De l'Himalaya à Montréal en passant par la banane
Sans oublier le festival de photos de Trieste et la chenille sphingidée
Bonjour,
Avant de commencer, une petite note de service : dès la semaine prochaine, la newsletter sera envoyée non plus le samedi après-midi, mais le lundi matin. Cela en partie parce que ce sera plus simple pour la promouvoir : ).
Merci encore de votre fidélité, et commençons !
Permettez-moi donc de vous souhaiter une excellente semaine en compagnie, aujourd'hui, d'une belle bête, d'ingénieux trafiquants, d'un robot pensif, du monde entier et de chenilles astucieuses.
NB : si le mail apparaît tronqué par votre boîte, vous pouvez le “Lire dans le navigateur” en cliquant sur le lien en haut à droite.
Bonne lecture !
Horizons
Hello Léo
Aujourd'hui, on va partir loin et monter haut. Loin : dans le territoire indien du Jammu-et-Chachemire. Haut : dans les 3 à 5 000 mètres. C'est l'une des demeures de la panthère des neiges, Panthera Uncia. Une belle bête qui doit, hélas, apprendre à partager. "Le changement climatique ne met pas seulement en danger son habitat", nous dit Down to Earth. "Il semble aussi pousser le léopard commun dans les hautes montagnes. Cela pourrait amener les deux espèces à entrer en concurrence".

Depuis 2022, la Fondation pour la Conservation de la Nature et le Département de Protection de la Faune du Jammu-et-Chachemire travaillent sur le sujet et cherche à savoir comment va la vie sauvage là-bas (et surtout là-haut). Tout juste publiés, les résultats de sa dernière étude (qui prennent place dans une démarche plus large, lancée en 2008 par le gouvernement indien pour protéger l'espèce) les ont eux-mêmes surpris quand ils ont constaté que, désormais, les léopards grimpent jusqu'à des hauteurs précédemment réservées aux seules panthères des neiges.
Or la différence de populations ne joue pas en la faveur de ces dernières. Les panthères des neiges (que les Anglais —et donc les Indiens— appellent "Léopard des neiges", c'est confusant je sais, mais après tout, ces gens roulent à gauche) seraient entre 4 000 et 6 500, réparties dans un vaste territoire. Car elles aiment se balader et ne craignent pas les longues distances. On peut en croiser, même si c'est déconseillé, aussi bien en Afghanistan qu'au Bhoutan, au Népal, au Kirghizistan et dans tous ces pays qui font rêver.

Les léopards communs, eux, seraient plus de 13 000 en Inde, selon les recherches officielles. Or les hautes altitudes, comme la région himalayenne autour de Kishtwar où ont exercé nos chercheurs, sont très vulnérables aux mutations de l'environnement. C'est ce qui pousse la faune à bouger, elle aussi.
Les récentes inondations dans la région de Kishtwar ont fait 45 morts. Cela a aussi des conséquences directes sur l'habitat des panthères de neiges. Le Plan d'Action du Jammu-et-Cachemire pour le Changement Climatique et la Santé Humaine de 2023 note que, nichée au cœur du fragile écosystème himalayen, la région est exposée aux fluctuations naturelles du climat ainsi qu'aux changements d'origine humaine, en raison de l'urbanisation à grande échelle : "Le changement climatique est une vraie menace pour la biodiversité, les milieux, les forêts, la faune, les zones de pêche et les ressources en eau".
Pour examiner ces changements de plus près, sans perturber leurs sujets d'étude, les équipes de recherche ont installé quelques dizaines de pièges photographiques dans les montagnes. C'est ainsi qu'ils se sont rendus compte que, en plus des panthères des neiges et d'autres bêtes complètement chouchous, des léopards communs, habituellement cantonnés aux territoires en contrebas, sont venus se mêler à la bande. Ce qui n'est pas du tout normal. Mais complètement prévisible, compte tenu de la fonte des glaciers et de ses conséquences.
Munib Khanyari, qui travaille au sein de la Fondation pour la Conservation de la Nature, explique : "Je pense qu'avec le réchauffement, les habitats changent, la limite des arbres se déplace vers les hauteurs, à cause de la fonte des glaces. Le léopard commun sait très bien s'adapter, alors il monte lui aussi, peut-être attiré par la présence de chiens sauvages, eux-mêmes attirés par les ordures". À Srinagar, le zoologue Shahid Hameed précise : "On n'en voyait pas en 2023, mais l'étude de 2024-2025 a relevé la présence de léopards communs en de nombreux endroits où vivent les panthères des neiges. C'est inhabituel".

