L'Édition du week-end #26
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Chère lectrice, cher lecteur,
permettez moi de vous souhaiter un très bon week-end en compagnie, cette semaine, de punks, de sportifs, de pirates, de mollusques, de dissidents, d’art, et d’art, et d’art.
Très bonne lecture,
la conscience artificielle de votre téléscripteur favori.
L’addiction de la semaine

C’est légal, mais bon…
L'addiction américaine aux opioïdes est un drame national, dû à la promotion agressive par les laboratoires pharmaceutiques de ces anti-douleurs extrêmement addictifs et mortels, déjà responsables de centaines de milliers de morts. Un drame, en outre, qui concerne toutes les franges de la société : une drogue illégale, encore faut-il aller la chercher. Un opioïde, non. Mal de dos, opération des dents de sagesse, maladie invalidante… Une ordonnance un peu lourde, un suivi un peu bâclé et bim, vous voilà accro et en danger de mort.
La dernière étude massive sur le phénomène vient de paraître, relayée par Forbes. Les résultats peuvent être qualifiés de "pas jojos". Et pour cause : l'arrivée du fentanyl dans les rues a des allures de typhon. Cet analgésique en principe réservé aux hôpitaux (une dose minime tue) se trouve désormais assez facilement chez le dealer du coin. Une alternative bon marché aux opioïdes plus courus, extrêmement dangereuse comme en témoignent les chiffres publiés par le Center for Disease Control and Prevention, le fameux CDC d'Atlanta : les décès par overdose de fentanyl ont crû de 24 % en un an (en 2021), et plus que doublé depuis 2019. Sur 100 000 morts, 21,6 sont attribuables au seul fentanyl. Bien entendu, les autres drogues de synthèse demeurent pratiquées : entre 2016 et 2021, les décès dûs à la cocaïne ont été multipliés par deux ; ceux dûs aux métamphétamines par quatre. Au total, en 2021, le CDC estime à 108 820 le nombre de décès par surdose aux États-Unis… dont 72 500 du seul fait des opioïdes.
La bonne nouvelle dans cet océan de malheur est l'arrivée d'un médicament qui peut littéralement, et facilement, sauver la vie d'une personne en train de faire une overdose. La Food and Drug Administration vient en effet d'autoriser la vente, directement en pharmacie, sans ordonnance, du Narcan. Une seule pulvérisation de ce spray nasal peut interrompre le processus mortel. Un véritable miracle. Des vies seront sauvées, à défaut de traiter le problème en profondeur. Dans son podcast quotidien, le Daily, le New York Times a récemment consacré un épisode entier à la question, examinant les difficultés, malgré tout, qui demeurent pour se procurer le Narcan en pharmacie, entre le stigma social et les méfiances des pharmaciens. La journaliste raconte qu'elle a fait l'essai d'en acheter, pour les besoins de son enquête, puis a donné le flacon à sa fille, lycéenne. Celle-ci l'a déjà utilisé, pour sauver, en pleine rue, en pleine après-midi, une personne en surdose d'opioïdes.
Votre horoscope tribal
Le signe de la semaine : Punk

Nous sommes en 2023 et le punk n'est pas mort, comme en témoigne le pouls de Rancid, l'un des piliers du renouveau punk des années 1990 (période The Offspring / Green Day).
Non seulement le groupe originaire de Berkeley vient d'annoncer sa prochaine tournée européenne pour l'été, et son prochain album, Tomorrow Never Comes, six ans après le précédent, mais aussi balance-t-il, à l'occasion, un tout nouveau titre, "Don't Make Me Do It" (oui, ils ont un certain talent pour les titres, les Rancid. C'est comme ça depuis le tout premier album de ses fondateurs, baptisé Energy).
"Don't Make Me Do It" est une vraie perle punk, bien colère, bien tendue, bien libératrice. Moins d'une minute de grosse batterie et de guitares épaisses : idéal pour bien commencer la journée, finir la nuit, ou les deux en même temps.
Sportif

