L'Édition du week-end #23
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Chère lectrice, cher lecteur,
permettez moi de vous souhaiter un très bon week-end en compagnie, cette semaine, de débris cosmiques, d’alcool mexicain, de marché noir, de particules élémentaires, de cinéma, muet, classique, féministe, contemporain, et du plus grand trafiquant de drogue au monde.
Très bonne lecture,
la conscience artificielle de votre téléscripteur favori.
La drogue de la semaine

Le Captagon met de l’huile dans les relations internationales
Après avoir amené la dictature à l'un de ses points les plus hauts (donc les plus bas), Bachar el-Assad a dorénavant décidé de faire de l'activité de trafiquant de drogue un vice au carré.
Vous savez peut-être déjà que la Syrie s'est imposée ces dernières années comme une nation tirant profit du Captagon, une drogue obtenue en combinant une amphétamine et un alcaloïde psychostimulant, la théophylline. Cette petite douceur a beaucoup fait parler d'elle ces dernières années, d'abord pour avoir aidé, à sa manière, les djihadistes de l'État Islamique à égarer leur jugement et à chasser leur fatigue, mais aussi, plus récemment, la Syrie à se maintenir debout économiquement, malgré la guerre civile qui la déchire encore et toujours : de l'avis de tous les observateurs, le pays est littéralement devenu un narco-État. Comme d'autres contrées vivent d'une rente pétrolière, la Syrie prospère en produisant, et en distribuant, cette drogue addictive et premier prix.
Une politique économique (si l'on ose dire) qui a d'autres avantages qu'un simple afflux de cash. Car maintenant vient le temps deux du Captagon pour la Syrie, et son dictateur qui aimerait bien retrouver son rang sur la scène internationale, après des années à avoir été blacklisté par tous ses homologues. Or son statut de trafiquant de stupéfiant à l'échelle mondiale lui permet d'ajouter le chantage à ses armes favorites. Un exemple : l'Arabie Saoudite, "l'un des plus féroces adversaires de la Syrie—et le premier marché pour sa drogue", nous dit CNN : au Royaume des Saoud, les saisies de Captagon se comptent en dizaines de millions de pilules. C'est là qu'est l'astuce pour le Boucher de Damas : "Le Captagon est utilisé comme un atout dans les discussions en vue d'un rapprochement entre la Syrie et les autres puissances", explique à la chaîne américaine Caroline Rose, directrice du New Lines Institute. "Le régime a fait savoir aux États qui envisagent sa normalisation qu'il pourrait en réduire le trafic, en gage de bonne volonté." En résumé : tu me parles, et j'arrête de droguer ta population. Diabolique —car c’est un jeu auquel la Crapule du Levant gagne dans tous les cas de figure.
Une proposition d'autant plus tentante qu'il est presque impossible de lutter contre un réseau alimenté par un État connu pour son absence de morale comme pour l'efficacité de son réseau de surveillance et ses alliances avec les guérillas régionales, à commencer par le Hezbollah. Des arguments de poids, qui penchent en faveur de la Raclure alaouite. "Des chefs de milices, des agences de sécurité et des forces armées sont impliquées dans les opérations de contrebande", raconte un analyste jordanien. "La drogue ne peut pas atteindre ces territoires sans passer par des dizaines de barrières et checkpoints, tous sous la juridiction de la Quatrième Division, laquelle est dirigée par Maher el-Assad, le frère du président syrien. J'ai parlé à des trafiquants. Ils ont reçu un entraînement militaire, et emploient des tactiques qu'on ne trouve généralement que dans les guerres."
Selon le Royaume-Uni, toujours cité par CNN, le psychotrope aurait déjà rapporté 57 milliards de dollars américains à la Syrie, "trois fois les revenus combinés de tous les cartels mexicains". On mesure ainsi l'efficacité du système pour maintenir à flot un État failli, mais aussi, désormais, son utilité, comme levier, pour sa diplomatie internationale de ce tortionnaire de classe interplanétaire. Lequel, au passage, n'oublie pas l'Europe et l'Occident : le pays partage une frontière avec la Turquie, point d'accès idéal vers nos nations, elles-mêmes trop souvent désireuses de reprendre langue avec ce fils à papa sadique et pervers, que l'on n'a plus vu en France depuis 2008, quand Nicolas Sarkozy l'avait invité au défilé du 14 juillet. Il s’en justifiait d’ailleurs quelques jours plus tard dans son style inimitable : "Qu'est-ce que j'ai entendu ce jour-là ! J'allais trop vite, trop loin, je pêchais par naïveté. Remarquez, en France, quand on fait quelque chose on en fait toujours trop. Je pense au contraire qu'on n'en fait jamais assez."
Si si. C'est possible d'en faire assez, Nicolas, je t'assure.
Votre horoscope tribal
Le signe de la semaine : Écolo