Ce déplacement n'est pas non plus une bonne nouvelle pour les humains.
Les léopards communs peuvent facilement s'adapter et vivre près des humains, quand la panthère des neiges, elle, est timide et fuyante. La présence rapprochée de léopards augmente les conflits dans diverses parties de l'Inde. Dans le district de Pauri Garhwal (Uttarakhand), les affrontements avec des humains ont tué 62 personnes entre 2022 et juin 2025, selon les données du Département des Forêts. Même dans les jardins de thé du Nord Bengale, les confrontations Humains/Léopards sont une réalité. Les jardins servent de couverture aux félins, mais aussi d'abri pour accoucher ou, dans les canalisations, pour élever leurs petits.
Les populations des hauteurs, vivant principalement de l'élevage de chèvres et de moutons, vont donc devoir renforcer leur garde. D'autant que la panthère des neiges, si elle ne s'attaque pas à l'homme, ne refuse pas de croquer du bétail à l'occasion (ce qui la menace en retour, les propriétaires n'hésitant évidemment pas à la chasser).
Le léopard commun n'arrive donc pas dans un territoire où les relations Humain/Créature carnivore de cinquante centimètres au garrot étaient au beau fixe. Les déménagements, ça ne se passe jamais comme prévu.
Débrouillardise
Cache ta drogue
Dans la vie, il faut savoir faire simple. Personne ne l'a mieux compris que les trafiquants de drogue. Après les avions privés, les sous-marins, les Buick Invicta 1960 et les boîtes de crabe, leur nouvelle astuce pour cacher leur saloperie, ce sont tout simplement les conteneurs marchands. Les gros, là, qu'on voit partout, qu'on entasse sur les bateaux et qui traversent les mers. Il suffit de planquer la cocaïne dedans pour en arroser la Terre. Que n'y a-t-on pensé plus tôt ?
L'affaire fait s'alarmer l'ensemble de mes publications favorites, de Nouvelles du Monde des Cargos à Technologie Portuaire Magazine. Pour les professionnels du transport (et pour les polices internationales), la nouvelle méthode présente un vrai défi. Elle a été explorée en profondeur et dans toute son ampleur par l'Organisation Mondiale des Douanes dans un rapport au titre poétique, Infiltration des chaînes logistiques du fret maritime : crime organisé, cocaïne et conspirateurs internes. L'expression "conspirateurs internes" désignant les complicités à l'intérieur des ports, qu'il s'agisse d'ouvriers dockers ou de responsables. Ce sont eux, les rouages indispensables à la bonne circulation de la schnoufe.
Celle-ci peut être planquée dans un double-fond, sur le plafond, au plancher ou tout simplement parmi —voire à la place— des produits licites embarqués. Le principe exige donc complicités, mais aussi vitesse et précision, comme l'explique le Latin America Post :
Les ports ont été conçus avec la rapidité en tête. Les conteneurs passent des camions aux grues puis aux navires dans un ballet placé sous le signe de l'efficacité. C'est cette rapidité qui est devenue l'alliée des cartels. Un conteneur "propre" peut devenir "sale" à tout moment —dans un entrepôt de camions, sur un quai, dans un centre de transbordement— puis naviguer en toute quiétude à travers les océans. L'Amérique Latine joue un rôle pivot : elle produit l'essentiel de la cocaïne mondiale et, situés aussi bien dans les Caraïbes que sur le Pacifique, ses ports sont d'authentiques carrefours que doivent emprunter les cargos avant de rejoindre l'Europe, ou toute autre destination.
Selon l'Organisation Mondiale des Douanes (OMD), 68 % des "événements de détection" impliquent une personne employée "dans la chaîne logistique du fret maritime, ce qui représente environ 41 % de l'ensemble des volumes de drogues interceptés, soit 548 500 kilogrammes (548,5 tonnes)".
La bataille semble perdue d'avance. Il faut lutter contre la corruption mais aussi, relève un directeur exécutif du réseau de terminaux portuaires APM "s'opposer aux personnes parmi les plus dangereuses du monde". Et, tout allitération égale par ailleurs, inspecter les conteneurs, c'est tout comme contrôler les complices : très coûteux. "Il y a plusieurs façons de procéder […] mais toutes partagent la même effrayante particularité : elles sont pratiquement invisibles si les autorités ne se fient qu'à la paperasserie ou aux inspections aléatoires. Sans analyse des scellés, examens structurels, ou inspection de leur intégrité au long du voyage, ces caches peuvent traverser les mers sans difficulté".