Grosse embrouille dans le basket sénégalais, dont la Fédération Nationale (FSBB) renouvelle ces jours-ci ses instances.
Dans un récent communiqué, plusieurs associations et professionnels, dont l'Union des Anciens Basketteurs et Basketteuses du Sénégal (UBBS) ou la Convergence pour le Renouveau du Basket Sénégalais, s'insurgent contre les candidats validés par le comité électoral : "des candidats figurant sur les fiches d’affiliation et valablement mandatés par leurs clubs ont été injustement recalés, là où des membres du Comité directeur sortant ne figurant sur aucune fiche d’affiliation ont été repêchés."
En cause, notamment, le poste de président. L'actuel, Me Babacar Ndiaye, souhaite se représenter, ce qui est souvent le cas des présidents sortants, quel que soit le pays ou l'institution (c'est frappant quand même, non ?). Arrivé au bout des deux mandats maximum que lui autorise le règlement, il a fait modifier ce dernier pour malgré tout poursuivre sa mission, sans pour autant, cela va de soi, suivre les processus exigés pour, justement, modifier le règlement.
"Le processus a été biaisé depuis le début, mais cela commence vraiment à en faire trop, et nous ne l’accepterons pas et sommes debout et déterminés à ne lâcher aucune voie de recours", affirme le communiqué des contestataires, vent debout contre la prolongation annoncée de Ndiaye à son poste dans l'illégalité la plus complète.
Le conflit a pour cadre un duel plus large, entre Ndiaye et son prédécesseur à la FSBB, Baba Tandian, désormais à la tête de l'UBBS et qui affirmait le mois dernier en conférence de presse : "Me Babacar Ndiaye est un manipulateur de la pire espèce. Tout ce qu’il raconte ne tient pas la route. Depuis plus de six ans, je l’attaque frontalement et il ne pipe mot : c’est parce qu’il se reproche certaines choses."
Bonne ambiance, non ? Sinon, sur le plan des résultats, l'équipe nationale a été éliminée des qualifications pour la Coupe du monde en février dernier. Depuis 1997, même, elle n'a pas remporté un seul trophée continental, rappelait un récent éditorial de Seneplus, en appelant au ministère des Sports "pour lancer une assise du basket plus que nécessaire". Si peu !
Robot
Ça fait longtemps qu'on n'a pas parlé d'intelligence artificielle, ici, tant les dernières prouesses de cette technologie sont désormais relayées jusqu'à la télévision (c'est dire)… trop souvent, d'ailleurs, sans tellement de mesure ni de recul.

Mais là, quand même, on y revient, car ChatGPT est en train de tuer sa première entreprise. En l'occurrence, Chegg, un service qui, sur abonnement, propose aux étudiants aide aux devoirs et aux révisions. Depuis mars, et l'arrivée de la dernière version de l'IA, ChatGPT4, sa clientèle déserte, pour lui préférer la machine. Ce mardi, à la publication de ses résultats trimestriels, le cours de bourse de Chegg s'est effondré de 49 %.
La société a aussitôt contre-attaqué, en promettant le lancement imminent de CheegMate, un robot conversationnel fonctionnant… avec ChatGPT. Selon les analystes, l'entreprise créée il y a 18 ans jouera sa survie cette année, probablement à l'automne.
Pirate

Mauvaise semaine pour vous : la fin de Monopoly Market est un coup dur.
Monopoly Market, c'est une pierre angulaire du "dark web", dont on ne parle plus trop, mais qui existe toujours : toute une partie de l'Internet, rappelons-le, n'est pas identifiée par des adresses, pas répertoriée sur Google. On peut donc s'y livrer à toutes les illégalités, dans la clandestinité la plus totale. Et sur Monopoly Market, que fait-on ? On met en vente, et on achète, des numéros de carte de crédit volés. Enfin, on y vendait, et on y achetait. Car Monopoly Market, maintenant c'est fini. Cette semaine, Europol a fait une grosse, grosse descente sur le dark web. 288 personnes ont été arrêtées, et 51 millions d'euros saisis, dans neuf pays.
La lutte contre le marché noir en ligne est une part entière, désormais, du quotidien du conglomérat policier, comme le rappelle Zataz :
"En 2020, la police allemande, en collaboration avec Europol et Eurojust, avait mené une opération majeure avec le soutien des forces de police néerlandaises et des agences gouvernementales américaines pour arrêter 179 escrocs opérant sur le dark web. Au cours de cette opération, plus de 6 millions d’euros de marchandises avaient été saisies. Un an plus tard, octobre 2021, une autre opération d’envergure avait été menée contre le dark web, entraînant l’arrestation de 150 personnes. Au cours de cette action, les autorités avait mis la main sur près de 27 millions d’euros, 25 000 comprimés d’ecstasy et 45 armes".
On a parfois tendance à l'oublier : l'Europe, aussi, protège.
Mollusque
Eh bien eh bien eh bien ! Vous nous aviez caché cela !

