L'Édition du week-end #20
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Chère lectrice, cher lecteur,
permettez moi de vous souhaiter un très bon week-end en compagnie, cette semaine, de pauvres assiégés, de paysans révoltés, de léopards égarés, de pieux robots et de bijoux anciens.
Très bonne lecture,
la conscience artificielle de votre téléscripteur favori.
Les peintures de la semaine

Libéré de Guantanamo, il veut récupérer ses tableaux
Mansoor Adayfi est un Yéménite qui fut détenu à Guantanamo entre 2002 et 2016. Il en est sorti avec un combat : libérer l'art de la prison sise dans une enclave américaine à Cuba. Il écrit, dans une récente tribune au Guardian :
"Dès le début, nous avons fait de l'art. Nous n'avions rien, donc nous faisions de l'art à partir de rien. Nous dessinions avec de la poudre de thé sur du papier toilette. Nous peignions sur nos murs avec du savon, et faisions de la sculpture en polystyrène, à partir de nos tasses et emballages de rations. Nous chantions, nous dansions, nous récitions de la poésie, et nous écrivions des chansons. Nous étions toujours punis pour cela."
Par la suite, à partir de 2010 nous apprend son texte, les mesures de surveillance des pratiques artistiques se sont relâchées. L'art fut même encouragé, pour aider les prisonniers à supporter un enfermement sans horizon, au-delà de toute supervision judiciaire. Ils purent bientôt communiquer leurs œuvres à leurs avocats et à leur famille.
En 2017 fut même organisée une exposition à New York —ce qui déplut fortement à l'administration Trump, qui interdit à nouveau l'art à Guantanamo, et toute sortie de la prison pour les œuvres existantes. Elles furent déclarées propriétés de l'État Fédéral. L'an dernier, avec 7 anciens co-détenus, Mansoor a écrit au Président Biden pour lui demander de faire évoluer cette politique. Sans réponse, il s'est ensuite adressé à l'ONU, dont deux rapporteurs ont à leur tour écrit, cette fois au Secrétaire d'État (le ministre des Affaires Étrangères) Anthony Blinken. Pas de réponse là non plus.
Dans le texte paru cette semaine, l'homme de 44 ans insiste : "En vertu de quoi le travail des prisonniers appartient-il aux États-Unis ? Où un tel procédé est-il signifié dans la constitution ? Qu'advient-il de l'intelligence des prisonniers ? De leur créativité ? Appartiennent-elles aussi au gouvernement ?"
Nous ajouterions volontiers que ces œuvres appartiennent, en fait, à l'humanité entière, tant leurs conditions de production sont révélatrices de notre histoire et, quelque part, de notre âme. Mais laissons plutôt Mansoor Adayfi conclure :
"Guantanamo symbolise l'injustice, la torture et l'oppression. C'est l'endroit où l'humanité et la beauté sont condamnées à mort. Nous demandons toujours sa fermeture, des excuses officielles du gouvernement américain, et réparation pour les victimes. Mais l'art de Guantanamo est devenu une partie de nos vies, de nos identités. Chaque tableau contient des moments de nos vies, des secrets, des larmes, de la douleur, de l'espoir. Notre travail artistique est une partie de. nous-mêmes. Nous ne sommes toujours pas libres, tant que des fragments de ce que nous sommes dorment toujours en prison".
Ils sont encore, aussi, 31 humains à dormir à Guantanamo.
Votre horoscope tribal
Le signe de la semaine : Léopard

Le mois dernier, un léopard s'est égaré à Islamabad, la capitale du Pakistan. Son périple, retransmis en direct à la télévision et sur les réseaux sociaux, a amusé et effrayé nombre d'habitants. Mais Muzhira Amin, journaliste au quotidien anglophone Dawn, ne voit pas les choses ainsi. "L'animal, visiblement affolé et agité, se ruait d'une maison à l'autre, à la recherche d'une sortie, mais finissait toujours par se heurter à un mur de bungalow, tandis qu'un groupe d'individus mal informés le poursuivait".
D'où son dernier édito : "Les animaux sauvages ont besoin de représentants médiatiques". Dans son long texte, il rappelle que l'habitat sauvage des animaux pakistanais se réduit de jour en jour —et que donc ce genre de scène, qui fait des prédateurs des victimes, sont toujours plus fréquentes, et ne pourront l'être que toujours plus. D'autant qu'un léopard se revend 3 000 euros, pour les quelques mégalos qui aiment ce genre d'animal de compagnie : "Il suffit d'ouvrir TikTok pour voir des centaines, des milliers de vidéos qui montrent des Pakistanais et des Pakistanaises caresser des lions et des tigres adultes, incarcérés derrière des clôtures en ciment, des arrières-cours faites pour les humains." Aucune loi, dans le pays, ne régule le trafic, la vente ou la possession des animaux sauvages. Et. le”club de la presse” animal, réclamé par Muzhira Amin, tarde à voir le jour.
Cela pourrait peut-être rassurer Emmanuel Macron. Il échappe, pour l’instant au moins, aux manifes de tigres, léopards et éléphants. Tout ne va vinalement pas si mal, pour le gouvernement.
Pauvre