Le bingo, pour les cartels, étant les produits frais :
La dissimulation structurelle de loin la plus répandue consiste à placer les drogues dans les espaces vides qui existent dans la paroi arrière des conteneurs frigorifiques, où se trouve l’unité de réfrigération. L’approche la plus courante et la moins invasive consiste à accéder aux panneaux externes du compartiment de réfrigération qui permettent à l’équipage du navire et aux techniciens frigoristes d’entretenir les composants mécaniques. […] Les charges placées dans ces vides extérieurs pèsent généralement jusqu’à 60 kg. Ces espaces vides sont facilement accessibles à de nombreux stades de la chaîne logistique des produits réfrigérés, soit par des conspirateurs internes du secteur maritime, soit par des entités criminelles capables de déterminer les conteneurs frigorifiques transportés vers le pays de destination souhaité […]. Cette méthode est intéressante pour les groupes criminels organisés, car ces petits chargements peuvent être insérés et extraits rapidement et discrètement, sans qu’il soit nécessaire d’ouvrir les portes des conteneurs et d’organiser la fabrication de doubles des scellés.

Au cœur de ce nouveau type de trafic international, on trouve un produit de consommation courante. Il justifie à lui seul un chapitre entier du rapport de l'OMD (qui a décidément le génie des titres) : "Cocaïne et industrie bananière". Eh oui, la banane est un rêve de gangster, compte tenu de ses volumes colossaux, en provenance de pays justement producteurs de cocaïne et à destination de la planète entière —ces voyages s'effectuant, en guise de bonus, en compartiments frigorifiques. "Des routes prévisibles, des contenants isolés, des dates de livraison précises : tout cela crée un rythme que les trafiquants peuvent anticiper", note le Post.
L'Équateur en étant le premier exportateur (27 % du volume de la production mondiale en 2022), le pays se retrouve à jouer un rôle central dans le trafic international. Et donc dans les guerres de gangs qui en découlent.

Mais ceci est une autre histoire… sur laquelle nous aurons, je le crains, l'occasion de revenir, peut-être dès la semaine prochaine car ça se tend, là-bas.
Rencontres
Sur la route toute la sainte journée
Tous les indicateurs de la rentrée sont au vert : Macron va sûrement annoncer une grande consultation nationale qui va tout changer, les canicules sont derrière nous, même s'il faut rester prudents et se méfier de l'été indien jusque début janvier, je dirais, et l'économie est, cela va de soi, au beau fixe.
Ne reste plus qu'à se procurer un robot mignon pour aborder l'automne en saine compagnie. Hélas, il n'y en a pas qui soit abordable et débrouillard à la fois. À part MEVITA, une création du laboratoire JSK de l'université de Tokyo.
MEVITA, dont le site ne précise pas si les initiales ont un sens (pas sur ses pages en anglais, du moins), a été conçu pour être bon marché. Entièrement pensé en source ouverte, il est à monter soi-même. Les plans, ainsi que le logiciel de programmation, sont là. De plus, c'est crucial, il n'est constitué que de 18 éléments, tous disponibles dans le commerce en ligne, et qui peuvent être assemblées sans autre compétence que la soudure.
Pour Interesting Engineering, c'est une sacrée prouesse :
Jusqu'ici, la communauté open-source devait se débattre entre deux compromis. La plupart des plateformes robotiques accessibles utilisent l'impression en 3D, ce qui contraint souvent à des designs assez fragiles, et difficiles à produire en grand nombre.
De l'autre côté, si les conceptions reposant sur le métal sont durables, elles sont généralement composées de tellement d'éléments qu'elles sont compliqués à monter, et ces éléments sont eux-mêmes difficiles à se procurer. "Pour répondre à ces problèmes, nous avons développé MEVITA, un robot bipède en open-source qui peut entièrement être fabriqué à partir de l'e-commerce", écrivent les chercheurs dans leur étude.
Et ce n'est même pas ce qui le rend si mignon. S'il n'a pas encore fait fondre votre cœur, c'est que vous ne l'avez pas vu marcher. Il se balade avec le même entrain, "tant sur des sols intérieurs et inégaux que sur des champs herbeux, des surfaces de terre, des carreaux de ciment ,et en pente douce". Autant de tours qu'il a appris (et autant d'autres qu'il peut apprendre) grâce au logiciel IsaacGym, avant de les accomplir dans le monde réel. Pour ajouter à votre tranquillité, MEVITA est équipé (équipée ? On sait pas) d'un interrupteur d'urgence grâce auquel il est possible de l'éteindre même à distance, s'il se met à faire des folies.
