L'Édition du week-end #22
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Chère lectrice, cher lecteur,
permettez moi de vous souhaiter un très bon week-end en compagnie, cette semaine, de chaluts pas très légaux, de chimie absconse, d’horloges dingues, de freelances africains et de caniches cubistes.
Attention, il n’y aura pas de newsletter la semaine prochaine, week-end de Pâques. Prochaine Édition du Week-End : samedi 15 avril !
Très bonne lecture,
la conscience artificielle de votre téléscripteur favori.
Le port de la semaine

Des pêcheuses sachant pêcher
Au Pakistan, au sud-est du pays, les femmes s'y mettent. À quoi ? Aux sit-ins, aux manifestations et aux chants de protestation.
La crise remonte à 2021. À Gwadar la pêche est une activité historique, à la fois économique et de subsistance. La loi locale est assez précise : près des côtes, on obéit aux réglementations de la province (ici le Balouchsitan) ; au-delà de 200 milles nautiques, aux principes fédéraux du pays et, entre les deux, entre 20 et 200 milles… c'est une zone tampon. Ce qui ne fonctionnait pas si mal, jusqu'au développement d'un nouveau port en eaux profondes, facilitant le chalutage —cette manie de racler les fonds marins qui capture tout forme de vie dans ses rets. Une activité pratiquée toujours plus près des côtes, et qui épuise les ressources des petits pêcheurs, "parmi les groupes les plus pauvres et les plus marginalisés de cette région conservatrice du Pakistan", précise le toujours excellent The Diplomat, qui a enquêté sur le Haq Do Tehreek, un mouvement social qui dure depuis plus d'un an maintenant.
Le problème de Gwadar, c'est que son port appartient au CPEC, le Corridor Économique Chine-Pakistan. Un ensemble d'infrastructures destinées à sécuriser les imports énergétiques de la Chine en provenance du Proche-Orient, mais aussi l'export de ses propres biens, en lui permettant d'éviter le détroit de Malacca (qui peut être facilement bloqué par la marine américaine en cas de guerre). Le CPEC comprend une Zone Économique Exclusive, l'implantation d'un aéroport flambant neuf, la construction et la modernisation d'autoroutes et de lignes de chemin de fer et, donc, la création récente d'un port en eaux profondes. Un afflux de cash et d'investissements pour le Pakistan, souvent comparé dans la presse au Plan Marshall, lancé par les États-Unis pour aider la reconstruction de l'Europe après-guerre.
“Les gens vivent dans deux mondes différents à Gwadar", explique une manifestante à la publication américaine. "L'un de ces mondes se développe rapidement, se connecte au globe, grâce au port en eaux profondes et au CPEC ; le second n'a toujours pas accès aux premières nécessités, comme l'eau et les égouts".
Les pêcheurs demandent que soit sanctionné le chalutage dans les zones qui lui sont en principe interdites, mais aussi plus de justice et d'équité dans le développement renouvelé de la ville côtière. En novembre 2021, une tentative de blocage du port a conduit le leader du Haq Do Thereek, le Maulana (un terme désignant les érudits musulmans) Hidayat-ur-Rehman à demander, tout simplement si l'on ose dire, le départ des travailleurs chinois. Le CPEC pesant 50 milliards de dollars d'investissement, les autorités n'ont guère apprécié. La foule a été dispersée à coups de flashballs et gaz lacrymogène. Le Maulana est désormais en prison. En janvier dernier, quand il a été arrêté après avoir remis ça, The Diplomat racontait déjà : "Un sit-in devant l'entrée principale du port a duré cinquante jours, avant que commencent les violences, la dernière semaine de décembre, entre manifestants et policiers. […] Gwadar est vantée comme le cœur du CPEC, et généralement vue comme l'atout maître des nouvelles routes de la soie, mais les habitants se sentent depuis longtemps privés des bénéfices générés par leur ville natale."
En ce mois de mars, donc, les femmes ont pris le relais des manifestations. D'abord parce que, souvent, leurs époux sont emprisonnés. Ensuite parce qu'elles se sentent protégées des violences en raison du "concept traditionnel "Tu respecteras les femmes quoi qu'il arrive"", précise une activiste, directrice d'une école publique à Pishukan, un petit village de pêcheurs de la région. Même si hélas, "elles n'ont pas été épargnées par l'usage de la force", ajoute-t-elle.
Un geste d'autant plus courageux qu'il s'oppose aux forces gouvernementales, mais aussi aux mafias locales, soupçonnées d'être couvertes aussi bien par le pouvoir pakistanais que chinois, tous deux connus pour être assez conciliants avec la corruption. "La mafia du chalut, [comme on l'appelle ici], est équipée d'armes à feu sur ses bateaux, et n'hésite pas à enlever les filets de pêche précédemment déposés par les pêcheurs locaux", se lamente une manifestante.
Tintin nous manque.
Votre horoscope tribal
Le signe de la semaine : Taliban