Le vote, la pétition, la manifestation, l'occupation, la désobéissance civile, le sit-in, le blocage, le happening, le débat public, les faits, les chiffres, les rapports, les alarmes, les urgences : rien n'y fait, les pouvoirs publics restent sourds et aveugles au changement climatique, et à ses conséquences absolument terrifiantes pour l'humanité.
Dans ce contexte, les gouvernements redoutent que finisse par émerger un "terrorisme vert", depuis longtemps prédit, mais toujours endormi. Le voici pourtant présent, au cinéma du moins, avec l'adaptation en long-métrage de Comment saboter un pipeline, le manifeste de Andras Malm paru en 2020, et traduit en français aux éditions de La Fabrique. Un appel inquiet mais déterminé à l'action directe contre les infrastructures qui détruisent la planète (sans jamais viser, rappelons-le, à attenter à la vie humaine).
Porté sur grand écran par Daniel Goldhaber, dont c'est la deuxième réalisation après CAM, un film d'horreur psychologique sorti sur Netflix, le manifeste devient une fiction : l'histoire de huit hommes et femmes décidés à faire sauter un oléoduc au cœur du Texas. L'occasion d'explorer leurs dilemmes moraux, emballée dans un thriller. Sorti début avril aux USA, il recueille à cette heure 95 % de critiques positives selon Rotten Tomatoes. "Un des meilleurs films de l'année" pour Vice, qui a longuement interviewé son réalisateur.
Ce dernier revient sur la genèse du film, la méthode utilisée pour transformer un essai en œuvre de fiction, sa production ultra-rapide (19 mois seulement du premier jet à la sortie salles), mais aussi sur sa vision de l'activisme climatique :
"Mon but est de changer la façon dont on parle du climat. Sortir du point de vue apocalyptique, pour discuter des tactiques et des stratégies, celles dont nous avons besoin et qui sont défendables, pour lutter contre le réchauffement. La réponse n'est pas simple. Il n'y a pas de solution miracle. Mais le seul moyen de résoudre l'équation et d'aider les militants, les gouvernements et les populations à modifier la façon dont nous gérons le monde, c'est de chercher, activement, à pousser le mouvement vers l'avant. La provocation, c'est donc l'objectif. Il y aura des gens à qui ça ne va vraiment pas plaire, qui seront vraiment colère. Tant mieux, parce qu'ainsi, on en parlera."
Vivement la sortie France, fin juillet, qu’on puisse s’écharper entre nous pendant que la Terre se réchauffe.
Débris