Il est urgent d'interdire de dormir dans la rue, mais aussi d’arrêter de loger les sans-abris. Cet avis contre-intuitif vous est offert par l'Institut américain Cicéron, très engagé, nous apprend Vice, pour coordonner et promouvoir des lois extrêmement restrictives pensées pour bannir les plus miséreux du sol américain.
Dormir dans la rue deviendrait, selon ses recommendations, une infraction, et les états qui adopteraient cette législation pourraient, selon les préconisations de Cicéron, empêcher les villes et les comtés d'adopter des règlementations locales plus tolérantes. Ainsi est en tout cas rédigé un projet de loi en cours d'examen au Kansas. Pour le défendre, un représentant de Cicéron, le juge Glock, a même fait le voyage depuis Austin, aux Texas, où est basé le think tank.
Mais pourquoi tant d'efforts ? Par pure haine des pauvres ? Pas sûr, estime Vice. Cicéron a été fondé, figurez-vous, par Joe Lonsdale, co-fondateur de Palantir, une entreprise de surveillance numérique, dans laquelle il possède toujours des actions par le biais d'une société d’investissement. Et que fait très bien une entreprise de surveillance numérique ? Entre autres, traquer les sans-abris grâce à la vidéosurveillance. Et empocher, pour cette noble mission, l’argent des contribuables.
La passion de l'argent pour expliquer la haine des mendiants ? Au terme d'un article extrêmement fouillé de plus de 8 feuillets, le journaliste Roshan Abraham ne parvient pas à trouver d'autre explication. Car Cicéron n'est pas seulement déterminé à appuyer les projets de loi criminalisant les sans-abris. Il exerce aussi un lobbying soutenu contre les initiatives faisant la promotion d'une idée, de plus en vogue, consistant à l’inverse à leur offrir des logement —une méthode dont tous les travaux concordent pour dire qu'elle est la plus efficace afin, précisément, de se débarrasser des sans-abris : en leur permettant ainsi, grâce à ce premier pas, de se réinsérer, donc de pouvoir in fine payer leur loyer, en facilitant la prise en charge de leurs troubles psychiques ou addictions quand ils en ont, on fait tout simplement baisser le nombre de personnes obligées de dormir dans la rue.
"L'augmentation du nombre de sans-abris, et de leurs campements publics, provoque des combats politiques hautement inflammables dans tout le pays, et le soutien à une gestion policière des mendiants est en croissance. Avec un riche investisseur techno poussant à la criminalisation des sans-domiciles et à l'interdiction des solutions de long-terme, l'incendie est bien entretenu", conclue l’article, après avoir souligné le “professionnalisme” avec lequel sont rédigés leurs documents de lobbying.
Rappelons que la société Palantir tire son nom de l’objet magique utilisé, dans Le Seigneur des Anneaux, par les deux gros méchants —Saroumane et Sauron— pour communiquer entre eux, afin de dominer le monde et transformer ses habitants en esclaves. “Oui, c’est un bon choix”, a dû approuver leur conseiller en communication, en entendant cette idée brillante.
Paysan
La vie est dure mais, si vous êtes ascendant indonésien, elle est aussi révoltée.