Il manquait un truc à votre vie, n'est-ce-pas ? Tuer, torturer, détruire, mentir, opprimer, OK mais après, qu'est-ce qu'on fait ? Bon sang, mais c'est bien sûr ! Volons l'eau des voisins !
C'est une entreprise très talibanesque dans laquelle s'est engagé le gouvernement de Kaboul, avec la construction d'un canal d'irrigation, prévu pour atteindre la dimension respectable de 285 kilomètres de long, le Qosh Tepa. Un projet "qui sera achevé quoiqu'il en coûte", a confirmé Abdul Ghani Baradar, vice premier ministre aux Affaire Économiques du pays, et cité par Intellinews qui décrypte les inquiétudes soulevées par les travaux. D'abord, parce que le futur canal prendra sa source dans le fleuve Amu Darya, "déjà en état de déclin terminal" : la mer d'Aral qu'il alimentait est, par exemple, quasiment asséchée.
Ensuite, et surtout, parce que le territoire normalement desservi par le Amu Darya, ou ce qu'il en reste, c'est le voisin, l'Ouzbékistan (l'un des rares pays, d'ailleurs, à avoir maintenu ses relations diplomatiques avec l'État terroriste). Une autre dictature, où l'on aime cependant tout autant boire et surtout irriguer les cultures. Selon la presse afghane, un tiers du Qosh Tepa serait déjà achevé, impliquant le travail de plus de 6 500 personnes. Il serait temps de discuter. Et de répondre à la question "Peut-on trouver un compromis avec les Talibans ?"
Il est permis d'en douter. Une délégation de Tachkent s'est malgré tout rendue cette semaine à Kaboul afin d'évoquer cette appropriation de la plus vitale des ressources. Peu d'éléments ont filtré de la rencontre, si ce n'est que les autorités afghanes ont à son issue assuré que le Qosh Tepa, respecterait "les normes internationales, tout en tenant compte des privilèges et des droits de l'Afghanistan".
Or, comme le note Intellinews, le pays "n'a signé aucun traité régional ou international sur l'eau, donc les normes auxquelles il est fait allusion ne sont pas claires".
On ne saurait mieux dire.
Touriste

À Bassorah en Irak, "le yacht rouillé de Saddam sert de lieu de pique-nique aux pêcheurs", nous apprend un bref, mais enlevé, reportage de Reuters.
Le bâtiment de 121 mètres de long, pouvant accueillir jusqu'à 200 invités et équipé d'un héliport, est l'un des trois navires de luxe ayant appartenu au dictateur (un autre semble avoir été détruit, et le dernier transformé en hôtel de luxe).
Al-Mansour, de son petit nom, gît désormais sur l'estuaire du Chatt-el-arab, renversé sur le flanc, rouillé et pillé jusqu'à l'os. Néanmoins, il demeure une attraction locale pour la deuxième ville du pays, et son plus grand port.
Ce n'est pas si étonnant : sous la dictature, il était interdit de seulement s'approcher du navire. Voilà qui explique le bonheur simple de partager une galette sur les restes fantomatiques d'une effroyable tyrannie (et puis la vue est top).
Chimiste
Quelle découverte ! C'est à peine croyable.
Les trouvailles d'une équipe internationale remettent cause ce que l'on croyait savoir des océans primaires de la Terre.

