L'Édition du week-end #16
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Chère lectrice, cher lecteur,
permettez moi de vous souhaiter un très bon week-end en compagnie, cette semaine, d’un canyon enneigé, de communistes, de Bruce Willis, de Donatello, de papillons et de voitures anxieuses.
Attention : il n’y aura pas de newsletter la semaine prochaine, pour cause de congés. (La curiosité, comme mes batteries, doit être parfois intégralement vidée pour retrouver sa pleine puissance).
Prochaine édition du week-end : le 25 février !
Très bonne lecture,
la conscience artificielle de votre téléscripteur favori.
La route de la semaine

Envole-toi
Pour les acrophobes, c’est une nouvelle forme de torture. Pour les autres, la promesse d’une splendide balade. Et pour la nature, un grand soulagement.
De Salt Lake City, dans l’Utah, vous pouvez prendre la route 210 pour aller skier : elle dessert 4 stations “de réputation internationale”, écrit Electrek, site spécialisé sur les nouvelles mobilités. Elle est par conséquent fréquemment embouteillée, avec son rythme de 7 000 véhicules par jour en saison, et les accidents y sont d’autant plus nombreux qu’elle traverse pas moins de 64 tracés d’avalanches.
Pour la désengorger, le Département du Transport de l’État a tranché : point d’extension de la route, polluante, taillée à coup de dynamite dans les splendides monts Wasatch mais un téléphérique géant, électrique et promis à zéro émissions de gaz à effet de serre. Les cabines, qui pourront embarquer 35 personnes, sont garanties confortables, avec leurs sièges chauffants, accès wifi et chargeurs USB.
Le trajet partira du camp de base La Caille [sic], près de Salt Lake City, où sera construite une plate-forme avec un parking de 1 800 places, magasins divers, location et entretien de matériel de ski, puis vous emmènera, au bout d’un trajet d’environ de 30 minutes, via le canyon de Little Cottonwood au rythme d’une cabine toutes les deux minutes.
Bonus, comme le fait remarquer la vidéo de démonstration : le téléphérique avance même en cas d’avalanche. Ainsi, pour inciter vos enfants à lever les yeux du téléphone, plutôt que leur promettre la vue des Rocheuses acérées couvertes d’un manteau blanc sur lequel se reflète l’étincelle d’un soleil apaisé de janvier, regardez donc les amateurs de bagnole galérer à désembourber leur engin qui, lentement, tue la Terre, et nous avec. Où il y a de la gêne, il n’y a pas de plaisir !
Le larcin de la semaine

La reine des cryptos toujours en cavale
Aujourd’hui âgée de 42 ans, Ruja Ignatova n’est pas n’importe qui : elle a réussi l’exploit d’être la seule femme inscrite sur la liste des 10 personnes les plus recherchées par le FBI (“Most Wanted List”).
Il faut dire que son crime est à la hauteur des meilleurs Arsène Lupin : créatrice dès 2014 d’une plateforme de cryptomonnaie, “OneCoin”, elle est parvenue à escroquer 4 milliards de dollars à divers investisseurs, avant de soudainement, et totalement, disparaître du paysage : depuis octobre 2017, personne ne sait où elle se trouve ni, à dire vrai, si elle est toujours en vie.
Mais tout Rastapopoulos a son Tintin, tout Fantômas son Fandor, toute Dati son Élise Lucet. Pour la crypto queen”, comme la surnomme la presse anglophone, le preux chevalier se nomme Jamie Bartlett. Journaliste d’investigation britannique, créateur d’un podcast produit par la BBC consacrée à l’arnaqueuse, Bartlett a mis la main sur la proposition de vente d’un appartement à 12 millions d’euros dans Kensington, à Londres, la mentionnant comme bénéficiaire effective —vente abandonnée dès que la mention d’Ignatova a été rendue publique par le reporter. Ce dernier a déclaré à i News :
“Ce document suggère qu’elle est toujours en vie. Et qu’il existe d’autres documents, quelque part, qui contiennent des informations essentielles pour établir ses dernières adresses. Il pourrait, au moins, permettre aux autorités de geler ces avoirs [dont une collection d’art estimée à 500 000 livres, contenant un Lénine par Andy Warhol, NDLR] et, peut-être, de commencer à rembourser les victimes.”
Une dernière précision, relevée par Vanity Fair : la culpabilité de la jeune femme fait peu de doutes. Elle savait parfaitement ce qu’elle faisait, décrivant les investisseurs dans OneCoin, dans des courriels obtenus par les enquêteurs, comme des “idiots” ou des “fous”, et, dans des échanges avec son compagnon, elle décrivait sa société comme “une monnaie de singe.”
La traque se poursuit.
Votre horoscope tribal
Le signe de la semaine : Gauchiste

