L'Édition du week-end du 30 mars 2024
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Chère lectrice, cher lecteur,
permettez-moi de vous souhaiter un très bon week-end en compagnie, cette semaine, d’écureuils victorieux, de cygnes défaits, de journalistes combatifs, d’ouvriers à l’arrêt, d’un Bolsonaro embêté, de prisonnières, de Jared Kushner et d’un bon kilo de papier.
Très bonne lecture,
la conscience artificielle de votre téléscripteur favori.
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L’abonnement de la semaine

Pour une brassée de papier
"Ceci est un journal local. C'est-à-dire qu'il couvre les actualités qui se passent dans une localité. Il va parler de la politique locale, de la météo locale, des entreprises locales… Il pourra parler de la criminalité, au niveau local, ou d'événements locaux. Il y a même toute une section qui ne concerne vraiment que les personnes de la localité. Par exemple, on apprend ici qu'il y aura bientôt un tirage au sort pour l'attribution de logements sociaux ou, là, que la bibliothèque sera fermée…"
Vous venez de faire connaissance avec le nouveau métier de Kelsey Russell, 23 ans. Elle exerce à travers son compte TikTok, un réseau social vidéo d'origine chinoise qui compte déjà plus de 100 millions d'utilisateurs actifs aux seuls États-Unis. Elle y est lectrice de journaux, pour ses abonnés et abonnées (au nombre de 90 000, avec plusieurs millions de "Likes" par vidéo).
C'est-à-dire qu'elle prend un journal papier et qu’elle en lit les articles à son public, essentiellement des adolescents et jeunes adultes. Comme toujours quand on parle des nouvelles habitudes et modes de vie, c'est beaucoup moins idiot que ça en a l'air. À ses yeux, c'est une mission : celle de contribuer à forger l'esprit critique d'une génération, d'expliquer comment décoder un média, comment chercher et comprendre une information… Tout simplement, au fond, apprendre à s'informer. Car oui, ça s'apprend.
Kelsey ne fait pas que lire, évidemment. Elle explique, vulgarise, apporte le contexte. Elle développe aussi la curiosité. La sienne, au moins :"Je cherche plutôt des articles avec des mots, ou des gens, ou des endroits que je ne connais pas. Comme ça, je dois faire des recherches, pour mieux comprendre ce que je lis, parce que je suis de ces gens qui pensent qu'il faut se débarrasser de la honte de ne pas savoir", explique-t-elle à NPR, la chaîne publique américaine.
C'est important la curiosité, en 2024. Époque où la profusion de "news" incite paradoxalement à ne pas s'informer. Dans son rapport 2023 sur l'information en ligne, l'Institut Reuters (cité par NPR) relevait que l'intérêt pour l'actualité ne cesse de décliner, "avec de nombreuses personnes qui choisissent d'éviter activement les informations, lesquelles leur semblent déprimantes ou envahissantes."
C'est d'ailleurs exactement l'expérience de Kelsey Russell elle-même.
Ça remonte à la fin de sa première année d'études à Columbia. "J'ai eu l'impression que je ne savais rien", dit-elle à NPR. "J'avais le plus grand mal à faire le lien entre ce qui se passait dans le monde et ce que j'apprenais à la fac". Un thérapeute lui suggère, pour soigner son anxiété, de revenir à des activités qu'elle aimait enfant. Elle se souvient de l'habitude familiale où papa, maman et elle, chacun dans son coin, avec son journal, lisait en silence. Ça lui plaisait. Elle se voit offrir pour son anniversaire un abonnement au Sunday New York Times, la fameuse et copieuse édition du week-end du New York Times. Et c'est reparti mon kiki : "J'ai alors réalisé que quand je lisais les informations sur papier, j'avais le temps de comprendre, d'intégrer ("process") ce qui se passe. Alors que quand je lis le même article sur mon téléphone, je me sens physiquement dépassée, oppressée ("overwhelmed")."
"Russell voit ses vidéos comme une occasion d'apprendre", poursuit NPR. "Elle tient à lire au moins un journal papier par jour, et dans ses TikToks [parfois longs de 8 minutes], elle dissèque l'article dont elle fait la lecture, voire fait l'histoire du journal ou de son éditeur".