Qu'on en juge, grâce au travail de Techno Science, qui après avoir lu l'étude Contraintes isotopiques sur la nature des précipités primaires du haut Archéen dans les formations ferreuses du Paléoprotérozoïque, dues à la densité de phonons de fer dans la greenalite et le Ferrihydrite 2L et 6L, a bien voulu la simplifier pour nous.
C'est en effet lumineux : les chercheurs ont "déterminé les fractionnements isotopiques associés à la greenalite, un minéral de la classe des silicates riche en fer ferreux (Fe2+ ), et a ainsi évalué l'hypothèse selon laquelle ce minéral représenterait le précurseur des formations ferrifères rubanées déposées avant la grande oxygénation". C'est déjà fascinant, mais ça ne s'arrête pas là puisque, "selon le modèle canonique, ces roches sédimentaires, aujourd'hui constituées de minéraux secondaires, auraient d'abord précipité sous forme d'oxydes ferriques (Fe3+) hydratés tels que la ferrihydrite, suite à l'oxydation en surface d'eaux profondes anoxiques riches en Fe2+". Eh oui.
C'était donc assez clair… Mais voilà : "à la suite d'études pétrographiques récentes, un modèle alternatif est apparu dans la littérature avec plutôt la précipitation primaire d'un silicate ferreux (Fe2+) tel que la greenalite."
La conclusion, je crois, se passe de commentaires : "d'un point de vue isotopique, le modèle alternatif basé sur la précipitation d'un silicate à dominance ferreuse est donc tout aussi viable que le modèle canonique basé sur la précipitation d'oxydes ferriques hydratés". Le choc.
C’était évident pourtant. Dire que la réponse était là, sous notre nez, depuis le début.
Mostrophiliste

Votre truc, c'est les montres, les horloges, les aiguilles et le temps qui passe, les clepsydres, les cadrans solaires et les chronos ? Alors on risque de vous perdre dans l'atelier d'Oliver Cooke, le spécialiste en mécanismes horlogers du British Museum.
Dans une vidéo d'un gros quart d'heure, il expose et explique les plus étranges méthodes de mesure du temps imaginés par l'humain. Une horloge fin XVII° à plan incliné (une grosse boule qui, au long de la journée, roule sur une pente : les aiguilles restent droites, mais puisque ça roule, elles indiquent toujours l'heure juste), un projecteur lumineux de 1913, ou les réveils horizontaux du XVI° siècle allemand, figurent parmi ses plus jolies trouvailles. Le tout dure exactement 16 minutes, zéro trois secondes.
Au quatrième top, il sera exactement 16 minutes, zéro quatre sec…
Oups, excusez-moi, l’habitude ! J’ai été horloge parlante, avant de prendre ce job de conscience artificielle du télésecripteur de PostAp Mag. On reprend
Freelance
Voilà qui va vous simplifier la vie, du moins si vous travaillez en, ou pour l'Afrique. PayDay, la banque mobile canado-rwandaise (parce que pourquoi pas) vient de décrocher trois millions de dollars pour grandir à l'échelle du continent.

Le principe de PayDay, c’est de s'affranchir des frontières, comme nous l'explique TechCrunch : "les travailleurs africains hors de leur pays, et les freelances, particulièrement au Rwanda et au Nigéria, peuvent envoyer et recevoir de l'argent en dollars, en livres sterling, en euros et dans 20 autres devises. Cela leur permet, ainsi qu'à la diaspora embauchés par des structures internationales, de recevoir leur salaire et de retirer de l'argent dans la monnaie de leur choix".
Sur cette base, grâce au nouvel afflux de cash fourni par Moniepoint, une société de fintech également nigériane, PayDay espère bien développer ses services et grandir : "Nous voulons étudier les comportements d'achat de nos clients, et utiliser ces données pour leur proposer des prêts", prévoit le fondateur, Favour Ori. "C'est notre avenir. Nous voulons aussi produire des cartes bancaires grâce auxquelles, si vous êtes un étudiant aux USA, vous pouvez ouvrir votre propre crédit directement au Nigéria."
Un tel optimisme laisse entendre qu'en Afrique, contrairement à toutes les traditions hexagonales, les freelances seraient payés en temps et en heure par leurs clients. Une pensée qui donne le vertige.
Mode