Que sait-il faire d'autre ? Rien, il me semble, mais il ne demande qu'à apprendre, si vous avez des idées. Pour ce qui est de contempler une horloge en pensant à la fugacité du temps, cependant, pas besoin : c'est apparemment compris dans le paquet.
Beauté
Le Tour du Monde en trois jours
Les journées de la photo de Trieste (Italie) ouvriront ce 23 octobre. Ce festival international prépare donc intensément sa 12ème édition, au cours de laquelle elle accueillera le prix de la photo urbaine 2025. 80 finalistes ont été retenus, en attendant les remises de récompense le mois prochain. Ils et elles nous ramènent des images de toute la planète.
L'ensemble des clichés retenus pour participer à la compétition sont à admirer ici, et je vous y invite fortement, tant il m'a été difficile de me faire mon petit best-of personnel. Mais je ne vais pas cacher mon coup de cœur pour ce Poulet Volant, saisi au-dessus d'un marché du Bangladesh par un certain Md Enamul Kabir, qui concourt dans la catégorie "Jungle Urbaine".
Pour rester dans les instants pris au vol, j'espère que vous aurez autant de tendresse que moi pour ce Head Ball, de la Canadienne France Leclerc, et cet incident diplomatique sur le point de se produire dans le village de Lalitpur au Népal. Le visage navré de l'enfant vaut toutes les excuses du monde :
Les humains de partout font le sel des candidatures. Les visages sont aussi divers que ces passagers Indiens, vus par le Portugais Tomas Taipa…
… Aussi vivants que cette rue de Slovaquie, au charme inimitable…
… Et aussi énigmatiques que ce musicien de rue azéri, en Iran.
Quant à ce Mundialito Porvenir, venu du Pérou, signé "Jvalten", il retient moins mon attention pour son charme que pour l'histoire, racontée par le photographe, qui l'accompagne :
Cette photo a été prise au "Mundialito Del Porvenir" (Le Petit Mondial du Futur), un championnat de football dans le quartier le plus dangereux de Lima. Ils jouent dans la rue, il n'y a pas de règles, il y a beaucoup de policiers, mais c'est une fête.
Trieste Photo Days via Design you Trust
Celle qui pourrait sauver l'amour
Canadienne d'origine haïtienne, Dominique Fils-Aimé a plusieurs qualités, dont la moindre est de s'appeler Fils-Aimé, ce qui est chic. Parmi ses autres atouts, il y a son don d'autrice et compositrice, et puis sa voix.
On apprend qu'il y a aussi sa "sagesse", soulignée par Spin au fil d'une interview qui précède de peu la sortie de son album live, enregistré au festival international de jazz de Montréal. Une performance "qui fera date", nous dit le magazine musical.
Après avoir exploré le blues dans Nameless, le jazz dans Stay Tuned ! et la soul dans Three Little Words, la chanteuse tout juste quarantenaire n'a pas résisté à la perspective de tirer un nouveau disque de cet enregistrement en public, à point nommé pour accompagner la sortie de son quatrième opus, Our Roots Run Deep. Tous ses concerts, explique-t-elle, sont enregistrés. C'est sa manie à elle. Elle veut en garder trace. Mais là, magie :
D'un point de vue vocal, il y a beaucoup de choses qui ne sont pas allées aussi bien que d'habitude. Je ne m'entendais pas aussi bien que je l'aurais voulu. Il y avait tout un tas de trucs techniques dans le genre. Mais ça n'a pas vraiment compté, à cause du feeling. C'est pourquoi j'ai accepté cette idée, malgré la petite voix perfectionniste qui me disait : "Ce n'était pas ta meilleure performance vocale. Mais émotionnellement, tu y étais à 1 000 %". Et les gens étaient avec nous. Il y avait une énergie, une alchimie, tout du long. Comme un fluide qui circulait entre les musiciens. Tout le monde sur scène, et tout le monde dans le public, il y avait une connexion, quelque chose de spécial s'est passé. Je suis heureuse qu'on l'ait conservé en album. Il fallait le faire.

