsonian en s'appuyant sur les données de l'ONU.
Chaque patelin devrait avoir son Johansen. Peut-être faudrait-il le cloner ? Ah écoutez je cherche, hein.
Beauté
À la baguette
Quand on est un chef d'orchestre italien, c'est assez sympa d'être proclamé "l'héritier spirituel" de Toscanini par le maître lui-même. On peut donc comprendre le sourire de Guido Cantelli sur cette image (à droite sur la photo, avec son épouse Iris à gauche et Arturo Toscanini au milieu).
Beaucoup moins sympa mais, malgré tout, mémorable, est de trouver la mort comme une rock star : à l'âge de 36 ans dans un crash d'avion, une semaine seulement après avoir été nommé directeur de La Scala de Milan et en route pour diriger une série de concerts américains à la tête du New York Philharmonic Orchestra.
Cette tragédie brutale inspira, 5 ans plus tard en 1961, la création du Prix de direction orchestrale Guido Cantelli. Un concours interrompu en 1980 mais qui a été relancé en 2020, année où le maestro aurait eu 100 ans s'il avait vécu.
À ce stade, vous faites peut-être les comptes comme moi : quand on naît en 1920, ça veut dire qu'on a 19 ans en 1939. Exact. N'est-ce-pas l'âge et le moment idéals pour collaborer un petit peu avec l'Axe et le gouvernement de Mussolini ? Oui, mais pas pour Cantelli, excusé : enrôlé de force dans l'armée italienne dès la fin de ses études musicologiques en 1943, il y connaît une carrière de courte durée puisqu'il refuse de prêter serment au Duce. De quoi conduire à sa déportation dans un camp de travail nazi, à Stettin, qu'il ne put quitter qu'à la Libération en 1944, affamé et mourant.
Alors, Guido Cantelli, on peut l'aimer.
Ainsi que ses héritiers, espérons . On peut désormais en juger, car le palmarès du XIII° Prix International Guido Cantelli vient de tomber. Le concours a été remporté par le Sud-Coréen Min Gyu Song, qui se voit ainsi gratifié de 12 000 euros, tout juste suivi du jeune Giovanni Conti (28 ans) et de l'Italo-Iranien Aram Kachech. Ce dernier a également empoché le Prix du Jury des Critiques pour "sa gestion technique supérieure, sa capacité à faire chanter l'orchestre, sa compétence pour diriger les dimensions "macro" comme "micro" du phrasé, des lignes musicales individuelles aux longues périodes".
Les auditions n'étant pas encore tombées sur la chaîne YouTube de la Fondation du Théâtre Carlo Coccia de Novara qui accueillait l'événement, je crains qu'il faille vous abonner pour les guetter et avoir un aperçu des dons de ces messieurs. Dans l'intervalle, vous y trouverez cependant d'autres intégrales sympathiques, comme La Bohème sous la baguette de José Luis Gomez et Le Barbier de Séville en version Alberto Jona.
Ou le concert de clôture de l'édition du centenaire, en 2020, suivi de sa remise des prix. Le premier, où les 4 finalistes font démonstration de leurs dons (la vainqueure étant la jeune femme, la Néo-Zélandaise Tyanyi Lu), est nettement plus intéressant que la seconde. Enfin, si vous préférez la musique symphonique aux discours de félicitations et de remerciements mais, après tout, les goûts et couleurs, ça ne se chante pas.
Bizarre
Les orages sont radioactifs mais c’est normal
La semaine dernière, je rappelais que les rayons gamma, que génèrent les explosions d'étoiles, sont les rayonnements radioactifs les plus dangereux au monde. Eh bien aujourd'hui, une recherche américaine révèle que les orages en créent aussi, un peu tout le temps, tout près de nous. Pas de pot.
Ou plutôt, pas de panique : la radioactivité est si fugace et si concentrée que, comme le dit Steven Cummer, l'un des auteurs de l'étude, "si vous vous trouviez assez près [du tonnerre] pour être impacté, la radioactivité sera le cadet de vos soucis".
