Un Jour En Plus

Un Jour En Plus

En passant par l'Angleterre, avec mon carnet

Une descente aux enfers, un martyr, un voyage, des hormones

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Lucie Moira
nov. 10, 2025
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Bonjour,

permettez-moi de vous souhaiter une excellente semaine en compagnie, aujourd’hui, d’un déménagement, d’un chapeau, d’un voyage et de testostérone.

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Tout est résumé dans cette jolie page, toute neuve et tout juste terminée ! N’hésitez pas à la partager largement, elle aussi : si chacune et chacun ne convainc ne serait-ce qu’une personne supplémentaire de s’abonner, je sortirai des minimas sociaux. Cela changerait bien sûr ma vie mais me permettrait surtout de mieux développer ce projet et de l’enrichir de futurs formats… qui pourraient certainement vous intéresser, à en juger par vos nombreux retours.

Vous pouvez d’ailleurs m’envoyer des témoignages que je serais ravie d’ajouter à cette nouvelle page !

Et une fois de plus, partagez, que ce soit dans vos réseaux sociaux, par texto, par mail… partout ! Je crois sincèrement que ce travail peut intéresser un public plus large.

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Bonne lecture !

Personne n’en veut

Vous avez vu Dédé, récemment ? Parce que ça ne va pas fort, d’après ses nouveaux voisins (dont je viens de faire la connaissance grâce à un délicieux reportage du Telegraph).

Vous avez peut-être appris que Dédé a récemment perdu sa qualité royale du fait de son frère, le roi Charles III d’Angleterre. Le Prince Andrew, duc d’York, n’est plus que “Andrew”. Ou plus précisément Andrew Mountbatten-Windsor. Il ne convient même plus de le désigner par “Son Altesse Royale”. Et la déchéance du prince redevenu crapaud ne s’arrête pas là.

Pour rappel, Andrew fut autrefois deuxième dans la ligne de succession au Trône d’Angleterre. Il est revenu dans l’actualité à la défaveur de l’affaire Jeffrey Epstein, du nom du pédocriminel américain qui prostituait des mineures sur son île privée.

Le Prince Andrew et sa fille d'une vingtaine d'années, dans un carrosse, en train de saluer la foule l'air pincé
Andrew et sa fille, la Princesse Eugénie, très à l’aise, en juin 2012. CC Carfax2 / Wikimedia Commons.

Jusqu’à présent, peu de noms ont émergé de l’enquête autour de cette affaire insupportable (en particulier parce que Donald Trump met toute son énergie à la freiner mais c’est une autre histoire). Celui du Prince Andrew, malgré tout, a vite fuité. Son amitié avec le financier de Manhattan était de notoriété publique : il l’avait accueilli en sa demeure royale, en compagnie de sa complice Ghislaine Maxwell et du prédateur sexuel hollywoodien Harvey Weinstein, à l’occasion d’un bal masqué (eh oui). Il aurait mieux fait de s’en passer : c’était une semaine avant l’arrestation du financier new-yorkais.

Puis Andrew a été accusé au fil de l’enquête par une victime au moins, Virginia Giuffre. Une phrase de son témoignage est restée célèbre : contrainte à danser en sa compagnie, elle évoquait sa maladresse et sa “transpiration abondante”. Lors d’une apparition télévisée restée célèbre, Andrew a tenté de se défendre en expliquant essentiellement être innocent de tout et ne se souvenir de rien. Sa seule certitude, a-t-il martelé, est que les paroles de la jeune femme, mineure au moment des faits, ne pouvaient être vraies. La preuve : sa brève expérience militaire (lors de la guerre des Malouines) l’a exposé à une surdose d’adrénaline. À cause de laquelle, dit-il, il n’aurait justement pas transpiré pendant des années. Condition médicale bien mystérieuse qui nous aura au moins donné cette chanson entraînante, où le groupe The Kunts reprend en chœur tous les dénis piteux de Son Ex-Altesse.

“Nonce” est un terme d’argot désignant les pédocriminels. Il viendrait de l’abréviation “Not On Normal Communal Exercise”, utilisée par les gardiens de prison pour les signaler comme exclus des activités communes afin d’éviter les violences à leur encontre.

Mis à part l’opprobre nationale et de possibles démêlées judiciaires le jour où l’enquête se débloquera, Andrew doit faire face à d’autres conséquences immédiates. Trop embarrassant pour la Maison royale (91 % de la population britannique en a une opinion défavorable) il a, pour commencer, perdu son titre de duc d’York.

Le titre est un pilier de la monarchie anglaise. C’est tout de même en l’honneur du duc d’York de l’époque, le futur roi James II, que New York s’appelle New York depuis la fin du XVIIème siècle. Andrew n’en est que formellement privé : il faudrait pour le lui ôter définitivement un vote du Parlement et une condamnation judiciaire en bonne et due forme. Mais il s’est engagé à ne plus l’utiliser. De plus, seulement transmissible aux héritiers mâles dont Andrew est dépourvu, il reviendra à la Couronne à son décès.