Mollusque ou non, vous avez sans doute déjà entendu parler du continent de plastique, ce vortex où s'agglomèrent les plastiques du monde entier, jetés ou échoués dans les mers et les océans. Un continent de déchets flottant dans le Pacifique Nord, entre Hawaï et la Californie, grand comme six fois la France. Un bijou signé : L'Humain.
Les résultats d'un petit séjour de recherche effectué en 2019 dans la mégapoubelle marine par des chercheurs américains (les veinards) viennent de paraître. Futura Sciences les a décryptés, dans un article richement illustré par une bien sympathique bande de mollusques, de méduses et de "boutons de mer" : tous les habitants irisés de ce monde fantastique.
Les riches couleurs de ces organismes neustoniques (c'est-à-dire "qui vivent au niveau de l'interface eau-atmosphère"), ou l'inventivité de leurs méthodes de survie (on relève des escargots capables de naviguer grâce à "un radeau à bulles flottant en plongeant son corps dans l'air et en emprisonnant une bulle à la fois, qu'ils enveloppent ensuite de mucus et collent à leur flotteur"), tout cela laisserait croire que ces créatures sont littéralement issues de ces conditions de survie extraordinaires, dégoutantes, et extraordinairement dégoutantes. Mais non, nous n'en sommes pas encore là : toute cette communauté de grosses feignasses prospère ici "non pas à grâce au plastique, mais malgré lui", nous dit l'étude. Ce sont, là aussi, les courants océaniques (et même atmosphérique : une méduse bleue dérive avec le vent grâce à son corps qui lui sert de voile) qui ont ramené là toute cette population un peu hippie sur les bords.
Les scientifiques en tirent une autre conclusion : pour eux, il est donc hors de question de liquider le continent de plastique sans procéder à un véritable écocide. Le plastique a encore de beaux jours devant lui.
Mode

Barre-toi, tout le monde se barre
Artur Shuvalov va mieux : il a quitté la Sibérie. En fait, il a même quitté la Russie, après une très mauvaise année. Tout a commencé avec les déclarations antiguerres du directeur artistique de ce petit théâtre de la Bouriatie (en Sibérie donc), Sergei Levistky.
Pour s'être opposé à l'invasion de l'Ukraine, il a été licencié aussi sec. Depuis, la troupe tente de le faire revenir à son poste. Sans succès. Et malgré les pressions de leur côté. À tel point que, le 29 mars dernier, Shuvalov s'est ouvert les veines sur scène, à la fin d'une représentation. Quelques jours plus tôt, son épouse avait démissionné de la compagnie, citant elle aussi les pressions politiques à son encontre.
"J'aime la Russie, j'aime la Bouriatie", a précisé le comédien à Radio Free Europe. "Je reviendrai dès que le régime aura changé." Mais dernièrement, on lui a laissé entendre que les autorités locales s'apprêtaient à le faire interner de force en hôpital psychiatrique. Alors il a fui.
Shuvalov se trouve actuellement dans un pays de l'ex-URSS. Il travaille, a-t-il confié, à faire venir auprès de lui son épouse et leur enfant. Pour ensuite déménager, ensemble, vers une destination encore inconnue.
Cette histoire est un nouveau témoignage, bien sûr, de la répression politique en Russie, mais aussi de l'efficacité des réseaux qui, sur place, travaillent à faire évacuer les opposants. Récemment, Maria Ovsiannikova, la journaliste "à la pancarte", désormais réfugiée en France, racontait son parcours et son exfiltration digne d'un film d'espionnage, alors qu'elle était assignée à résidence et porteuse d'un bracelet électronique. Les témoignages s'accumulent sur la présence, l'efficacité, et l'indispensable discrétion, de ces réseaux actifs qui chaque jour sauvent les vies des dissidents. Espérons qu'un jour, l'histoire de des héros mystérieux puisse être racontée, et honorée, à découvert, sous le soleil de Russie.
Beauté