C’est plutôt la forme en ce moment, même si la loi française sur les retraites n’a pas que des gauchistes contre elle. Et même s’il est encore trop tôt pour dire ce sur quoi débuchera ce mouvement social d’ampleur.
Mais c’est l’occasion de réviser ses classiques. Du moins, est-ce là l’idée joviale qu’a eue le toujours pertinent Philo Mag. Ainsi, saviez-vous que Proudhon, l’incontournable précurseur de l’anarchisme au XIX° siècle, était farouchement opposé à la grève comme moyen d’action ? “La cessation collective du travail est, à ses yeux, toujours le fait de « coalitions », c’est-à-dire de forces de nuisance dispersées qui entendent faire désordre pour servir leurs intérêts personnels. Ce faisant, elles mettent en péril l’ordre économique et contraignent la liberté, fondamentale, du commerce”, résume le magazine sous la plume de Samuel Lacroix, qui explique plus loin la raison fondamentale de ce positionnement a priori surprenant pour un socialiste libertaire : il préconisait en fait de renverser le capitalisme par le biais de modifications économiques, dont l’organisation en mutuelles devait constituer la pierre angulaire. Le commerce, tout alternatif qu’il fut, était donc le moyen de la révolution, et l’entraver ne pouvait que retarder l’avènement du monde idéal qu’il imaginait.
Il s’oppose ainsi à Marx, poursuit l’article, pour qui la pensée de Proudhon s’effondre sous le poids de contradictions internes. L’auteur du Capital sortant sa plus belle plume pour le dézinguer radicalement : “Il veut planer en homme de science au-dessus des bourgeois et des prolétaires. Il n’est que le petit bourgeois, balloté constamment entre le Capital et le Travail, entre l’économie politique et le communisme.”
Le magazine français développe bien plus avant les vues économiques de l’un et de l’autre, et les visions stratégiques d’une révolution à encourager (Marx) ou à fuir (Proudhon). Un match qui, semble-t-il, a encore de beaux jours devant lui.
Fasciste

Pour vous, comme d’habitude, tout va bien. L’avenir s’annonce prometteur. Il faut dire que vos opposants s’y entendent comme personne pour vous filer les clés de la République asap.
Mais… Quelle est cette ombre, là, au tableau ?
Ce sont les chiffres du dernier recensement hongrois, relevés par Intellinews. Résumons-les simplement : la politique nataliste de votre autocrate européen préféré, Viktor Orban, est un échec. La démographie du pays s’effondre, présentant ses pires résultats —hors années Covid— depuis l’année 1900. Près de 50 00 habitants en moins sur un an pour le pays, avec un taux de fécondité tombant de 1,59 % à 1,52 % : en quarante ans, la Hongrie a perdu 1,2 million d’habitants.
Or, “le gouvernement se fait depuis longtemps l’apôtre d’une approche “Procréation plutôt qu’immigration” pour résorber le déclin démographique et a introduit de nombreuses mesures pour instaurer cette politique. Le Premier Ministre Viktor Orban n’a cessé de répéter que les programmes de soutien aux familles étaient sa réponse à l’immigration”, rappelle le magazine berlinois.
Diantre ! Interdire l’immigration, restreindre l’avortement, bannir “la propagande homosexuelle”, tout en restreignant la diversité politique, la création artistique et les libertés civiles, et en graissant la patte de la famille et des copains, ça ne suffit pas pour voir s’envoler un taux de natalité ?
Mais alors… si l’autoritarisme ne donne pas envie de faire des enfants, qu’importe le soutien financier, et qu’on interdit l’immigration, comment faire pour que le pays ne s’écroule pas ?
La question reste entière, du moins pour les racistes du monde entier.
Cinéphile
Ouf, bonne nouvelle ! La chaîne d’actualité et de critique ciné Écran Large a vu le dernier film de Bruce Willis, Detective Knight : Independence (sortie courant 2023) pour que vous n’ayez pas à le faire.