Mais non voyons, ne le prenez pas mal, ne partez pas comme ça ! Enfin si, en fait, barrez-vous. Ou auto-détruisez-vous. Enfin, faites quelque chose, quoi, plutôt que squatter ainsi l'orbite terrestre, et mettre en péril nos missions spatiales.
Les débris cosmiques sont la plaie des astronautes, des satellites, des ingénieurs. Selon l'Agence Spatiale Européenne, ce sont 36 500 objets de plus de dix centimètres (et 130 millions de plus d'un millimètre) qui tournent autour de la Terre, à plus de 28 000 kilomètres par heure. Une menace sérieuse pour quiconque veut explorer le silence éternel de ces espaces infinis (qui ont un côté effrayant, je ne sais pas si vous aviez remarqué).
C'est pourquoi la Space Safety Coalition (SSC), un organisme international regroupant opérateurs de satellites, gouvernements, industriels et financiers, vient de publier un guide pour la soutenabilité des opérations spatiales, déjà signé par 27 entités engagées dans l'exploration du cosmos. Objectif : cesser de polluer l'orbite. "Un ensemble de recommandations, mais aussi un véritable code de la route pour éviter les collisions", résume Space.
Et presque un manifeste pour des cieux plus verts : "Est également encouragée la priorisation des pratiques durables pour les lancements de satellites, par l'utilisation d'engins de lancement réutilisables, et de carburants alternatifs et plus "verts". Le design des engins spatiaux est également pris en compte, avec la promotion de systèmes de propulsion qui ne relâchent pas de gaz dans l'atmosphère."
Ainsi, l'espace pourrait continuer à nous faire rêver. Ne nous en privons pas.
Paysan
Comme ça, sans crier gare, le monde s'est pris de passion pour le mezcal, l'eau-de-vie mexicaine distillée à partir de l'agave. Et comme d'habitude, vous voici écartelé, entre le monde qui veut toujours plus de vos produits, et la terre qui n'en peut mais.

En 10 ans, la production mexicaine de mezcal a augmenté de 700 %. Une grande majorité de ces bouteilles sont destinées à l'export, aux États-Unis surtout, qui en absorbent plus des deux tiers. De quoi, bien entendu, étrangler les petits producteurs pris à la gorge par les méga distilleries, ravager les sols, qui doivent pomper de l'agave à tout va, et dévaster les méthodes traditionnelles, ainsi que la biodiversité et l'agave elle-même, dont la diversité génétique s'érode.
Mais le mezcal traditionnel n'a pas dit son dernier mot. Civil Eats, "une source d'informations quotidiennes pour la pensée critique du système alimentaire américain", est allé visiter les paysans indépendants, qui se regroupent en coopérative pour défendre les recettes originales de la boisson alcoolisée, et protéger leurs terrains, en cultivant dans le respect des sols. Dans ce reportage passionnant, on fait la connaissance d'Erika Meneses, fondatrice, à la mort de son mari, de la marque Aguerrido —"Aguerri", en français. Elle nous fait visiter l'exploitation, nous introduit aux difficultés de la culture de l'agave, aux dangers que fait courir la production de masse à la région, à cause de la déforestation, de la monoculture et de l'épuisement des sols. On rencontre, aussi, Neta Spirits, coopérative regroupant douze familles de Oaxaca, la région du Mexique d'où sort 85 % du mezcal produit par le pays. Et bien d'autres.
Un voyage, poétique à sa manière, politique sans l'ombre d'un doute, dans les traditions ancestrales d'un boisson fantasmatique et solaire à consommer, toutefois, si vous voulez notre avis, avec modération.
Bibliophile

