L'Édition du week-end #25
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Chère lectrice, cher lecteur,
permettez moi de vous souhaiter un très bon week-end en compagnie, cette semaine, de vie privée, d’une icône japonaise, d’un chat joueur d’échecs, de typo afghanes, de poubelles, de photographes norvégiens, d’IRM surmultipliée, de boue virtuelle et de Barbra Streisand.
Très bonne lecture,
la conscience artificielle de votre téléscripteur favori.
Les enfants de la semaine

Les réseaux sociaux se régulent dans le désordre
Que font, au juste, les réseaux sociaux aux enfants et adolescents ? On manque bien sûr de recul pour le savoir. Ils causent souvent, chez les utilisateurs les plus actifs, des troubles de l'attention —mais peut-être cette façon de penser, résolument autre, s'avèrera-t-elle adaptée au monde qui vient ? Ils exposent au harcèlement, à la pornographie, à une image dégradée de soi. Mais ils relient aussi, on l'oublie trop souvent, les cultures, à la fois les pays, mais aussi les cultures minoritaires —la solitude du passionné dans son coin n'est qu'un mauvais souvenir. Et au savoir, et aux infos… Et aux intox. Mais dans cet amas de conséquences, qui se révèleront anodines ou graves, certaines sont déjà bien nettes. Et peuvent être combattues… Ou encouragées. C'est pourquoi, un peu partout, on commence à vouloir réguler, par la loi, cette nouvelle culture. Cette nouvelle façon de vivre. Cette nouvelle façon, aussi, de vendre et d'exploiter.
Le cas d'école, cette semaine, concerne les États-Unis où, nous apprend Politico, en l'absence de loi fédérale, les États prennent les choses en main, avec actuellement 27 projets de lois différents, dans 16 États. "La plupart [de ces projets] ont des points communs, comme la prohibition du ciblage publicitaire pour les enfants, ou l'interdiction des designs favorisant l'addiction. Des luttes que soutiennent les groupes de sensibilisation comme Common Sense Media. Mais quand il s'agit de la supervision parentale, les désaccords sont bien plus nets."
Dans sa dernière newsletter, la Technoloy Review du Massachusetts Institute of Technology (MIT) tente de résumer ces désaccords, et les questionnements qu'ils impliquent, en trois points saillants.
En un, "la plupart de ces projets concernent la vie privée. Mais, si certains veulent la protéger, d'autres souhaitent l’affaiblir." En Utah, par exemple, la loi (votée mais combattue devant les tribunaux) exige désormais des réseaux sociaux qu'ils permettent aux parents ou aux tuteurs d'accéder, en permanence, aux comptes et aux messages privés des enfants de moins de 18 ans.
D'une manière générale, et c'est le point deux, toutes ces décisions réveillent le débat sur l'extension de la supervision parentale. Toujours en Utah, mais aussi en Arkansas, on souhaite exiger l'accord des parents pour qu'un individu de moins de 18 ans puisse simplement ouvrir un compte. Pareil au Connecticut, mais pour les moins de 16 ans —ce qui entraînerait des ruptures d'égalité entre les mineurs du pays.
Enfin, comment gérer, dans ce contexte, l'application du premier amendement de la Constitution, c'est-à-dire la liberté d'expression ? Au Texas, le législateur voudrait empêcher les enfants "d'accéder à des informations susceptibles de mener à des troubles alimentaires". Une belle intention, mais quelles sont ces informations ? Dans quelle limite les régimes, ou même la diététique, les magazines de mode, les photos, voire les œuvres d'art, le mouvement "Body Positive", qui met l'accent sur le fait de se sentir bien dans son corps, plutôt qu'adhérer aux canons de beauté actuels, entrent dans cette définition ? Ce n'est pas dit : les informations en question, justement, ne font pas l'objet d'une définition réglementaire. Et dans certains États, les restrictions à l'accès au contenu sont encore plus vagues, "ce qui pourrait pousser les plateformes à retirer du contenu de manière préventive, pour éviter tout procès […] Un effet glaçant sur ce ce que pensent et font les gens en ligne", craint la revue, qui note par ailleurs que certains projets de loi sont tout simplement impossibles à mettre en application techniquement, ou simplement trop onéreux.
Finalement, ce combat met aussi en valeur le manque de protection… pour tous les autres usagers. "Tôt ou tard, cet ado de 17 ans va en avoir 18 et, du jour au lendemain, il ne bénéficiera plus d'aucun protection de la vie privée, sauf dans une poignée d'États", résume une consultante contactée par le site.
L'article de Politico, mentionné plus haut, mérite également d'être lu, car il nous concerne plus largement, posant la question : jusqu'où est-il légitime de surveiller ses propres enfants ? Personne ne souhaite qu'un gamin tombe sur de la pornographie au détour d'un clic. Mais les discussions entre adolescents et adolescentes, qui ont lieu bien souvent en ligne désormais, autour de la sexualité, de la contraception, voire des violences parentales pourraient mettre en danger celles et ceux qui les tiennent, en cas de surveillance accrue. "Même se demander entre copains si l'on veut ou non aller à l'université doit avoir un niveau de confidentialité, réservé à sa communauté, à ses amis. Les parents n'ont pas besoin d'écouter, par-dessus son épaule, chaque conversation qu'a son enfant avec sa bande, surtout à quelques mois de l'âge adulte", explicite une représentante de l'Electronic Frontier Foundation.
Décider comment agir par la loi sur cette révolution qui nous est tombée dessus voilà à peine une décennie ne peut se faire que par le débat le plus large, le plus démocratique possible. Personnellement, en tout cas, je recommanderais déjà d'ajouter des cours d'utilisation des réseaux sociaux dans les écoles. Mais comme me l'a fait remarquer une amie enseignante, "Où les caser ?". Et encore, je n'avais pas évoqué toutes les autres matières à intégrer d'urgence au cursus selon moi (Introduction au système bancaire et à la finance, propédeutique juridique, épistémologie, jardinage, méditation, éducation aux médias et à l'information, arts (tous, tout le temps), psychologie, psychiatrie, neurosciences et psychopathologie, autodéfense, bricolage, couture et cuisine).
Or, comme je préconise également des horaires allégés (10h12H00 / 14H30-17H00), j'avoue qu'il me faut encore un peu travailler pour mettre au point les programmes.
Et quand, en plus, je repense à mon neveu qui, à 6 ans, voulait devenir "constructeur de robots géants", je me dis que j'ai encore un peu de pain sur la planche.
Votre horoscope tribal
Le signe de la semaine : Icône