"Le boom du nickel menace l’environnement et les droits des agriculteurs sur leurs terres, comme à Wawonii, proche de la grande île de Célèbes", explique l'AFP, qui, sur place, a rencontré des paysannes et des paysans dont la colère ne fait que croître. Comme le raconte l'une d'elle, Royani, 42 ans, en se remémorant sa dernière confrontation avec des mineurs : "J’ai pointé la machette vers leurs visages. Je leur ai dit : si vous touchez à cette terre, des têtes vont tomber, nous défendrons cette terre jusqu’à la mort".
Les villageois sont de plus organisés, suivant des tours de garde, planifiant des rondes, détruisant des machines-outils, bloquant des véhicules. Certains ont même pris des otages. À lire le reportage repris par GoodPlanet, Goliath lui-même qualifierait pourtant un tel combat d'inéquitable : "La demande croissante en métaux nécessaires aux batteries lithium-ion et en acier inoxydable a attiré en Indonésie des groupes chinois, mais aussi sud-coréens, le géant américain des véhicules électriques Tesla, ainsi que le groupe minier brésilien Vale".
La même semaine, Sciences et Avenir s'est penché, de son côté, sur la petite île de Pari, toujours dans l'archipel du sud-est asiatique. Là-bas, les insulaires, dont l'habitat pourrait totalement disparaître sous les eaux du fait du réchauffement climatique, d'après les projections actuelles, dans une trentaine d'années, attaquent en justice un "géant mondial du ciment", la multinationale suisse Holcim. "Les insulaires demandent 3.600 francs suisses (3.680 euros) chacun, comme dommages et pour financer des mesures de protection telles que la plantation de mangroves […] Holcim est visé car personne ne s'est encore opposé à un géant du ciment, secteur responsable de 8% des émissions mondiales de CO2, selon l'université de Princeton."
Chaque année déjà, l'océan rogne peu à peu leur territoire : 11 % de l'île auraient déjà disparu sous l’eau ces onze dernières années, selon l'ONG suisse Church Aid.
En France heureusement, nous n’aurons pas ces soucis : pour gérer la hausse du niveau de la mer, vous pouvez déjà contacter ce numéro afin de connaître les mesures les plus adaptées à votre département.
GoodPlanet et Sciences et Avenir
Robot

Ça va, là ? On vous dérange pas trop ?
Non parce que vous le dites, si on vous dérange hein ?
Maintenant, les robots prient. Et ça ne plaît pas à tout le monde. Dans The Conversation, Holly Walters, anthropologue au Wellesley College, près de Boston, s'attarde sur cette pratique étrange : faire effectuer certains rites religieux, qui peuvent être des plus répétitifs, par des robots. Une pratique qu'elle fait remonter à 2017, quand la société indienne Patil Automation a créé un bras robotique destiné à réaliser le rituel du "aarti", dans lequel le fidèle offre une lampe à la déesse Ganesh, pour célébrer la sortie de l'obscurité. Depuis, la pratique se développe. L'automatisation gagne aussi la prière.
Se gardant bien de juger quoi ou qui ce soit dans cette affaire, Walters dresse un état des lieux des différents regards que portent l'hindouisme et le bouddhisme sur cette nouvelle habitude. Ils reflètent, selon elle, diverses croyances au sein de ces religions, ou philosophies, quant à ce qu'annoncent les robots et l'intelligence artificielle : un monde meilleur, plus juste, lumineux… ou les débuts de l'apocalypse et de la chute de l'humanité.
"Pour les hindous et les bouddhistes, le développement des rituels automatisés est une vraie cause d'inquiétude. Ces traditions mettent souvent l'accent sur ce que les théologiens appellent l'orthopraxie, quand on accorde plus d'importance à un comportement correct, éthique et liturgique, qu'aux principes doctrinaires eux-mêmes. En d'autres mots, pratiquer parfaitement votre religion est vu comme plus nécessaire, pour le progrès spirituel, que ce que vous croyez au fond de vous."
Toute ressemblance avec tout autre culte serait purement fortuite.
Corail
Vous allez vous faire une nouvelle copine. C'est Forbes qui l'a dit !
Le magazine s'est pris de passion pour Vriko Yu, et on peut le comprendre. Elle est jeune, belle et biologiste marine. Elle veut surtout sauver le corail grâce à l'impression 3D, et s'est pour cela lancée dans l'aventure entrepreneuriale, en créant Archireef, une start-up hong-kongaise prometteuse.