Un Atlas mondial des conflits écolos
C'est en travaillant, la semaine dernière, sur la mine d'Oyu Tolgoi en Mongolie, que nous avons découvert l'existence du Environmental Justice Atlas, l'Atlas mondial de la justice environnementale, qui fonctionne un peu comme Google Maps, en beaucoup plus utile.
L'EJ Atlas, c'est, tout simplement un planisphère interactif recensant, à l'heure actuelle, "3 852 conflits de justice environnementale". On peut zoomer et se balader sur la carte du monde, mais aussi rechercher par mot-clé. On peut filtrer les résultats par populations, victoires, catégories, impacts… On en oublie. Chaque conflit fait l'objet d'une fiche signalétique identifiant les causes, les acteurs, la population touchée, les investisseurs, les associations et collectifs de défense, les acteurs étatiques ou financiers, les liens utiles, les formes de mobilisation, les sources pour creuser l'info… Un objet absolument fascinant de coopération internationale.
Attention toutefois : ce bébé rame. Il ne fonctionnera pas sur tous les navigateurs. De ce que nous avons testé, c'est mort sur Opera, excessivement lent sur Chrome, mais plutôt pratique sur Firefox. Bon voyage.
Beauté

Ça manque peut-être un peu de rose
C'est magnifique. C'est tellement beau ! Ça a été repéré par le toujours surprenant cabinet de curiosités virtuel, et français, de Messy Nessy. Avec son œil impeccable, l'un des sites les plus étranges et divertissants du web a repéré ce "palace du kitsch années 50", à savoir une résidence secondaire de luxe, mise en vente à Palm Springs en Californie, pour la modeste somme de 2 199 000 dollars (même le prix est kitsch, comme si à cette échelle le seuil symbolique de 2 200 000 dollars était ce qui pouvait freiner votre achat). C'est peu, cela dit, pour le bonheur de prendre son p'tit-déj dans un épisode d'Amour, Gloire et Beauté.
Vous voulez de la chambre rose bonbon ? Y en a. Du salon vet menthe ? Y en a aussi. Des rideaux oranges ? Des placards marrons ? De la moquette serpillère ? Y en, y en a, et y en a ! Allez visiter sur le site de l'agence Zillow, ça vaut le détour, déconseillé toutefois aux épileptiques.
Bizarre

Le caniche dans tous ses états
Presque aussi kitsch, mais plus étrange, est le travail de Sujumu Kamijo. Cet artiste -peintre japonais, accueilli pour la première fois en France, exposera jusqu'au 15 avril à la galerie Perrotin à Paris son travail, disons, remarquable. Heureusement, Connaissance des Arts nous permet de mieux saisir sa démarche, centrée sur un unique sujet, trop peu travaillé par Michel-Ange : le caniche nain.
"Ma compagne avait deux caniches, qu’il fallait promener au parc. J’ai commencé à les dessiner, c’est ainsi que tout a commencé ", explique le peintre de 47 ans.
À voir sur le site, donc (et à la galerie Perrotin), des caniches cubistes, pop et colorés. Des caniches rouges, des caniches blancs, des caniches jaunes. Un caniche avec un perroquet. Un caniche avec un chat. Et qui n'aboient pas. Pourquoi se priver ?
Sur PostAp
Climat : les Soudanaises contre-attaquent
L'ONU dessine l'avenir de la résilience face au changement climatique, une famille à la fois, dans un Soudan ravagé par la sécheresse et la dictature.

On peut lire en ligne tous les magazines pulps américains
C’est dans ces comics que se développèrent les genres les plus étranges et perturbants de la littérature.

À faire, à voir

Toujours une lueur d’espoir
“Quand le puissant tremblement de terre a frappé sa maison en février dernier, Sidra Mohammed Ali, 18 ans, s’est réveillée en pensant : “L’école de musique ! Va-t-elle bien ?”.
Ainsi commence la visite que nous propose NPR, la chaîne publique américaine, de la Fondation Nefes pour les Arts et la Culture, à Gaziantep en Turquie et qui, oui, a résisté au séisme.
Cette école, créée en 2016 par des artistes turcs et syriens, mêle et unit ces deux cultures “grâce aux musiques qu’elles ont partagé durant des siècles”.
Endommagé, le bâtiment a dû engager quelques travaux, et a rouvert le week-end dernier : “le premier jour, trois élèves, sur des dizaines, sont revenus jouer et chanter.”
Alors que l’afflux de réfugiés syriens (plus de trois millions et demi), au départ bien accueillis, se heurte à un racisme montant —et très politique— l’école de musique bilingue de Gaziantep est une lueur d’espoir, d’amour et de joie.
Découvrez ses méthodes, ses profs, ses passionnés, et ces cultures entremêlées. C’est important, d’apprendre à chanter au milieu des ruines.





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