Chère lectrice, cher lecteur,
permettez-moi de vous souhaiter un très bon week-end en compagnie, cette semaine, d’agriculteurs urbains, d’une star indienne, d’une vedette du Pakistan, de pluies coronales et des rebuts de l’Amérique.
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Pédagogie
Classe verte à vie
Voyons voir. Imaginons qu'on se réveille un matin dans un cauchemar. Par exemple métamorphosé, métamorphosée, en journaliste de chaîne info. Pas nécessairement plus bête qu'un ou une autre, mais de toute façon pieds et poings liés par un contrat de travail léonin et un loyer parisien. On s'apprête à traiter le sujet du jour, les musulmans. Avec comme une sensation de déjà-vu, on fait son travail qui consiste à relayer les communiqués de presse gouvernementaux et les théories de l'extrême-droite quand, insidieuse, véritable ennemie de l'intérieur, une pensée originale rallume dans la tête les synapses de l'information.
"Vous parlez jamais de ça !". C'était dans une soirée. Quelqu'un disait quelque chose dans ce goût-là. Mais de quoi parlait-il, déjà ?
On n'a pas retenu. On avait déjà filtré. Parce qu'au fond de nous on savait bien, déjà, qu'un reportage sur les 10 ans des Parisculteurs, ça n'intéresserait personne, selon notre rédacteur-en-chef.
Il y est seulement question, après tout, d'agriculture, d'urbanisme, de ce que l’on mange, de ce que l'on mangera, de nos paysans, de nos paysannes, et de lien social. Vraiment pas ce qui tracasse les Français, même s'ils le disent. "Une forme de résistance", selon l'un des participants, "enfant d’ouvrier agricole et ancien travailleur de l’industrie de la musique en cours de reconversion", croisé au détour de ce long et bel article de Makery et adepte de l'agriculture urbaine : jardins partagés, potagers sur les toits, serres en pleine ville.
C'est trop cool, Makery. Ce "magazine en ligne, bilingue français/anglais, gratuit et sans publicité, qui couvre la scène du Do-It-Yourself et des communautés créatives depuis 2014 [porte] la voix d’acteurs culturels, d’intellectuels, d’artistes et plus généralement de toutes celles et ceux qui s’inscrivent dans l’innovation sociale, pensent et agissent pour un monde plus écologique, plus inclusif et plus ouvert". Le titre Makery vient de ces gens-là, qui se débrouillent avec ce qu'ils ont, pour faire du bien et changer un peu la vie, les alentours, s'obstinant à fabriquer un monde meilleur. On les appelle les Makers, les "faiseurs".

Le journal du Do-It-Yourself est parti en reportage (en français) sur la Petite Ceinture à Paris. Cette ancienne voie de chemin de fer du XIXème siècle qui encercle la capitale, obsolète et abandonnée depuis les années 1930, a longtemps constitué un espace sauvage, propice à la rêverie et aux balades. Il est désormais investi par Le Jardin des Traverses, "un lieu de rencontres et un espace d’expérimentation dans le domaine de l’agriculture urbaine" qui a ouvert en avril dernier. Son projet : instituer "une promenade comestible reliant les portes de la Chapelle et de Clignancourt" avec, d'avril à octobre, concerts, ateliers, conférences et tout plein d'événements.
Une initiative qui a pu être menée à bien grâce au soutien de plusieurs acteurs : le collectif de paysagistes, métalliers, menuisiers, couturiers, charpentiers et médiateurs Green Resistance ; la Fédération "d'ouverture des possibles" Léo Lagrange ; la région Île-de-France… mais aussi et surtout la ville de Paris. Celle-ci finance en effet l'agriculture urbaine et identifie des lieux vacants pour les mettre à disposition, grâce au programme Parisculteurs (toujours actif, toujours plus actif même, après dix ans d'existence).
Par exemple, d'un simple tour sur le site, on peut découvrir les endroits où l'on peut là, tout de suite, cultiver (enfin une fois son dossier validé, hein, il s'agirait d'être sérieux). Voici 820 mètres carrés de toiture-terrasse sur le gymnase de la cour des lions, dans le XIème arrondissement, voilà la piscine Georges Rigal, "un site clé en main pour la culture du houblon". Voici le toit du conservatoire Frédéric Chopin dans le XVème, tout juste rénové, voilà deux parkings souterrains abandonnés, à Bagnolet et Pelleport. On peut faire pousser des trucs dans un parking ? Bien entendu. Des endives ou des champignons, par exemple. Ça se fait déjà, à La Chapelle.