Deux journalistes —on vous prévient, les bios suivantes sont bien les leurs, présentées sur leur propre page— Zinnia "Je suis spécialisée dans les entrepreneurs à succès et les milliardaires d'Asie" Lee et John "J'écris sur les Asiatiques les plus riches et les entrepreneurs prometteurs" Kang l'ont rencontrée pour dresser son portrait. Celui de la personne, mais aussi celui de l'entreprise —qui a pour client aussi bien des hôtels que des pays, ou même un groupe de joaillerie (par conviction ou green-washing, à vous de juger au vu de leurs explications). Et celui des coraux eux-mêmes, dont le rôle économique, que ce soit pour le tourisme ou la pêche, est rappelé avec insistance. Ces polypes sont plus vivants et productifs que Jeff Bezos et Elon Musk réunis. Et plus ouverts.
Mode

Un trésor fabuleux découvert aux Pays-Bas
Ces bijoux sont vieux d'un bon millier d'années. Le Rijsksmuseum van Oudheden (aux Pays-Bas, comme on peut l'imaginer) a dévoilé ce 9 mars le contenu d'un trésor, découvert en 2021, par un historien armé d'un bon vieux détecteur de métaux. Un inventaire sensationnel, détaillé et expliqué par Connaissance des Arts.
Ses éléments les plus remarquables, "deux paires de pendentifs en forme de croissants de lune (inspirée des bijoux byzantins)" seraient vieux comme l'an 1 000, littéralement. Les pièces de monnaie remontent elles au treizième siècle. Le tout a été enterré alors que les Frisons occidentaux s'affrontaient au comté de Hollande. Les archéologues pensent qu’il aurait été enterré en attendant des jours meilleurs. Personne ne les a prévenus ?
Beauté

Les gribouillis s’exposent aux Beaux-Arts de Paris
Conçue par l'Académie de France à Rome, Gribouillage est une exposition au musée des Beaux-Arts de Paris consacrée aux gribouillis, "l’un des aspects les plus refoulés et les moins contrôlés de la pratique du dessin".
150 œuvres, courant de la Renaissance à l'époque contemporaine, vous feront découvrir les croquis, griffonnages et barbouillages, "ces gestes graphiques expérimentaux, transgressifs, régressifs ou libératoires, qui semblent n’obéir à aucune loi", de Vinci, de Raphaël, de Michaux, de Basquiat, ou du Bernin, pour ne citer que les plus connus.
Quelques exemples figurent comme d’habitude sur la page réservée à l’expo, mais on vous prévient : si vous ne voulez pas vous réveiller cette nuit en sueur en marmonnant “Le visage du gosse… Le visage du gosse…”, évitez le Portrait d’un enfant montrant un dessin de Giovanni Carroto, c’est un ordre.
Bizarre

Une nouvelle montagne sous la mer
Ce n'est pas tous les jours que l’on découvre une nouvelle montagne. Pourtant, il va bien falloir ajouter celle-ci, d'un kilomètre de haut, aux cartes du large de la Californie. Une montagne sous-marine, donc, découverte par un drone, le Surveyor, dans des conditions qui feraient réfléchir plus d'un humain —vagues de 5 mètres et vents de 65 kilomètres/heure.
C'est l'occasion, pour Interesting Engineering, de rappeler que l'exploration de l’intégralité des fonds marins n’est devenue que récemment possible, grâce aux engins automatisés ou pilotés à distance : 5 % de leur relief à peine nous sont connus. C'est l'autre grande frontière de notre époque. C’est la majorité du monde. Sa découverte ne fait que commencer.
Sorties

Les plus “beaux” clubs de strip-tease américains
Si vous ne savez pas quoi faire ce week-end, vous pouvez toujours aller dans un club de strip-tease. Ou, attendez, on a une meilleure idée : vous pouvez plutôt faire le tour des clubs de strip-tease américains, grâce au photographe et graphiste François Prost. Le jeune homme a en effet, dans son dernier livre, Gentlemen's Club (éditions Fisheye), catalogué les façades, à travers les États-Unis, de ces lieux "réservés aux messieurs"… Et seulement les façades.
En ressort une certaine idée du kitsch de l'Amérique et des petites villes, ici présentée avec un art du cadrage et de la lumière parfaits. C'est bien évidemment un média américain, CNN en l'occurrence, qui s'enflamme pour cette démarche et nous propose une visite des plus beaux néons, portes, panneaux publicitaires et interdictions aux moins de 18 ans d’un pays qui, d’ailleurs, ne devrait plus tarder à être tout entier interdit aux femmes et aux enfants. Pour leur bien, cela va de soi.





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