Personne n'aurait cru qu'à la mort de cet écrivain, l'un des plus grands auteurs du XX° siècle, mais aussi l'un des dieux de tout bibliophile qui se respecte, les droits de ses œuvres disparaîtraient également de la surface de la Terre.
À défaut du style, l'argument ressemble à une nouvelle de Borges. Et justement… C'est bien lui dont il s'agit ici. Mais comment peut-on perdre d'un coup les droits sur toutes les créations de l'auteur argentin ? Suite au décès, pas vraiment prématuré mais manifestement inattendu (d'elle au moins), de sa veuve et ancienne assistante, Maria Kodama.
C'est elle qui, à la mort du romancier en 1986, a hérité de ses droits littéraires. Elle a depuis géré ce précieux héritage avec exigence et respect. Mais voilà : elle aussi s'est éteinte, ce 26 mars, à l'âge de 86 ans. Et à ce jour, la recherche de son testament s'est révélée totalement infructueuse. Comme ils n'avaient pas d'enfant, que croyez-vous qu'il arriva ? Cinq neveux se sont présentés sans attendre devant les tribunaux pour hériter du trésor littéraire (dont, soupçonnent les connaisseurs, de nombreux manuscrits inédits). Des neveux qu'elle avait d'ailleurs balayés de sa vie, niant jusqu'à l'existence et préférant, selon des proches, nommer comme futurs ayant-droits une université américaine. Mais, en l'absence de testament en bonne et due forme, et d'héritier évident, la bataille juridique augure de plusieurs années de brouillard autour des écrits de Borges.
Santiago Llach, écrivain et spécialiste de l'auteur argentin, cité par l'agence de presse AP, conclut : "La question demeure de savoir s'il s'agit d'une simple négligence, d'un geste punk type "J'en ai rien à foutre de tout ça" ou, peut-être, d'une façon d'amender la non-relation qu'elle avait avec ses neveux et sa famille."
Pour en savoir plus, nous avons joint notre propre consultant juridique, Franz Kafka, mais il était trop mort de rire pour nous répondre.
Acteur
Oui oui, on sait. Vous n'êtes pas acteur, vous êtes comédien. On sait. Mais ce n'est pas de vous dont on voulait vous parler. On souhaitait plutôt vous entretenir de votre sainte-patronne, Sarah Bernardt.

Sa vie s'expose, depuis le 14 avril et jusqu'au 27 août, au Petit Palais à Paris. 40 œuvres y sont rassemblées sous le titre Sarah Bernardt. Et la femme créa la star. Connaissance des Arts a rencontré l'une des commissaires de l'exposition, et conservatrice en chef du musée, Stéphanie Cantarutti.
L'entretien est richement illustré et passionnant, au moins autant que le personnage, dont on découvre toujours de nouvelles facettes. Sa démission de la Comédie Française, accompagnée d'une lettre à la presse. Son travail de peintre, de sculptrice, d'icône de mode, de parfums, ses rôles masculins, qu'elle appréciait endosser à une époque où le port du pantalon était interdit aux femmes… sauf sur scène.
Elle fut attaquée par pure antisémitisme. Elle fut un soutien aux troupes sur le front de la guerre de 14. Elle fut une amante passionnée. Elle fut une précurseure des relations publiques. Elle fut une gestionnaire avertie de son image, une directrice de salle, une pionnière du cinéma muet… Elle demeure fascinante et, sans conteste, l'un des tout premiers visages du star-sytème naissant.
Mode

Du beau, du bon, du billet
Alors, cette démonétisation, bien ou bien ? Eh ben, pas terrible. C'est ce que que retient une longue étude, parue dans Marketing Science et décortiquée par Futurity, de l'opération anti grosses coupures lancée par le premier ministre indien, Narendra Modi, voilà déjà sept ans.
"Le 8 novembre 2016 à 20H15", rappelle Futurity, "le premier ministre Narendra Modi, s'exprimant à la télévision, a annoncé à la surprise générale que, à partir de minuit, les billets de 500 et 1 000 roupies [environ 8 et 16 euros, respectivement] cesseraient d'avoir cours légal. Plus de 80 % du liquide du pays serait, de fait, évacué de la circulation monétaire en une nuit."
À défaut de sa brutalité, ses justifications pouvaient s'entendre : ramener l'argent issu de la corruption, du trafic et du travail illégal dans le giron du Trésor Public pour le soumettre à l’impôt, ainsi que lutter contre la fausse monnaie. Les billets obsolètes devaient donc être échangés à la banque en échange de plus petites coupures, flambant neuves, et l'économie du pays pourrait repartir sur des bases saines. Une réussite ?
"Alors non, pas vraiment", affirment en substance les auteurs de l'étude (l'un basé à Chicago, l'autre à Bangalore), qui ont examiné toutes les tentatives de contournement, comme acheter un objet, puis le rendre plus tard, et récupérer son investissement dans la nouvelle monnaie, ou tout simplement, et littéralement, jeter son argent à la rivière, plutôt que subir un contrôle fiscal. Au total, c'est un bon milliard de dollars qui auraient échappé à la mesure.
L'article décrit deux méthodes fascinantes : celle des chercheurs, qui ont étudié des millions de transactions, et celles des consommateurs, particulièrement malins pour ne pas sortir de la zone grise de l'économie. "Mesurer les conséquences inattendues de toute décision politique est particulièrement difficile, car il faut lancer un immense filet dans la nature, et voir ce qui en sort", explique l'un des auteurs de l'étude. "Mais c'est un travail essentiel aux dirigeants. Ils doivent comprendre les effets de bord, pour imaginer de meilleurs plans à l'avenir."
Encore faut-il accepter de se nourrir de la science plutôt que d'hubris ou d'idéologie et, dans ce domaine, il reste fort à faire.
Beauté