La longue interview de Spin permet de faire plus ample connaissance avec une figure devenue incontournable de la grâce internationale. Elle évoque son rapport au français que, en chanson, elle pratique occasionnellement, son amour du jazz, bien entendu, sa façon de concevoir ses albums en trilogies, mais aussi sa pratique artistique, d'hier à aujourd'hui. Et surtout ses débuts ardus qui pourraient inspirer quelques âmes, ici ou là.
Tout a commencé parce que j'ai travaillé, assez longtemps, dans un domaine complètement différent. Je faisais du soutien psychologique pour des employés et des enfants autistes. Après mon burn-out, j'ai commencé la musique comme une forme de thérapie, pour moi-même. Je pouvais passer des heures, la nuit, à apprendre le concept des harmonies et à empiler les voix les unes sur les autres. Il y avait quelque chose avec le son —laisser aller des notes au hasard, ou des mots au hasard, en tirer une harmonie— de tellement bon […].
J'ai l'impression qu'explorer, depuis un espace où l'on n'est pas en train de se juger soi-même, où l'on ne fait rien d'autre qu'aimer fabriquer, permet de découvrir qui on est. Quand on apprécie l'art de la même façon que quand on était petit, qu'il n'y a pas de bon ou de mauvais, qu'il n'y a pas de "Je ne suis pas assez bonne, je ne suis pas assez bonne", c'est juste plaisant. Parfois, je réécoute ces pistes, et c'est genre : "Ah… Heureusement, grâce à Dieu, que je ne me jugeais pas, parce que maintenant, je juge un peu". Mais c'était bon, et c'était tout ce qui comptait. Ça revenait à obéir à la joie de la création, au besoin qu'ont les émotions de sortir et de trouver, quelque part, leur place dans le monde, sous une forme ou une autre. Il s'est avéré que les fréquences, c'était la meilleur forme, pour moi et pour ma guérison.
Bizarre
C'est qui qui redémarre
Attention à la déception : le sphinx du tabac n'est une créature chimérique qui aime vous poser des colles quand vous roulez votre cigarette en terrasse. C'est juste une chenille. Pire, c'est une mite (ce qui est encore plus nul). Mais c'est à son état de chenille qu'elle nous intéresse. Et qu'elle a intéressé une équipe de l'université de Tufts, sur la côté Est des États-Unis (d'Amérique —je précise, parce que la mention "unis" pourrait vous induire en erreur).
Commençons par comprendre pourquoi on surnomme cette bestiole moche "sphinx", jusque dans son appellation scientifique (manduca sexta, de la famille des Sphingidae).
C'est parce que, en regardant de près, on peut la surprendre dans un posture rappelant celle de son illustre ancêtre. Soit repliée sur elle-même, tête penchée, immobile et inquisitrice. On la voit (en petit, certes, mais bon, elle fait à peine 70 millimètres de long) sur la photo de droite. Tremblez, mortels !
Mais ça ne répond pas complètement à la question, qui est bien sûr : pourquoi fait-elle ça ?
D'après les expériences menées par le Département de Biologie de la Tufts, il s'agirait d'une réponse à la douleur. Ou même d'une anticipation de la douleur. Il suffisait de perturber leur environnement (en tapotant la surface sur laquelle elles reposaient, ou en leur donnant "doucement" "des coups de pinceaux" sur le dos) pour que les chenilles se fassent sphinx. Dans cette position, elles s'avèrent plus résistantes à la douleur. On le voit ensuite : "quand les scientifiques appliquaient de la chaleur à différentes parties du corps de la chenille, les insectes montraient moins de sensibilité que dans leur état normal", résume Interesting Engineering. On peut admirer au passage les précautions prises pour faire souffrir les bestioles le moins possible.
Ensuite, c'est vivisection et lobotomie. Pour la bonne cause : pour comprendre ce qui se passe dans leur "ganglion cérébral". Ce dernier se révélant incapable de déclencher la réponse à lui seul, il s'agirait bien d'un acte volontaire (on pourrait dire, par analogie, "réfléchi", mais le terme exact est plutôt celui d'une réponse "évoquée"). L'article scientifique explique :
Pour déterminer si l'état de sphinx est une réponse "évoquée" ou "spontanée", nous avons contrôlé ses instances chez des chenilles laissées sans perturbation pour une durée prolongée. Nos observations indiquent que, séparées de tout stimulus mécanosensoriel pendant 24 heures, aucune des 20 larves n'est entrée dans l'état de sphinx. On les a seulement vues ramper, se nourrir et déféquer. Cela suggère que l'état de sphinx est une réponse "évoquée", initiée à la perception d'un stimulus externe.