C'est bien joli, tout ça… Bon, non, ne nous mentons pas : c'est pas très joli tout ça. C'est pas toujours joli, l'agriculture urbaine. C'est pas très sexy, pas très hot. Je ne dis pas le contraire. Ça sert à quelque chose, au moins ? Oui et pas seulement à ce que l'on croit. Makery nous explique que, en plus de tisser du lien social au sein des quartiers, le concept peut être vu comme un réseau d'éducation et d'entraide, plutôt qu'une réinvention de la paysannerie. Rêvons, mais rêvons possible :
La production de ces fermes n’a pas vocation à nourrir la ville, ni même à être une manne financière majeure – certaines d’entre elles donnent d’ailleurs leur production à des associations comme le Secours Populaire ou La Chorba. Mais en éduquant les populations urbaines "au bien manger et aux métiers verts", elles agissent comme marchepied vers les métiers agricoles, défend Marie Fiers, coordinatrice de l’Association française de l’agriculture urbaine professionnelle, lancée il y a 10 ans.
Ainsi, la Ferme de Paris, ferme de 5 hectares gérée par la ville de Paris et ouverte au public depuis 1989, s’associe à l’école d’horticulture Du Breuil pour organiser des chantiers participatifs de permaculture et dans ses vergers. Pour parachever le lien entre agriculture urbaine et projets d’agroécologie, la Ferme de Paris, en partenariat avec la coopérative Les Champs des Possibles, couveuse d’activité agricole, permet à des maraîchers de tester leurs activités sur leurs 5 800m2 de parcelles avant de s’installer en périurbain ou dans les territoires ruraux. En ce moment, Héloïse Claudé et Audrey Zandona mettent à l’épreuve leurs projets de maraichage.
Vous avez vu tous ces liens ? Oui, c'est ça qui est bien, avec Makery. Il y a plein de liens. Tout ce qu'il faut pour s'y mettre à son tour, ou à tout le moins se rappeler qu'il y en a qui s'y sont mis. Sans perdre de vue un objectif, tenable, durable : un futur qui nous assurerait un avenir.
L’enjeu est multiple. D’abord, celui du type d’agriculture. "Les études montrent que l’efficacité de l’agriculture mécano-chimique est très faible par rapport à l’agriculture paysanne", rappelle [Xavier Fourt], artiste, auteur et coordinateur, au côté de Léonore Bonaccini et d’Ewen Chardronnet (artiste et rédacteur en chef de Makery), du livre-journal La Planète Laboratoire, sur les Paysans planétaires. "L’agriculture paysanne produit 70 à 75 % de la nourriture consommée mondiale sur un quart des terres cultivées, alors que l’agriculture industrielle en produit de 25 à 30 % sur trois quarts des terres cultivées", rappelle ainsi l’économiste Hélène Torjdman, autrice de La croissance verte contre la nature. Critique de l’écologie marchande (La Découverte, 2021).
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S’installer dans une activité agricole est dur et les exploitations sont de plus en plus chères […] Ce sont des groupes industriels —pas toujours français— qui remportent la part belle du gâteau agricole en rachetant les terres à des prix inaccessibles pour des particuliers, comme le démontre la journaliste Lucile Leclair, dans son livre Hold-up sur la terre (Seuil, 2022). Ce dilemme est un immense "chantier pour le futur", estime Xavier Fourt – sous peine d’entrer dans une dynamique de "néo-servage".
Live
Arijit Singh remplit ton stade
Le 15 août 1965, les Beatles se lassaient déjà de faire l'histoire. Ils nous en donnèrent pourtant un peu plus, avec l'ouverture de leur tournée américaine au Shea Stadium. Pour la première fois, un concert avait lieu dans un stade, devant 55 000 personnes.
60 ans plus tard (et une demie-brouette, ce sera le 5 septembre), le chanteur Arijit Singh, 38 ans, entrera à son tour dans les annales en étant le tout premier artiste indien à se produire dans un stade anglais, le Tottenham Hotspur à Londres.
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