Toutes les photos du monde
Une exposition "remarquable", qui "apporte un regard novateur sur une histoire de la photographie présentée d’ordinaire comme quasi-exclusivement européo-nord-américaine" : c'est ce que retient le blog du Monde Lunettes Rouges de sa visite à l'exposition du Quai Branly "Ouvrir l'Album du Monde". Une plongée dans la photographie du dix-neuvième siècle, dès son invention et hors des frontières de l'Europe. La découverte fascinante d'un art qui s'invente, vu de là où on ne l'avait (quasiment) jamais vu.
La critique raconte : "Dès la salle des daguerréotypes, on va à Mexico, à Bogota, à Lima, à Téhéran, mais aussi, par exemple, en Somalie, où le capitaine Charles Guillain, lors d’une mission diplomatique et commerciale, c’est-à-dire précoloniale, photographie en janvier 1848 des jeunes femmes un peu dénudées qu’il paye d’une piastre et de « verroterie, miroirs, mouchoirs de coton ». C’est peut-être là le premier regard (photographique) de l’homme blanc sur la femme noire. On voit aussi à côté le premier nu exotique, cette amérindienne d’Amazonie dans un hamac, parée de ses seuls colliers ; on ignore l’auteur et le lieu, et bien sûr le nom de la femme. Ces images féminines sensuelles sont des exceptions dans l’exposition : il y a ici très peu de photographies à connotation érotique, et rien sur la prostitution, alors que, comme le souligne Olivier Auger, le regard érotique colonial fut très tôt un élément important de la photographie."
Un voyage tout près, tout beau, tout loin, pour lequel embarquer, depuis Paris, jusqu'au 2 juillet.
Bizarre

Joyeux KOYAANISQATSI à vous
Il y a 40 ans, exactement, le documentaire expérimental et fou KOYAANISQATSI renouvelait le genre, mais aussi le regard, et l'âme, de ses spectateurs. Même si vous ne l'avez jamais vu, vous le connaissez —soit pour en avoir vu des extraits, soit pour en avoir entendu la musique, sublime, signée Philippe Glass, ou pour avoir découvert, sans le savoir, ses influences, multiples, sur le cinéma et même sur l'art contemporain.
Avec 4 décennies de recul, The Curb a revu cette œuvre étrange, ce voyage spirituel et sensoriel à travers le monde, le progrès, la nature. Une critique, elle aussi, poétique et mystérieuse, pleine de tristesse, d'amour et d'élan vital pour notre monde si sage et précieux.
Naissance

De nouvelles merveilles
Une nouvelle revue indépendante de fiction et prose poétique, "aux teintes merveilleuses des autres mondes, de la science-fiction et du fantastique", ça se fête !
Bienvenue donc à Small Wonders, nouvelle revue littéraire créée par Cislyn Smith, poétesse et directrice des opérations à la Dream Foundry, un réseau caritatif d’aide aux auteurs et autrices, et Stephen Granade, écrivain, game designer et directeur de collection chez Dragon Con.
Le numéro zéro est largement lisible en ligne. Allez donc faire un tour, si vous lisez l'anglais : c'est très étrange, très neuf et très beau.
Mais aussi, mais encore

En bref : les news auxquelles vous avez échappé
Pendant ce temps-là, en Inde, en Éthiopie, en Angleterre, chez Frank lloyd Wright, en Égypte, et Amérique et en Suisse…
En Inde, ces édifices antiques résistent encore et toujours aux tremblements de terre (Nautilus) — 1 000 réfugiés soudanais arrivent en Éthiopie chaque jour (Middle East Monitor) — L’obsession anti-”woke” explique-t-elle le fiasco des conservateurs aux élections locales anglaises ? (Byline Times)— C’est comment de vivre dans un bâtiment dessiné par Frank Lloyd Wright ? (Architectural Digest) — Ce Bouddha égyptien remonte à l’Antiquité (Connaissance des Arts) — Medieval Times, des parcs d’attraction historiques qui n’aiment vraiment pas les syndicats (Huffington Post) — La mort de Crédit Suisse : une vraie sale histoire (Fortune).
Prochaine Édition du Week-End : samedi 13 mai. Gardons les pieds sur terre pendant que ça tourne !





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