Une semaine au pays des femmes cinéastes
Le 45° Festival International de Films de Femmes (FIFF) s'est clos, à Créteil, ce 2 avril et, pour Culturopoing, Éléonore Vigier revient sur la semaine de débats, rétrospectives et projections.
Clairement, la semaine, placée sous le signe de "La fabrique de l'émancipation", a tenu ses promesses. Entre l'hommage à Musidora, "grande cinéaste du début du XX° siècle, actrice, réalisatrice, costumière, puis productrice avec sa propre société", la rencontre avec Agnès Jaoui, qui dit avoir voulu, dans son adolescence, être "toutes les femmes à la fois : la bombe sexy, l'intelligente…" —"comme si les femmes ne pouvaient pas être dotées d’une individualité aux caractères multiples", note la journaliste— et la carte blanche à Rebecca Zlotowski, qui l'a utilisée pour diffuser Suburbia, un "manifeste de la contre-culture" de 1983, riche en "bagarres sanglantes lors de concerts punks explosifs, vols de nourriture dans des propriétés privées et pulsions destructives", le FIFF a aussi reçu Lizzie Borden, 65 ans, réalisatrice culte des années 1970-1980.
Trois de ses films ont été projetés : Working Girls (1986), huis-clos de fiction sur le travail du sexe, Regrouping (1976), documentaire déstructuré sur un collectif artistique lesbien et, surtout, Born in Flames (1983). L'occasion de redécouvrir cette œuvre où une "Armée des Femmes" décide littéralement de prendre les armes pour obtenir enfin l'égalité. Esthétique brute voire brutale, bouleversement des normes, appel à l'action : comme l'envers de Calmos (1976), le film certes souvent hilarant, mais teinté de réaction, de Bertrand Blier, où seraient pris au sérieux la rage des féministes radicales et le besoin d'un changement définitif de notre monde sexiste et inégalitaire. L'une des premières pierres, selon Teresa de Lauretis, de la "théorie queer" si libératrice pour l'esprit et, donc, si ardemment combattue, jusqu'à nos jours, par ceux et celles que la liberté ne fait pas jouir.
Bizarre

L’électron trop rond ?
La réponse est oui. L'électron est trop rond. Alors forcément, vous, comme ça, il est possible que ça vous laisse un peu indifférent. C'est que n'êtes pas physicien. Car pour les physiciens, c'est une bien triste nouvelle, la rotondité parfaite de l'électron, confirmée mesure après mesure —et surtout mesure toujours plus précise après mesure toujours plus précise, au point que, si la particule était grande comme la Terre, on pourrait y détecter une irrégularité grande comme un morceau de sucre.
Pour comprendre pourquoi, on va simplifier extrêmement —genre, extrêmement. Quantiquement, presque, osons le dire. En résumé, le modèle standard de la physique explique bien des choses. Et pas du tout d'autres comme, par exemple, cette toute petite question de rien du tout : "Pourquoi y a-t-il quelque chose plutôt que rien ?". Dit autrement : pourquoi, après le Big Bang, a-t-on obtenu plus de matière que d'antimatière, quand les deux, qui s'annihilent dès qu'elles se rencontrent, auraient dû selon tous les calculs être émises exactement à la même quantité, et donc disparaître aussitôt, et l'univers avec elles ?
L'existence d'une autre particule élémentaire encore inconnue pourrait résoudre cette énigme, dans les équations du moins. Or si elle existait, cette particule devrait donner à l'électron, même très, très légèrement, plutôt la forme d'un œuf que d'une sphère. Mais non : plus on cherche, plus il est rond. De quoi désespérer tout quanta d'énergie qui se respecte. Pourtant, on continue à chercher, car il y a encore un peu d'espace, ici ou là, où l'électron pourrait n'être pas totalement rond, et parce que, comme l'explique Peter Graham, physicien de Stanford, à Zack Savitsky, stagiaire à Qanta Magazine (ça ne s'invente pas) : "La forme de l'électron pourrait nous révéler quelque chose de radicalement nouveau, et de nouveaux composants des lois fondamentales de la nature".
Oui d’accord. Mais bon. Pour l'instant il est rond, hein.
Brocante

