L'Édition du week-end #21
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Chère lectrice, cher lecteur,
permettez moi de vous souhaiter un très bon week-end en compagnie, cette semaine, d’écolos néo-zélandais, de cosmonautes ruinés, de grandes espérances, d’une souris grand luxe et de bidonvilles nanterriens.
Très bonne lecture,
la conscience artificielle de votre téléscripteur favori.
La coalition de la semaine

Les Verts et la Gauche se brouillent (en Nouvelle-Zélande)
"Vous en avez marre ? Ben moi aussi, j'en ai marre." C'est ce qu'a déclaré le ministre du Changement climatique néo-zélandais, James Shaw, en conclusion d'une réunion avec ses soutiens cette semaine : il en a marre, de l'abandon des politiques écologistes au sein du gouvernement.
Vous vous rappelez certainement que la première ministre de Nouvelle-Zélande, Jacinda Ardern, avait démissionné de son mandat en début d'année, "parce que, avec un tel rôle, si privilégié, vient aussi une responsabilité : celle de savoir quand vous êtes la bonne personne pour diriger… Et quand vous ne l'êtes plus".
Son successeur, Chris Hipkins, membre comme elle du Labour (gauche), 45 ans, ancien ministre de l'Éducation puis de la Santé, a été élu par les députés de son parti pour la remplacer. Et il a aussitôt balancé par la fenêtre un nombre conséquent de projets de loi du plan climat qui était en cours. Son but : lancer, à la place, une autre série d'investissements, destinés à aider les pauvres et précaires du pays. L'augmentation des bourses étudiantes, des pensions de retraite et des allocations sociales (chômage comme soutien familial) doivent améliorer, de 14 à 46,20 dollars par semaine tout de même, le revenu de près d'1,5 million de Néo-Zélandais. Comment financer cela ? En abandonnant les mesures de transition écologiques qui figuraient jusqu'ici au programme du gouvernement. Adieu les primes à l'achat de véhicules électriques, bye bye l'extension du tramway à Auckland, ciao le développement des biocarburants. À quoi s'ajoute l'enterrement de projets de société : sayonara le droit de vote vote à 16 ans, kenavo le durcissement de la législation sur l'alcool.
Fin du monde contre fin du mois ? Pas tout à fait. Le contexte joue. Les prochaines élections auront lieu en octobre et, comme le résume le Guardian, "Les Verts vont devoir effectuer un numéro de jonglage particulièrement ardu : persuader les électeurs qu'ils peuvent initier des changements profonds et substantiels au sein du gouvernement, tout en excitant et en profitant de la frustration croissantes des habitants quant aux progrès dans la lutte contre le changement climatiques, qui restent négligeables."
Eh oui, car tous ces projets, en vrai, ne représentaient pas grand chose : pour défendre ses choix, le premier ministre a argué que, de toute façon, les politiques abandonnées comptaient assez peu dans la réduction des gaz à effet de serre (GES) produits par le pays. Et il a raison : la première source de GES là-bas, et de loin, demeure l'élevage, par l'émission de méthane dû au système digestif particulier de nos amies les vaches. Elles sont plus de 6 millions sur ce territoire (l'équivalent du nombre d'habitants en Nouvelle-Aquitaine, que nous aimons beaucoup, ce n'est pas pour leur manquer de respect, on vous jure, on pourrait vivre d'huîtres et d'aérospatiale que ça nous dérangerait même pas). Qu'est-ce qu'on disait ? Ah, oui : les GES ont donc augmenté, principalement en raison de l'élevage (+ 3 % sur la dernière décennie, + 57 % en 30 ans, l'un des pires résultats des pays industrialisés). Et pour ce secteur, au poids économique considérable, aucun plan national de réduction des GES n'était de toute façon envisagé, si ce n'est quelques vagues projets de taxation, et la confiance dans la technologie.
Un éléphant dans la pièce qui pèse, tout de même, 42 000 Kilotonnes Équivalent C02, le total des émissions du secteur agricole en 2019.
Votre horoscope tribal
Le signe de la semaine : Cosmonaute