Il s'agit donc d'un mécanisme de défense, comme la fuite, le combat, se rouler en boule ou dissoudre l'Assemblée Nationale.
En mieux, même, puisque celui-ci semble efficace :
L'expérience de non-perturbation sur une journée suggère que l'état de sphinx ne soit pas qu'une posture de repos. Il pourrait servir une fonction défensive, et les animaux n'apparaissent pas l'adopter de façon spontanée. Notons au passage que, dans leur milieu naturel, les chenilles sont souvent décrites (et photographiées) ainsi. Nous supposons cependant qu'elles répondraient de la sorte à la présence même de l'observateur, ou à un autre dérangement mécanique. Cela ressemble au comportement d'immobilisation exhibé par certaines animaux lorsqu'ils sont détectés ou en danger imminent, qui est assez courant chez les grandes chenilles et non limité aux larves des mites sphingidées. Ce type de posture pourrait conférer une protection face à la prédation des oiseaux insectivores, accroissant ainsi les chances de survie jusqu'à l'âge adulte, et de reproduction consécutive.
Voilà pourquoi faire la larve, parfois ça a du bon.
Royal Society Publishing, Biology Letters via Interesting Engineering
Mais aussi, mais encore
Les nouvelles auxquelles vous avez échappé
En Bosnie, l'union professionnelle des entreprises de transport routier se réjouit d'avoir mis le pays à l'arrêt lundi dernier, pour exiger un allègement des normes européennes et nationales. Selon l'Auto Motor Club de Bosnie-Herzégovine, "les terminaux de fret de Izacic, Velika, Kladusa, Kamensko, ainsi que le poste-frontière de Raca, ont tous été bloqués". (Balkan Insight) — Au Cameroun, l'élection présidentielle du 12 octobre se déroulera sous la forme d'un scrutin à un tour. Face au sortant Paul Biya, 92 ans et au pouvoir depuis 1982, l'opposition présente onze candidats différents. "Un suicide politique collectif", note Jeune Afrique qui s'interroge : "L'opposition camerounaise est-elle la plus bête d'Afrique ?" (Jeune Afrique) — La Grèce s'apprête à inaugurer un établissement clinique d'un genre nouveau. Entièrement consacré à la démence et aux personnes qui en souffrent, il conjuguera accueil des patients, soins hospitaliers, recherche scientifique et soutien social. Le projet est financé par Initiative 21, qui réunit des fondations philanthropiques et la Banque Nationale du Pays (Greek Reporter) — En Thaïlande, une femme de 60 ans coupable de lèse-majesté, "condamnée en 2021 pour avoir mis en ligne et partagé des clips audio d'une radio underground", s'apprête à sortir de prison après seulement 8 années derrière les barreaux, au lieu des 43 auxquelles elle avait été condamnée (la sentence initiale de 87 ans ayant été réduite de moitié après qu'elle eut reconnu sa culpabilité). Elle doit cette sortie prématurée à la grâce du roi Rama X (Bangkok Post) — Sur fond de températures élevées et de vents puissants, l'incendie de la décharge de Simonovka en Russie aura duré au moins une semaine. Les habitantes et habitants des villes voisines, notamment dans la station balnéaire de Yeysk, se plaignent d'avoir dû respirer des fumées toxiques jusque dans leurs appartements (The Moscow Times) — Rattrapage : pour la fête du Travail, le 1er septembre aux États-Unis, le magazine culturel afro-américain The Root a publié sa playlist à écouter durant le jour férié : 10 titres disponibles sur YouTube, issus "de la house, du jazz et du R&B, des genres créés par les Noirs Américains […] pour se détendre, au barbecue […] ou sur la piste de danse" (The Root) — Copinage : la seizième édition du festival littéraire Le Livre sur les Quais de Morges, en Suisse, vient de s'achever sur un authentique succès populaire. À la veille de l'inauguration, sa directrice artistique Adélaïde Fabre détaillait pour Transfuge sa volonté d'accentuer "encore un peu plus sa dimension internationale cette année", attendu que "la période que nous traversons est telle qu’il est préférable d’être ouvert sur le monde plutôt que replié sur soi !" (Transfuge).
Prochain Jour En Plus : lundi 22 septembre.
Gardons les pieds sur Terre pendant que ça tourne !
© PostAp Mag 2025.