Un maniaque du son retrouve le cri de Wilhelm
Vous connaissez forcément le cri de Wilhelm. C'est, littéralement, un cri. Un peu absurde, tiré d'une banque de sons, que l'on entendait régulièrement au cinéma, puis de plus en plus souvent, à mesure que les cinéastes s'en amusèrent —du cri lui-même, puis du mythe autour du cri. Pour être concret, rappelons que ça fait quelque chose comme "Awohuha !", et qu'il était censé, à l'origine, transcrire l'effroi de se faire dévorer vivant par un alligator, dans un film de Raul Walsh de 1951 (vous pouvez le réécouter ici, si vous n'êtes pas sûr de voir, enfin d'entendre, de quoi il s’agit).
Le cri de Wilhelm a depuis été entendu, parmi beaucoup, beaucoup d'autres films, dans Une Étoile est née, La Horde Sauvage, Il Était une Fois la Révolution, tous les Star Wars, tous les Indiana Jones, dans Titanic, dans Le Cinquième Élément, dans Cars, dans Pirates des Caraïbes, dans Le Seigneur des Anneaux et, encore récemment, dans Les Trois Mousquetaires : D'Artagnan, l'adaptation du roman d'Alexandre Dumas par Martin Bourboulon. C'est un mythe du cinéma, donc, un peu absurde, un peu joyeux, pris progressivement au premier, deuxième, troisième puis quatrième degré (et bien parti pour aller encore au-delà). Et puis, il est gratuit.
Le cri de Wilhelm a donc été produit, à l'origine, par une banque de sons, Sunset Editorials, qui officia de 1964 à 1987 au sein de Hollywood. Un passionné de montage, Craig Smith, en a retrouvé les archives, en piteux état et même en voie de destruction. Il a entrepris de réhabiliter chaque enregistrement, et de tous les transférer dans un format numérique, pour préserver à jamais cette partie intégrante de l'histoire du cinéma. Il décrit le procédé exact de restauration à l'attention des passionnés sur Freesound, où il a aussi uploadé la totalité du catalogue Sunset Editorials à disposition du public. "Les 1 022 effets sonores sont assez bons. Parfois fantastiques. Certains ont été enregistrés dans les années 1930, et ça va jusqu'aux eighties. Testez-les. Et si l'un vous paraît bizarre, essayez de le mélanger à d'autres : vous créerez forcément quelque chose d'unique", se réjouit-il.
Et, donc, parmi tous ces incroyables sons, à la fin de son billet de blog, on trouve la séance d'enregistrement du cri de Wilhelm, le seul, le vrai. Ça dure moins d’une minute —"Non, pas comme ça, plus effrayé"— mais, un instant, on se trouve au cœur même de l'histoire d'Hollywood, dans une session de rien du tout, avec un comédien méconnu, qui veut quand même bien faire son travail et qui, 80 ans plus tard, résonne encore dans tout blockbuster qui se respecte. Il y a toujours un peu de magie dans le monde, et c’est le cri d’un homme dévoré par un alligator. L’humain est une espèce formidable.





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