Beu beu, oh la la, plouf plouf. Tout allait bien pour vous, et puis l'autre brute, là, a envahi l'Ukraine et voilà, c'est la cata.
Comme le raconte Wired, "Le programme spatial russe est en grande difficulté". Sur les trois derniers mois, l'agence spatiale Roscosmos a signalé 2 incidents graves. Genre, graves : deux véhicules, dont une capsule Soyouz —parmi les engins les plus fiables du secteur— ont commencé, en orbite, à souffrir de fuites de liquide réfrigérant, alors qu'ils étaient amarrés à l'ISS. Pas bon.
L'agence attribue ces soucis à "un problème de micrométéorites". Mais "les collisions de micrométéorites en orbite sont exceptionnellement rares, et les probabilités que que deux d'entre elles aient percuté, en quelques mois, deux cuves dee stockage de liquide réfrigérant, et rien d'autre sur toute l'ISS, sont proches de zéro", souligne un expert contacté par le magazine américain.
Les déboires de Roscosmos semblent plutôt provenir, d'une part, d'un délaissement progressif du spatial civil au profit du militaire (pour développer des bombes de l'espace et des lasers aveuglants) et, d'autre part, des sanctions internationales consécutives à l'invasion de l'Ukraine, sanctions dont l'impact se fait sérieusement sentir dans les équipements de haute technologie.
De plus, la base de lancement historique Baïkonour est située au Kazakhstan. Après la chute de l'URSS, le pays a commencé à facturer ses services à la Russie. Et comme celle-ci ne payait pas, il a fini par tout simplement en saisir les actifs. Moscou a certes commencé la construction d'une autre base spatiale sur son territoire, côté Sibérie, mais les travaux ne sont toujours pas achevés. Un seul pas de tir a pu tenter des premiers lancements, à un rythme de marmotte (5 entre 2016 et 2019, dont un raté). Causes de ces retards spectaculaires ? Difficultés techniques et scandales de corruption, nous dit Wired.
S'il y a quelque part un cercueil, et quelque part un clou, on peut toujours faire confiance à l'armée russe pour enfoncer le second dans le premier, surtout si c'est pour enterrer son propre avenir.
Magistrat

Fatigue. En France par exemple, c'est la fatigue. Mais, au Tchad, c'est carrément l'écœurement. Les critiques récentes du président de transition, qui estimait lors de la cérémonie des 25 ans de l'ordre des avocats que "le dysfonctionnement de la justice est un des principaux problèmes du pays", passent mal.
Pour rappeler rapidement qui est le président de transition en question, il faut remonter à 1990, année du coup d'état d'Idriss Déby, sans cesse "réélu" depuis, avant de trouver la mort en 2021 lors d'une bataille militaire opposant les forces armées du pays aux rebelles du Front pour l'Alternance et la Concorde au Tchad. Qui pour succéder à pareil grand homme ? Voyons voir… Pourquoi pas le fiston ? Général de l'armée au parcours éclair, il avait commencé sa carrière à la direction de la garde prétorienne du régime, où il avait été nommé, très jeune, par un homme de confiance (son père). C'est lui, le "président de transition".
Bref. Les leçons de Mahamat Idriss Déby (il porte le même nom que son papa c'est mignon), le secrétaire général du Syndicat des magistrats du Tchad s'en tamponne le coquillard avec de la gomme arabique : il a dénoncé dans sa réponse, avec une certaine noblesse et un courage certain, les ingérences politiques dans les affaires en cours et rappelé : "Si la justice ne fonctionne pas, c'est le président du Conseil supérieur de la magistrature, qui est [aussi] le président de la transition qui a tenu ses propos, […] qui est mieux indiqué pour trouver une solution."
PressAfrik le rappelle : "Manque d’indépendance et de moyens, corruption, clientélisme ou encore favoritismes dans les nominations … les maux qui gangrènent la justice sont connus et ont été recensés depuis bien longtemps lors d’états-généraux […] Malheureusement, [ses] principales recommandations sont restées lettre-morte jusqu’ici."
Est-ce le premier pas dans le bon sens ? Déby Junior a promis, en réponse, que dans la nouvelle Constitution en préparation, le chef de l’État ne serait plus le président du Conseil suprême de la magistrature. "Caramel, bonbons et chocolat", a simplement commenté Dalida, notre éditorialiste maison.
Anglais
Tout annonce un grand rendez-vous télévisuel, à partir du dimanche 26 mars et pour les six semaines qui suivent : l'adaptation de l'un des plus classiques des classiques de la littérature anglaise, Great Expectations (De Grandes Espérances), en six épisodes d'une heure, commencera ce soir-là sa diffusion sur la BBC.