On supposait jusqu’à présent qu’il aurait ensuite échoué à son grand-cousin, le Prince Louis (qui, à tout juste sept ans, a déjà l’air aussi imbuvable que le Sarkozy du même nom et le même sourire que Damien Thorn, le fils de Satan en personne dans le film de Richard Donner La Malédiction).

Désormais, rien n’est moins sûr : de l’avis des observateurs, le plus probable est que, souillé comme il l’est, il soit purement et simplement détruit, après six siècles d’existence. Cela est déjà arrivé par le passé, rappelle dans le Daily Mail le spécialiste de la famille royale Christopher Wilson :

En sommeil depuis le décès du roi George VI en 1952, le titre n’a revu le jour que lorsque Andrew a épousé Fergie en 1986. La Reine lui a alors accordé cet honneur. Car C’ÉTAIT un honneur. Pas juste un vieux terme royal.

Le deuxième duc d’York, un courageux guerrier, a été tué à la bataille d’Azincourt en 1415. Richard de Shrewsbury, l’un des Princes Tragiques morts dans la Tour de Londres, a gardé le titre jusqu’à ce que son comploteur d’oncle, Richard III, ordonne son meurtre.

Maintenant, il va probablement disparaître, comme d’autres titres royaux tombés en disgrâce. On songe à ceux de Duc d’Albanie, Duc de Cumberland ou Duc de Clarence.

Le dernier duc d’Albanie est devenu un célèbre obergruppenführer du régime nazi, malgré sa naissance en Angleterre et son éducation à Eton. Arraché à sa famille à l’âge de 15 ans, Charles Edwards avait été envoyé en Allemagne pour hériter du duché de Saxe-Cobourg et de Gotha […].

Le duc d'Albanie en uniforme nazi, assis au théâtre entre Goebbels et Göring
Charles Édouard, 4ème en partant de la gauche, en compagnie de Joseph Goebbels, l’ambassadeur de Pologne Jozef Lipski et les époux Göring en 1935. CC Bundesarchiv, Bild / Wikimedia Commons

Le Prince William, duc de Cumberland, a été plus connu sous son surnom “Le Boucher”. […] Fils préféré du roi George II, nommé Commandant en Chef des forces royales, il a affronté les partisans de la famille Stuart, les Jacobites, lors de la bataille de Culloden. 1 300 d’entre eux ont été tués. Un chiffre qui a encore augmenté par la suite, alors que les Jacobites blessés ou en fuite ont été traqués et exécutés pendant les jours et les semaines qui ont suivi l’affrontement. “Ses instructions ont été de totalement éradiquer et de détruire tout ce qui pouvait ressembler à de la vie dans les Highlands, ce que l’on appellerait aujourd’hui un génocide […]”, écrit l’historienne Jessica Brain.

Albert Victor, duc de Clarence […] s’est quant à lui fait connaître dans la presse étrangère en 1889 pour avoir participé au scandale de Cleveland Street, lors duquel des garçons, mineurs, employés de l’office des Postes et du Télégraphe, ont été livrés en pâture à de riches et puissants pédophiles.

Cela vous rappelle peut-être quelque chose. Et pourra vous aider à comprendre à quel point l’autrefois “Prince” Andrew a contribué à la destruction du titre honorifique qu’il aura porté pendant presque 40 ans.

La défense piteuse d’Andrew réimaginée par l’émission satirique “Spitting Image” comme plus dommageable pour la Couronne que l’album des Sex Pistols qui prônait “l’anarchie au Royaume-Uni”.

Autre fâcheuse conséquence pour Andrew : il doit désormais déménager. La famille ne veut plus le voir au Royal Lodge, sa propriété de 30 pièces dans le Parc Royal de Windsor. Le voilà contraint de partir pour Sandringham. Ne le plaignez pas : la propriété de 8 100 hectares, sur la côte Est du pays, n’est pas trop désagréable. Elle a surtout l’avantage de signifier qu’il devra lui-même payer pour son logement et son train de vie, et ne plus vivre aux crochets de la générosité publique comme peuvent se le permettre les souverains britanniques.

Sandringham est si vaste que personne ne sait au juste dans quel bâtiment logera le prince déchu, sur les 150 que compte le terrain. Finira-t-il à York Cottage, où auraient dû habiter Meghan et Harry si ce dernier n’avait pas renoncé à ses privilèges monarchiques ? Ou bien dans la maison de vacances pour huit personnes de Gardens House ? À moins qu’il ne pose ses valises et sa dignité à la Folly, à la fois pavillon de chasse et salon de thé, dont la tour bénéficie d’une vue panoramique sur l’ensemble du parc ?