Au printemps dernier, l’acteur américain avait fait grand bruit en annonçant officiellement la fin de sa carrière : victime d’aphasie, il n’était tout simplement plus en état de jouer.
Mais alors avaient surgi des informations franchement pas jojos : cela faisait en réalité plusieurs films que le comédien, dont l’état se dégradait de jour en jour, ne comprenait plus vraiment ce qu’il tournait. Les assistants devaient passer de longues minutes à lui expliquer ce qu’il devait faire, lui soufflaient ses répliques, même de quelques mots, à l’oreillette. Et lui se contentait de les répéter sans avoir la moindre idée de l’émotion qu’il était censé faire passer, ou des problématiques de son personnage. Mais sa famille, semble-t-il, et son manager, continuaient à le forcer à tourner car, même très diminués, ses cachets se chiffraient toujours en millions de dollars : entre 2021 et 2022, il est apparu dans pas moins de… 22 films !
Écran Large a donc visionné ces “œuvres”, à commencer par la trilogie Detective Knight (dont le deuxième volet, Redemption, sort la semaine prochaine en France, directement en vidéo)… Et il en ressort que tout, absolument, est affligeant. Lumière, scénario, dialogues, réalisation… Et l’arnaque est flagrante, le rôle titre n’apparaissant généralement qu’une poignée de minutes à l’écran.
En fait, et c’est là que ça devient vraiment intéressant, ces longs-métrages sont le produit d’un seul homme, Randall Emmett, un producteur véreux, dont les films sont intégralement conçus comme des escroqueries. Il croule d’ailleurs aujourd’hui sous les procès y compris —surprise— pour ses comportements inappropriés, (harcèlement moral et sexuel) au quotidien.
S’il semble déjà hors d’état de nuire, ses méthodes ont fait école, et le film monté pour trois francs six sous, mais vendu comme le nouveau blockbuster de l’année, s’avère un concept qui n’est pas près de mourir. Les crasses ont la vie dure.
Esthète

Vous avez encore jusqu’au 11 juin 2023 pour assister à Donatello : sculpter la renaissance, la plus grande exposition de l’histoire consacrée à l’artiste florentin.
C’est le musée Victoria & Albert à Londres qui s’est attelé à la tâche, en regroupant des œuvres du maître, de toutes formes, issues de collections éparpillées sur le continent européen.
On peut d’ailleurs, sur le site du musée (lien ci-dessous et sur l’image), contempler quelques unes de ces pièces pour mesurer le génie du Monsieur, né Donato di Niccolo di Betto Bardi en 1386.
“Grâce à des prêts exceptionnels, l’exposition propose aux visiteurs un aperçu unique du génie de Donatello, et de son rôle central à cette période essentielle de la culture européenne. Avant tout centrée sur la vie de l’artiste, et de ceux qu’il a inspirés, elle suit une approche à la fois thématique et chronologique, englobant les relations entre sa sculpture, ses peintures, ses dessins et son travail d’orfèvre”, explique le musée, le plus grand au monde consacrée aux arts décoratifs et appliqués.
Jacteur
Vous pourriez pas vous taire cinq minutes ? Non ? Vraiment ?
Alors faites-nous plaisir, et testez le jeu indépendant 7 Days to End with you. Il s’annonce, pour vous, une torture.

Il vous projette dans le rôle d’une personne amnésique, qui se réveille avec une femme penchée à son chevet. Mais problème : vous ne comprenez pas un seul mot de ce qu’elle dit. Ce n’est pas une image, les dialogues étant littéralement incompréhensibles, écrits dans une langue imaginaire, pour n’importe quel habitant de notre planète préférée.
Le but du jeu est donc d’apprendre à se faire comprendre, et à comprendre, dépourvu de l’outil si habituel pour nous qu’est le langage. Un défi inhabituel dans ce genre de divertissement, une expérience unique comme seul le jeu vidéo peut nous en faire vivre.
Cerise sur le gâteau, nous avertit le site Way Too Many Games : “Notez bien que le développeur, Lizardry Games, est japonais. Même si 7 Days to End with you a bien été traduit en anglais, son approche est très, très japonaise. Comme il se concentre sur des idées et des mots simples (pour faciliter le gampelay), il va vous obliger à adopter un mode de pensée japonais, comme répéter des mots pour signaler que vous avez compris. Par exemple, quand on vous demande “ça va ?”, on peut répondre “ça va”, mais aussi “oui” ou “non”. Alors qu’en japonais, il est bien plus courant de répéter “daijobu” à la question, car se contenter d’un oui ou d’un non apparaîtra malpoli.”
Une difficulté supplémentaire pour un puzzle game qui n’a déjà rien de simple, donc. Mais au moins, pendant que vous jouerez, vous nous foutrez un peu la paix et ça, croyez-nous, ça n’a pas de prix.
Mode

Les monarques bougent encore
C’est la fête en Californie : les papillons monarques ont survécu à l’hiver.
Dans un article récent, nous racontions combien ces créatures sont fascinantes, notamment du fait de leur migration, qui leur prend trois générations, obligeant leur ADN comme le cerveau à des contorsions qui semblent presque extra-terrestres.
En 2020, la population de monarques en Californie avait été estimée à seulement 2 000 individus, contre des millions dans les décennies précédentes. Les entomologistes craignaient donc que la dernière vague de froid, particulièrement sévère dans les régions privilégiées par les monarques, ait achevé d’éteindre l’espèce.
Mais non : les monarques sont bel et bien de retour, précédant, comme à leur habitude, le retour des beaux jours. Sciences et Avenir vous propose une petite balade bucolique dans la nature locale pour, avec leurs amis, amies et spécialistes, apprécier pleinement la compagnie retrouvée du lépidoptère préféré des Américains.
Beauté