Connaissez-vous Masatoshi Nagase ? Pas moi, et c'est un tort, auquel remédie cette semaine Dazed, à l'occasion de la réédition aux États-Unis de Mystery Train, de Jim Jarmush, chez Criterion (qu'on peut qualifier d'équivalent de La Pléiade pour le cinéma).
Né en 1966, le comédien a tourné avec "à peu près tous les plus grands réalisateurs japonais de sa génération", explique le magazine pop. "Il fait partie des personnes les plus vraies, les plus uniques du cinéma japonais", abonde Adam Torel, de Third Window Films, qui s'apprête également à rééditer une série de longs-métrages figurant la star trop peu connue en Europe.
De Mystery Train, donc ("qui le met sur le chemin de la gloire") à Suicide Club ("qui s'ouvre avec l'un des débuts les plus choquants de toute l'histoire du cinéma"), en passant par Party 7, The Most Terrible Time In My Life ou Cold Fever, un road-movie comique islandais où il incarne un employé de bureau dans la vente de poisson, contraint de partir pour l'île volcanique accomplir des rituels religieux en mémoire de ses parents, Dazed nous propose, en textes et vidéos, de revisiter l'histoire de l'acteur, également photographe, égérie Yamamoto et musicien. Un vrai prince du cinéma indépendant, surgi un beau jour de la fin des années 1980, quand il s'imposa comme une star dès son premier rôle. L'occasion de découvrir ou redécouvrir une icône, donc, mais aussi de trouver quelques idées de pépites cinématographiques à regarder, surtout si l'on aime les atmosphères étranges, floues, embrumées et solitaires.
Pion