Un manoir à Sandringham, sublime et vaste bâtisse en brique rouge
CC Elwyn Thomas Roddick / Wikimedia Commons

La réponse ne change pas grand chose aux sentiments de ses nouveaux voisins, les habitants et habitantes de la charmante communauté de Norfolk. C’est à ces badauds que la chroniqueuse mondaine du Telegraph Eleanor Steafel a eu l’excellente idée de demander ce que leur inspire la royale expulsion.

Le reportage qu’elle en ramène, titré “On ne veut pas d’Andrew ici” est un délice absolu, empreint d’une “décence commune” que n’aurait pas renié George Orwell et d’un humour anglais si pur, si typique, que la plupart des réflexions entendues sur place méritent d’être lues dans leur écrin d’origine (si possible avec l’accent prononcé des Monty Pythons par exemple ; le Telegraph laisse en principe accès à un article gratuit mais, le cas échéant, il a été repris par la gazette néo-zélandaise Stuff qui, comme toute publication respectable des anciennes colonies, a conservé sa rubrique “Famille Royale”).

Si jamais, à Dieu ne plaise, la famille royale devait à nouveau prendre ce genre de décision, peut-être apprécierait-elle les conseils des dames du book club de Castle Rising. Je crois pouvoir affirmer qu’elles ont une ou deux choses à dire. Leur première suggestion ? “Abu Dhabi”, dit une membre du groupe, réuni ce jour-là pour déjeuner au Black Horse, un pub proche de la propriété de Sandringham. “Ou la Suisse ?”, propose une autre. “Mais pourquoi la Suisse voudrait-elle de lui ?”, répond Clare, 64 ans. “Pourquoi quiconque voudrait de lui en fait”, observe Linda, 72 ans. “C’est refiler la patate chaude. On ne peut pas le balancer dans un autre pays…”. “Non, ce ne serait pas convenable, n’est-ce-pas ?”, opine Hélène, 67 ans. “Eh bien non, nous allons donc le tolérer”, conclut Clare.

L’enthousiasme est partagé. “C’est une honte”, s’indigne un autre client du pub. “Un choc”, pour Lauren, 34 ans, en pique-nique malgré le froid de novembre. Tom, 70 ans, officier de police en retraite “[se] demande surtout combien va coûter sa protection, parce qu’il va forcément y en avoir une. Franchement, c’est la première chose à laquelle j’ai pensé”. “Je n’aimerais vraiment pas le voir entrer ici”, soupire Harry, 25 ans et gérant du pub de la ville voisine, le Rose and Crown. Tout est à l’avenant. La sentence définitive revenant à Jacqueline, 73 ans, interrogée alors qu’elle promène son chien Coco dans les bois de Sandringham :

“Je ne sais pas pourquoi il ne va pas plutôt en Amérique, apparemment il se plaît bien, là-bas. Qu’il aille plutôt passer du temps avec Trump.”

Face à un accueil si chaleureux, le Dédé pourra au moins se consoler à Maidenhead, où une rue porte son nom…

Ah non, on me fait signe que, là-bas, la pétition pour débaptiser Prince Andrew Road gagne du terrain… Comme à Hellesdon, où le problème se pose également. Les copropriétaires ont écrit à la mairie pour demander ce changement de nom, qui sera possible si l’intégralité des résidents à cette adresse donnent leur accord (compte tenu des complexités administratives qui en découleront pour eux).

Son appellation ne vient même pas du pédocriminel (supposé) mais d’un homonyme, prince de Grèce et du Danemark. Appartenir à la haute noblesse a toujours assuré un certain rayonnement mais André est, lui, devenu radioactif.

The Telegraph

Martyr moderne

Le Mexique traverse en ce moment des émotions violentes et parfois contradictoires. Elles remontent à la mort d’un élu, brutale, choquante : en place publique, noire de monde durant les célébrations du Jour des Morts, un homme a tué Carlos Manzo Rodríguez de trois balles dans le corps à bout portant. Le meurtrier a aussitôt été abattu par la police.

Carlos Manzo, quarantenaire souriant, le poing dressé levant un pouce, arborant son chapeau habituel, de type stetson
© Facebook / Famile Manzo

Le criminel vient tout juste d’être identifié. Âgé de 17 ans, accro à la méthamphétamine, il avait fugué du domicile familial une semaine plus tôt. Il était surtout connu des services de police pour ses liens avec le Cartel de Jalisco Nouvelle Génération (CJNG). L’arme utilisée, un pistolet 9 mm, avait déjà mené les enquêteurs sur la piste des commanditaires. Elle avait servi à commettre trois meurtres dans les semaines précédentes, lors de deux attaques attribuées à ce réseau de trafiquants de drogue.

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