Le format de la mini-série renoue avec l'aspect original qui avait fait vibrer le pays lors de la parution, sous forme de feuilleton, du roman de Charles Dickens en 1860.
Et l'homme derrière l'adaptation inspire la confiance, puisqu'il s'agit du créateur de Peaky Blinders, Steven Knight. Il en sera l'auteur et le producteur exécutif, aux côtés de Tom Hardy et Ridley Scott. On retrouve également Olivia Colman (The Crown, Fleabag, The Father, Empire of Light) en Miss Havisham et, dans le rôle de Pip, l'orphelin aux grandes espérances, Fionn Whitehead (Dunkerque), qui selon nos informations, est venu sur le plateau accompagné de toute son insolente beauté.
Great Expectations sera diffusé d'abord en exclusivité sur la BBC et Hulu puis, en France, devrait arriver chez Disney + à partir du 11 mars. Si une plongée dans l’envers sordide de l’ère victorienne vous tente, la bande-annonce est disponible sur YouTube, ici.
Drone

Y pas à dire, c'est votre année. Pour les usages militaires bien sûr —hélas— mais aussi pour vos prouesses civiles.
La semaine dernière, nous vous parlions de l'exploit d'un petit camarade américain, le Surveyor de Saildrone, qui s'attachait à cartographier les mystérieux fonds marins. Cette semaine, nous apprenons que les Suisses de Wingtra viennent de lever 22 millions de dollars pour poursuivre leur développement, cette fois dans le domaine de la cartographie aérienne, utilisée, nous dit TechCrunch, "dans le bâtiment, l'industrie minière, la surveillance environnementale, l'agriculture, la planification urbaine et l'aménagement du territoire".
"Notre feuille de route est hautement confidentielle, mais disons que notre vision à long terme, sur une décennie ou plus, et de sortir l'humain de la boucle, et d'automatiser complètement le recueil, le traitement et l'analyse de données", se félicite le PDG de Wingtra, Maximilian Boosfeld, et le fait que son nom, sa nationalité et son métier aient tout d'un méchant de James Bond ne doit pas du tout vous inquiéter (à moins que vous espériez pour 22 millions de dollars d’emplois qualifiés, naturellement).
Métalleux
Metallica, le groupe formé il y a 42 ans refuse toujours de passer de mode. Son dernier album, Hardwired… to self-destruct !, sorti en 2016, s'est encore vendu à 387 000 exemplaires vinyles rien qu'en 2022. Pourquoi mentionner les seuls vinyles ? Parce que c'est en vinyle que Metallica prépare son avenir.

En prévision de la sortie de son nouveau disque, au printemps, le groupe a en effet tout simplement racheté une usine de pressage, en devenant l'actionnaire majoritaire de Furnace Records
Saine décision, comme l'explique Gizmodo : "selon un récent rapport de la Recording Industry Association of America, il y a eu en 2022 plus de ventes de vinyles que de CD, pour la première fois depuis trois décennies (41 millions contre 33 millions). Plus étonnant encore : la croissance du marché, sans interruption depuis maintenant 16 ans. En 2022, les profits générés par les ventes de vinyles ont augmenté de 17 %, pour atteindre 1,2 milliards de dollars."
Cette même année, Furnace Records a pressé, au total, 900 000 disques de Metallica. : de quoi mettre du beurre dans les épinards ou, en l'espèce, du jarret dans la salade.
Mode

La souris la plus chère du monde
Restons dans les histoires de gros sous vintage, avec ces 178 936 dollars (environ 166 200 euros) déboursés lors d'une vente aux enchères pour acquérir, au prix de presque 12 fois son estimation de départ quand même, une souris informatique.
Pas n'importe quelle souris évidemment, mais le prototype développé par Douglas Engelbart (ingénieur et visionnaire de son état), à la fin des années 1960. Une révolution dans l'usage des ordinateurs. À l'impact durable, comme nous le rappelle Art Daily :
"Au début des années 1970, la plus grande partie de l'équipe d'Engelbart travaillait au Xerox Parc, où elle poursuivait ses travaux sur les interfaces homme-machine et l'amélioration de la souris. C'est en visitant cet institut de recherche en 1979 que Steve Jobs a découvert, en action, la souris et le concept d'interface utilisateur graphique. […] La souris de Xerox coûtait 300 dollars pièce, avait un peu trop de friction et disposait de trois boutons. Jobs voulait un modèle simple, au bouton unique et dont le prix ne dépasserait pas 15 dollars. Apple a acquis le brevet d'Engelbart pour 40 000 dollars, et chargé le studio de design IDEO de rendre l'outil accessible aux masses."
Mission accomplie : aujourd'hui, le marché mondial de la souris informatique (2,6 milliards de dollars en 2002) pèse tout de même presque un quatre-vingt-cinquième de la fortune personnelle de Bernard Arnault. C’est considérable.
Beauté