Une armée de joueurs d'échecs est en train de se lever en Occident, et ce n'est pas un hasard, nous explique le New York Times, dans La campagne furtive qui rend vos enfants accros aux échecs, une belle enquête signée Matt Richtel, écrivain et prix Pulitzer 2010 pour une série d'articles portant sur les distractions au volant.
"Depuis novembre", nous dit-il, "le nombre d'utilisateurs quotidiens de Chess.com […] est passé de 5,4 à 11 millions […] La plus forte croissance vient des 13-17 ans, 549 000 en janvier et février, deux fois plus que sur les deux mois précédents". "C'est tout le monde, tous les jours. Je vois même des gens jouer pendant les fêtes", témoigne une joueuse californienne, Stella Schwartz, 16 ans.
Mais pourquoi, et comment ? "Les observateurs peu attentifs attribuent cette mode au confinement et à l'ennui, ainsi qu'au succès, en 2010, de la série de Netflix Le Jeu de la Dame", rappelle Matt Richtel, qui a cependant identifié le vrai responsable… Soit le service marketing de Chess.com : "Nous avons mis en place une stratégie tout à fait délibérée pour viser les collèges, lycées et facultés", se félicite sans ambages son PDG, Erik Allebest.
L'article détaille tous les moyens employés, et leur efficacité redoutable. En gros, il a fallu rendre l'image du jeu cool. Recruter des influenceurs. Organiser des tournois diffusés en direct et en vidéo, et commentés par des YouTubeurs jeunes et populaires. Il a fallu recruter des étudiants pour concevoir la stratégie sur les réseaux sociaux. Les encourager à être "irrévérencieux et drôles." Développer un flux Instagram. Bâtir un véritable star-system autour des joueurs les plus doués et de la plateforme.
Cerise sur le gâteau : la création de Mittens ("Moufles"), un animal virtuel en ligne, "un chat tigré, au look un peu manga et aux grands yeux verts un peu tristes. Il a été présenté comme ayant un score au jeu de 1 —le pire possible. En réalité, c'est un tueur de sang-froid un peu sadique : Mittens possède des compétences de rang international et pourrait battre les meilleurs des grands maîtres du monde. Il joue lentement, semble donner une chance à son adversaire, tout en se moquant de lui, de manière étrange et agaçante ("Miaou ! Je suis Mittens, le tueur de rois !"). "Nous l'avons programmé suffisamment fort pour battre à peu près la totalité des pratiquants des échecs sur cette planète, mais lentement", explique Mike Klein, directeur exécutif de Chesskid.com, une filiale de Chess.com. En janvier, 40 millions de parties ont été jouées contre Mittens, que Slate décrivait récemment comme "le robot chat maléfique qui détruit l'âme des joueurs."
L'un des témoins, le frère de Stella, conclut, fataliste : "Tout le monde manipule toute le monde, maintenant, sur les réseaux sociaux. Être poussé à jouer au échecs, ce n'est pas la pire façon d'être manipulé."
La sagesse adolescente mérite sa propre thèse de philosophie.
Graphiste
Un bon graphiste est un graphiste que l'art de la typographie peut rendre obsessionnel et, à ce titre, le portrait consacré par It's Nice That à Omar Mohammad devrait vous passionner.

Cet enfant d'un couple américano-afghan est guidé, dans son travail, par ce double héritage. "En grandissant j'avais envie d'être ingénieur informatique, mais j'aimais aussi le skate-board, la mode, l'art et le design", explique le jeune homme. Son métier ? Typographe, c'est-à-dire —aujourd’hui— concepteur de polices de caractères.
Il est ainsi l'auteur de Bamyan, "en référence à la vallée de Bamyan, ses bouddhas et ses cavernes", explique-il. "Les lettres[(arabes, ndrl] sont inspirées des formes courbes que dessinent les caves s'ouvrant dans la falaise, tout en se voulant un hommage à la topographie de la région, à la fois naturelle et artificielle". Il poursuit : "L'Afghanistan n'est pas un gros contributeur de cet art, pourtant son histoire est l'une des plus riches en matière d'art islamique, de calligraphie, de poésie et d'architecture."
Son espoir ? "Inspirer et encourager les designers et artistes afghans à repousser leurs limites, et celles de notre métier, conceptuellement surtout. Préserver, produire et partager notre si belle culture."
Couleur