Bon, que les orages, tropicaux surtout, pouvaient générer des rayons gamma, on le savait depuis longtemps en fait. Mais pas si souvent, et pas en telle quantité.
Afin de comprendre le pourquoi du comment, Futurity nous raconte que l'équipe " a pu s'approprier un avion de recherche à haute-altitude ER-2 de la NASA, c'est-à-dire un U2 de la Guerre Froide réaménagé. Il vole deux fois plus haut que les avions de ligne, à environ 5 kilomètres au-dessus des orages. Il est aussi extrêmement rapide, ce qui donne au groupe le temps de choisir l'orage le plus approprié à l'observation".
Qu'ont-ils vu, au juste ? "De très nombreux exemples d'émissions gamma, brèves et intenses […] presque toujours en conjonction avec un éclair. Ce qui suggère que l'arc électrique en cause supercharge les électrons, eux-mêmes déjà à haute énergie, provoquant donc des réactions nucléaires également de haute énergie".
Mais s'il n'y avait que ça… "Ils ont également observé deux autres types de radiations gamma, inconnus à ce jour. Le premier est incroyablement bref, moins d'un millième de seconde, et l'autre s'avère une séquence d'environ 10 explosions individuelles, qui se répètent au long d'un dixième de seconde."
"Ces deux manifestations inédites de rayons gamma sont à mon avis les plus intéressantes", a commenté Cummer. "Ils ne semblent pas associés au développement de flashs lumineux. Comme s'ils émergeaient spontanément".
"Certains indices, dans les données, laissent entendre qu'ils pourraient être liés aux processus qui entraînent l'apparition de ces flashs, mais ces processus sont encore un mystère scientifique", a-t-il ajouté, avant, je crois, de faire virer sur l'aile son U2 de la guerre froide et de filer à 800 km/h survoler des coups de foudre tropicaux radioactifs, sans trop regretter sa vocation.
Mais aussi, mais encore
En bref : les news auxquelles vous avez échappé
Pendant ce temps-là, ici, ailleurs et à côté…
La Banque du Laos s'associe avec 11 banques commerciales pour créer Lao Foreign Exchange Market Company Limited, sa première plateforme pour faciliter l'achat et l'échange de devises (The Laotian Times) — La crise continue à Samsung dans sa division de puces informatiques : le vice-président de Samsung Electronics DS, Jun Young-hyun, publie une lettre d'excuses pour n'avoir généré que 6,78 milliards de dollars de profits sur le dernier trimestre : c'est 900 millions de moins qu'attendu par les analystes financiers (The Verge) — À l'approche d'élections législatives anticipées, le Premier Ministre Japonais par intérim et candidat à sa succession se montre sceptique sur la légalisation du mariage homosexuel ainsi que sur la possibilité d'autoriser les femmes de la dynastie impériale à monter sur le trône au titre d'impératrice (The Mainichi) — Aux États-Unis, le coût du ticket du Mega Millions Jackpot Dream passe de 2 à 5 dollars, mais les organisateurs de la loterie américaine assure qu'elle proposera en retour des prix plus fréquents et plus gros. "Dépenser 5 balles pour devenir millionnaire ou milliardaire, c'est quand même pas mal" commente, optimiste, son directeur Joshua Johnston (Fortune) — Cambridge Audio, fabriquant historique de matériel hi-fi, annonce la naissance du EXA100, "l'ampli le plus précis que nous ayons jamais construit", 100 Watts par canal à 2 199 dollars le bébé (Digital Trends) — Avec encore un peu d'efforts, le monde pourrait tripler ses capacités en énergies renouvelables d'ici 2030, en raison de résultats déjà (ou enfin) spectaculaires. "Les énergies renouvelables sont en passe de répondre à près de la moitié de la demande mondiale d’électricité d’ici à la fin de cette décennie ", indique l'Agence Internationale de l'Énergie dans son rapport annuel Renouvelables 2024 (Goodplanet).
Prochain jour en plus : samedi 19 octobre.
Gardons les pieds sur Terre pendant que ça tourne !
Un grand merci à Marjorie Risacher pour sa relecture attentive, et ses coquillicides impitoyables.
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