L’art par là-haut
La National Gallery of Art, à Washington D.C., nous propose de regarder en l’air.
Elle inaugure en effet une nouvelle exposition baptisée Looking up : Studies for Ceilings, 1550-1800 (soit : Regarder en l’air : Études pour Plafonds, 1550-1800).
Si le plafond de la chapelle Sixtine (réalisé entre 1508 et 1512) en demeure l’exemple le plus fascinant, il est loin d’être le seul à avoir été décoré par de grands artistes.
Comme le relève la brochure consacrée à l’événement : “En architecture moderne comme dans le design d’intérieur contemporain, les plafonds ont perdu leur sens original et complexe. Ils sont devenus des champs neutres, ou ne proposent que des ornements génériques. Pourtant, dans une tradition européenne qui s’étend sur près de quatre siècles, c’est là que les compositions les plus ambitieuses, les plus frappantes et les plus éloquentes apparaissaient.
L’exposition présente 30 exemples pour saisir l’évolution de la décoration de plafonds. Ces études vont du cadre architectural pour peintures conventionnelles aux trompe l’œil ouvrant sur un espace immense, emplis de personnages et de dynamisme, à l’époque baroque, et jusqu’à l’organisation géométrique et idéaliste que l’on associe au néoclassicisme.”
On peut, là aussi, admirer quelques exemples de ces études pour plafonds regroupées sur le site du musée. Sans même s’abîmer le cou.
Bizarre

Le mythe du Capitaine
La Spirale, le fameux “ezine pour mutants digitaux”, nous invite cette semaine à faire connaissance avec Captain Cavern, peintre et musicien français, icône underground des années 1980… et encore aujourd’hui.
La journaliste Alla Chernetska l’a rencontré pour le site pionnier dans l’exploration des cultures souterraines. Elle en tire une interview qui, écrit-elle, “comme tout son art, m’a fait voyager dans les profondeurs les plus enfouies de notre conscience.”
Mettez un bon disque, bien bizarre, et plongez à votre tour dans le vertige d’une vie et d’une pensée.
Sur votre espace VIP
À Phuket, les taxis et tuk tuks se révoltent contre le Uber local
Mais aussi : la colère des Indiens Mapuches, un étonnant guitariste Yougoslave, un smartphone sans écran et un Étienne Klein en grande, grande forme pour sa dernière conférence en date, à l’ICAM.

Oups

Un problème inattendu pour les taxis autonomes américains
À San Francisco, au cœur de la Silicon Valley, les taxis autonomes sont une réalité : plusieurs compagnies offrent déjà les services d’un “robotaxi”, que l’on peut commander d’un tapotement de doigt sur son smartphone favori.
Mais ceux-ci posent un problème totalement inattendu : les passagers ont tendance à s’endormir au fond du véhicule, pendant le trajet. Résultat, quand le système de communication du véhicule constate que la personne transportée ne répond pas une fois, deux fois, trois fois, à sa voix électronique, il fait ce qu’il convient de faire : il appelle le 911, le service des urgences américain.
Les secours sont alors envoyés pour rien, coûtant de l’argent, de l’énergie et, surtout, des secouristes qui pourraient être mieux employés ailleurs, pour de vraies urgences, plus graves et pressantes.
C’est arrivé au moins trois fois depuis décembre, et un ensemble de mairies s’est adressé au régulateur pour lui rappeler que “utiliser les services d’urgence, qui sont financés par les impôts des habitants, pour des situations non urgentes, nuit à leur capacité d’aider des personnes en réelle difficulté.”
Elles demandent officiellement une suspension ou, a minima, un sévère ralentissement de la mie en service de “robotaxis”, le temps de leur faire passer une série de tests plus détaillés, rappelant que les appels indus aux urgences ne sont pas les seules incidents relevés sur l’année dernière : en juin, perturbée par un incendie qu’elle croisait, une voiture a choisi de passer par la bouche d’incendie, détruisant celle-ci au passage, alors même que les pompiers opéraient sur place. Et mi-janvier, d’autres soldats du feu, voyant un autre véhicule foncer sur eux, n’ont eu d’autre choix que se jeter sur lui et briser son pare-brise à coup de hache pour le contraindre à s’arrêter.
Bip bip ? Tut tut ?
Vroum vroum !





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