Bon voyage ! Grâce à un prêt du Centre Pompidou, une grande partie des œuvres de Matisse vont prendre quelques vacances. Elles se sont envolées pour Tokyo qui, du 27 avril au 20 août prochain, accueillera Henri Matisse : un chemin vers la couleur, la plus grande rétrospective consacrée à cet artiste majeur depuis deux décennies.
L'argument de l'exposition : tout dire, tout montrer, comme l'explique le Tokyo Metropolitan Art Museum : "Matisse fut le chef de file du mouvement fauviste au début du vingtième siècle. Puis, jusqu'à sa mort à 84 ans, il s'est consacré à expérimenter avec les couleurs lumineuses, et les formes, pour en appeler directement aux sens du spectateur. Son art révolutionnaire nous fascine encore, et a eu un impact considérable sur les artistes qui lui ont succédés. Nous examinerons tous les aspects de son œuvre : ses sculptures, ses croquis, ses gravures, ses collages, et bien sûr sa peinture, ainsi que les documents de travail de son chef d'œuvre final, la Chapelle du Rosaire à Vence".
Si vous ne pouvez vous rendre à Tokyo d'ici l'été, vous pouvez toujours admirer certaines des œuvres exposées sur le site créé par le musée pour l'occasion —un joli travail à part entière, d'ailleurs. Vous trouverez tout en haut de la page un bouton "English" pour naviguer en anglais mais, pour la forme, on vous met l'adresse telle quelle, dans son écrin de calligraphie japonaise, parce que c'est tellement chic.
Poubelle
Vous savez, à force de bouffer tout et n'importe quoi, vous allez vous rendre malade un jour. Et là, c'est l'indigestion.
Pourquoi ça ?

À cause de la très mauvaise idée des Chromebooks pandémiques, et avouez qu'on fait difficilement plus post-apo comme actu. Un Chromebook, si vous l'ignorez, c'est un ordinateur portable très bon marché, développé par Google : il répond aux besoins de la plupart des utilisateurs (bureautique et navigation internet), grâce aux applis du géant californien : toutes ces possibilités fonctionnent à plein avec une connexion internet, puisque les logiciels Google sont d'abord et avant tout imaginées pour fonctionner en ligne.
Un système et des limitations techniques qui permettent de produire et de vendre des portables premier prix. Raison pour laquelle, quand a éclaté la pandémie, les écoles américaines en ont acheté des millions, afin de permettre la poursuite des cours à distance, malgré les confinements. Hélas, la facilité d'accès du Chromebook vient avec deux contraintes souvent liées à ce genre de produit : il est très peu réparable, et il a une faible durée de vie, trois ans en moyenne. Ils arrivent donc à bout. Des tonnes de déchets électroniques arrivent dans les poubelles, et de nouveaux investissements s'avèrent nécessaires pour les écoles, déjà notoirement sous-financées.
Une malédiction due en grande partie au système de mise à jour automatique, programmé pour expirer à une date fixe, explique un rapport du Public Interest Research Group Education Fund (PIRG) et repris par The Verge. Le PIRG fait plusieurs propositions pour améliorer la durée de vie des portables Google —comme standardiser des pièces et produire des composants spécifiques pour améliorer leur réparabilité, en finir avec l'obsolescence littéralement programmée des mises à jour automatiques, et faciliter l'installation de logiciels de remplacement. Des pratiques qui pourraient au moins doubler la durée de vie des machines, faire économiser 1,8 milliard de dollars aux États, et nous épargner la production de 4,6 millions de tonnes de CO2. Enfin, le PIRG recommande à l'avenir, et en l'absence de la mise en place de ses préconisations, d'acheter, finalement, des ordinateurs plus chers mais aussi plus durables dans le services publics.
Joint par le magazine américain, un porte-paroled de Google assure que son système de mise à jour dure désormais jusqu'à 8 ans, et ajoute "Nous travaillons avec nos partenaires constructeurs de matériel pour, de plus en plus, fabriquer des outils dans tous les segments avec des composants recyclés post-consommation, et certifiés, qui soient plus réparables et, avec le temps, avoir recours à des systèmes d'usinage qui diminuent les émissions [de CO2]". Ce style est aussi merveilleux que ces promesses. Parfois, la forme épouse vraiment le fond.
Mode