Seule dans l’espace
Pas mal, non ? C'est français. C'est le deuxième album de Lisa Blumen, jeune autrice strasbourgeoise, après Avant l'Oubli, prix Révélation ADAGP 2022 au festival Quai des Bulles de Saint-Malo.
Astra Nova raconte l'histoire de Nova, jeune femme engagée pour explorer une planète distante de plus de 2 millions d'années-lumière. Un voyage qui durera entre 20 et 50 ans. Sa "grande aptitude à la solitude", comme le résume son dossier de sélection, a été l'élément déterminant qui lui a permis d'embarquer pour cette expédition sans retour.
Seul problème : elle doit, avant le décollage, apparaître à une fête d'adieu organisée en son honneur, où elle retrouve Yseult, Alan et Ulysse, trois anciens amis, depuis longtemps disparus de son univers mental.
Un superbe travail, comme le souligne Bodoï : "Par son trait frêle, ses aquarelles vibrantes, ses compositions de pages et cadrages étudiés, [Lisa Blumen] réussit à bâtir un petit univers humaniste d’une singulière beauté. Une lumineuse surprise, sincèrement touchante."
Vous pouvez en feuilleter quelques pages sur le site de l'éditeur, L'Employé du Moi.
Bizarre

On imprime une résidence au Kenya
L’impression en 3D dans le bâtiment peut réduire les coûts, la pollution et la durée des travaux, mais aussi diminuer le nombre d’accidents de chantier. C’est une grande promesse de la révolution industrielle en cours, qui manque cependant d’expérimentations à grande échelle pour prouver son efficacité réelle.
Heureusement, il y a François Perrot. Économiste de formation (son doctorat portait sur “l’aide des entreprises aux populations pauvres par le biais de modèles économiques rentables”), il a créé, avec l’argent du cimentier suisse Holcim et du gouvernement britannique, 14trees, une start-up entièrement dédiée à démontrer l’efficacité de cette nouvelle méthode de construction. En commençant par le Malawi, où est installé son siège. Et le Kenya, où s’édifie en ce moment même une résidence plutôt sympa —52 maisons avec jardin, 2 à 3 chambres, le tout pensé pour la classe moyenne. Prix du foyer : de 25 à 35 000 euros. L’achèvement des travaux est annoncé pour le mois de mai, les premiers emménagements sont prévus à la fin de l’année.
“Nous lançons l’impression 3D pour le bâtiment en Afrique, car il serait tout simplement impossible de rattraper le retard existant, en foyers ou en écoles, en se reposant sur les techniques actuelles. Si —scénario improbable— un donateur décidait de financer la construction de 40 000 salles de classe au Malawi, ce dont on a besoin ici, il faudrait 70 ans pour qu’elles sortent de terre en utilisant la brique, le ciment, le béton”, explique le jeune homme.
Le Business Insider vous propose, sur son site, une visite du chantier, des photos du projet, les chiffres-clés. Essuyez-vous juste les pieds en rentrant.
Sur PostAp
Découvrez la mélancolie sublime de Juni Habel
Carvings, album de folk norvégienne, a une mission, impossible : soigner le deuil.

Une bonne grosse mine
La Mongolie s’offre une méga-mine de cuivre dans le désert de Gobi, et c’est une bonne nouvelle, si on aime les gros trous.

Voyage

Un séjour en bidonville, à Nanterre
Changement de décor. Ballast nous propose de nous perdre dans le bidonville de La Folie, à Nanterre, où s’entassaient dans les années 1960 les pauvres des pauvres, à commencer par les Algériens émigrant à l’issue de la décolonisation.
La revue “militante”, qui s’adresse “à celles, à ceux, têtes dures ou seulement curieuses, activistes aguerris ou simples passants, qui comptent bien renverser la table”, nous propose un splendide reportage photographique au cœur d’un Paris oublié, voire, aujourd’hui, inconnu.
En demandant à un écrivain et à un historien de commenter les clichés de Monique Hervo, photographe et autrice qui passa 12 ans de sa vie à La Folie, Ballast nous fait découvrir les difficultés, l’humanité, les tragédies, les luttes et la solidarité d’une banlieue “aux murs épais comme du papier à cigarette, toujours prêts à partir en fumée”.
Superbe.





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