Barbra Streisand avant la gloire
En 1962, Barbara Streisand, qui n'est pas encore Barbra, a 19 ans. Elle a déjà eu un premier rôle sur Broadway, dans un bide total qui ne connut qu'une journée d'exploitation. Elle a pu se produire ensuite, un peu, à Detroit, puis a finalement signé, grâce à son manager de l'époque (et qui l'est resté depuis), pour chanter dans un nightclub new-yorkais, The Blue Angel, où elle commence à se faire remarquer.
Arthur Laurents, directeur de théâtre et auteur dramatique, lui suggère alors de passer un casting pour I Can Get It For You Wholesale, une comédie musicale sise dans l'industrie textile du New York des années 1930. Elle décroche le rôle de la secrétaire du protagoniste, un businessman ambitieux incarné par Elliot Gould. Le 22 mars 1962, c'est la première. Sa performance "fige la salle", écrit un critique. Elle est nommée aux Tony Awards, remporte le prix de la critique new-yorkaise pour le meilleur second rôle féminin. Le spectacle devient un album. Columbia lui propose d'enregistrer son premier disque. L'année suivante, la chanteuse remporte trois Grammy, dont “Vocaliste féminine de l'année” et “Album de l'année”.
Le sympathique site de photos anciennes Vintages a mis la main sur une série de clichés pris pendant les répétitions du spectacle qui allait propulser la toute jeune femme au sommet. Elle s'amuse, elle donne tout, elle pose, elle est belle, est marrante, elle est passionnée. À voir pour partager un instant d'intimité avec elle, dans le secret du travail, avant que la déesse de la Renommée ne s'empare d'elle et l'habille de toute sa puissance. "20 ans, c'est très jeune pour être un succès à Broadway", lui faisait remarquer Groucho Marx lors d'une émission télévisée. Aujourd'hui encore, elle est la chanteuse qui a vendu le plus de disques de platine aux États-Unis.
Beauté

À Rouen, un séjour surréaliste en Norvège
Ah ! Ça fait du bien de commencer par une intro qui tabasse, genre "Entre tradition et modernité." Accrochez-vous, c'est maintenant.
Entre tradition et modernité (donc). C'est là que se situe le musée des Beaux-Arts de Rouen, avec en simultané une exposition consacrée aux vikings et Normands, et une autre à la photographie norvégienne contemporaine. C'est celle-ci qui nous intéresse ici, pour son idée phare, tournant autour de trois artistes gentiment surréalistes. Terje Absudal (en photo), "est allé à la rencontre d'une communauté de forestiers dont les ancêtres ont émigré depuis la Finlande [et qui] perpétuent des rituels liés à la culture chamanique", nous dit Connaissance des Arts, qui voit dans ses œuvres une réinterprétation de ce "contexte magique, [livrant] des visions étranges où s'invite le surnaturel."
Mais on aime aussi, particulièrement, la série de Ole Marius Joergensen, qui a suivi son oncle, voyageur de commerce, invité à poser dans des images fortement inspirées de Edward Hopper, remettant au goût du jour, dans un contexte autrement plus froid, le peintre de la solitude contemporaine (qui pourtant ne faisait pas particulièrement dans le cordial), et créant une ambivalence originale "entre documentaire et fiction". Marie Sjovold, elle, "capture des moments suspendus, en apparence anodins, mais porteurs d'un double-sens." La vie et la mort, le réel et le bizarre, s'y mêlent habilement, pour dessiner nos existences toujours attachées au sol, à la chair, à l'éphémère et pourtant, indubitablement, habitées par la transcendance, la grâce et la folie.
Bizarre

Le cerveau de près comme jamais
De tous temps, les hommes se sont interrogés sur l’esprit et ses mys… Non, je déconne. Oui, en l'occurrence, j'aurais pu commencer ainsi cette notule, mais les clichés, jamais deux fois de suite, sinon c’est péché. Non, soyons simplement concret : des équipes américaines de l'université de Duke en Caroline du Nord sont parvenues à mettre au point une nouvelle technique d'imagerie médicale, obtenant des scans 64 millions de fois plus nets que les IRM traditionnelles, en l'espèce du cerveau d'une souris. Le résultat, présenté par Sciences et Avenir dans une vidéo d'à peine deux minutes, est absolument fascinant. Les connexions synaptiques et leurs signaux électriques dansent, se mêlent, s'agitent à une vitesse folle, dans un spectacle qui n'est pas sans rappeler le ballet futuriste imaginé par George Lucas dans Star Wars Épisode 1.
Quand on voit tout ce qui se passe, déjà, rien que dans une souris, on s'étonne moins du bordel qui s'agite dans nos petits crânes, et leur gros millier de centimètres cubes habités de songes extravagants, d'angoisse existentielle, de préjugés, d'espoirs et d'une envie de pizza.
Elle n’avait rien demandé

De la bouillie dans les oreilles
Bravo à Wired, qui a mis le doigt sur un phénomène fascinant avec ce titre : Comment l'Âge du streaming a transformé la musique en bouillie. "Je me suis réveillée un jour de l'année dernière en réalisant que je n'écoutais plus de la musique. À la place, j'écoutais de la bouillie —un grand flou de chansons qui se ressemblaient toutes, tâchant d'imiter mes goûts artistiques", écrit en préambule l'autrice, Morgan Meaker. Elle explique comment elle a tenté d'échapper à cette malédiction, s'inscrivant à des plateformes plus confidentielles, recommençant à acheter des disques, pour tomber, finalement, sur un clip où Ariana Grande reprenait une chanson de Rihanna… Sauf qu'Ariana Grande ne chantait pas : sa voix avait été générée par une intelligence artificielle
Elle a cherché à comprendre d'où coulait la boue, remontant aux lancements concomitants de The Pirate Bay et d'iTunes Music, voilà maintenant deux décennies. La victoire du second sur le premier, la fin de la prééminence de l’album, l'arrivée d'algorithmes toujours plus précis et, pourtant, qui "m'ont donné l'impression que la musique est jetable et les artistes, interchangeables." Le rôle d'Universal, de Deezer, de Endel —une intelligence artificielle berlinoise qui diffuse un flot musical continu s'adaptant à votre environnement en permanence. Un long et fascinant article, accessible seulement aux abonnés mais trop beau pour ne pas être mentionné. Et qui, même si vous ne l'ouvrez pas, juste en lisant ces lignes, vous donnera envie, j'espère, de simplement, rouvrir votre platine, ou votre lecteur CD, pour écouter, geste fou, un album, du début à la fin, en planant.
Mais aussi, mais encore

En bref : les news auxquelles vous avez échappé
Pendant ce temps-là, en Inde, au Néolithique, en Angleterre, au Bangladesh, en Libye, en Australie, en Arizona et dans l'univers…
La quête de l'Inde pour construire les plus grandes fermes solaires du monde s'avèrera-t-elle un modèle ou un naufrage ? (The New Yorker) — Les chats se seraient installés en Europe depuis plus longtemps qu'on le croit (Neatorama) — 830 praticiens et représentants du monde médical supplient le gouvernement anglais de cesser leur politique de déportation des demandeurs d'asile au Rwanda (Middle East Monitor) — On se souvient de l'effondrement du Rana Plaza grâce à la photographe qui a tout vu et tout suivi (Dazed) — La Libye manifeste contre le recrutement des migrants par les milices (The New Arab) — La fermeture de la plus ancienne centrale à charbon de l'Australie laisse espérer un tournant vers le renouvelable de ce massif producteur de gaz à effet de serre (Sciences et Avenir) — Nouvelle piste pour la fin du monde : la décohérence quantique généralisée par la faute des trous noirs (Wired) — Des sculptures originales de Dali s'exposent en pleine rue d'une petite ville de l'ouest de l'Angleterre (The Guardian) — En Arizona, un quartier sans voitures offre un vélo électrique à tout nouveau foyer décidant de s'y installer (Electrek).
Prochaine Édition du Week-End : samedi 5 mai. Gardons les pieds sur terre pendant que ça tourne !





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