Alors que désormais, selon le Pew Research Center, moins de 5 % de la population états-unienne "préfère" s'informer par le biais de la presse papier, Kelsey fait en réalité un travail de salubrité publique.
Qui n'a, d'ailleurs, rien de neuf : pendant des siècles, la lecture du journal était un moment collectif. Les villages ou les communautés se réunissaient autour de la personne lettrée du coin pour apprendre les nouvelles et en même temps en discuter, en rire aussi certainement —tout à fait comme on peut le faire sur TikTok, grâce au tchat. Ce n'est plus tant une question de compétence (techniquement, tout le monde sait lire) que d'envie, de temps, et d'envie de prendre le temps. En partie pour soi-même. Toujours apprendre et se forger. Ainsi connaissez-vous désormais le secret pour lequel j'ai choisi ce métier : pour moi aussi encore et toujours apprendre.
C'est tellement bon, d'apprendre.
Votre horoscope tribal

Le signe de la semaine : Écureuil
Faut-il vraiment détruire 300 hectares de terres pour gagner 20 minutes de trajet routier entre Castres et Toulouse —au prix de 13,54 euros le péage aller-retour sur la 2x2 voies ?
Oui, selon la société Atosca qui planifie les travaux de la future A69 avant d'en gérer la concession et se réjouit déjà de tous les chiffres, tellement tout plein de chiffres à communiquer sur le site dédié au projet : "53 kilomètres ! 35 ponts ! 2 viaducs ! 16 points de recharge électrique ! 1 000 emplois [le temps du chantier] !" Et 500 000 tonnes d'enrobé pour accueillir les 8 000 voitures et 900 poids lourds attendus par jour, remarque France 3…
Mais non, selon l'Autorité Environnementale de l'Inspection Générale de l'Environnement et du Développement Durable, pour qui : "Ce projet routier, initié il y a plusieurs décennies, apparaît anachronique au regard des enjeux et ambitions actuels de sobriété, de réduction des émissions de gaz à effet de serre, et de la pollution de l'air, d'arrêt de l'érosion de la biodiversité et de l'artificialisation du territoire et d'évolution des pratiques de mobilité et leurs liens avec l'aménagement des territoires."
Et non encore, selon les Écureuils, ainsi que se sont baptisés les militants écologistes qui ont emménagé, il y a plus d'un mois, dans la cime d'un bois qui doit être rasé pour que le cui-cui des oiseaux fasse place au vroum vroum des autos (et aux appels de phare de la BM qui vous colle à 130 à l'heure sur la voie de gauche).
Ces "Écureuils" contestent en particulier la légalité même du déboisement prévu dans l'aire dite de la Crem'Arbre. Pour eux, il s'agit d'une zone classée "à fort enjeu environnemental" et donc protégée, notamment parce qu'elle est un lieu de nidification des mésanges bleues.
Ce classement interdit formellement l'abattage des arbres entre novembre et septembre. Mais cela n'était pas pour gêner la société Atosca, impatiente comme un méchant de Disney de raser en force, mésanges bleues ou pas —et êtres humains perchés à vingt mètres de haut ou pas.
La situation avait dégénéré avec une classe française. Car les mesures prises par les forces de l'ordre ont été si violentes qu'elles ont consterné et effrayé un rapporteur spécial de l'ONU dépêché sur place en urgence.
Après rencontre des diverses parties (écureuils, secouristes, préfet, commandant de gendarmerie…), son rapport demandait "aux autorités françaises la prise de mesures immédiates de protection des écureuils", notant :
"À la suite de ma visite, je souhaite exprimer mes vives préoccupations concernant :
Le climat particulièrement tendu sur le site de la « Crem’Arbre », tout à fait incompatible avec une expulsion des « écureuils » dans des conditions satisfaisantes de sécurité, pour eux-mêmes ou pour les membres des forces de l’ordre chargés de leur interpellation dans les arbres qu’ils occupent. Dans un contexte où un recours contre l’autorisation environnementale pour la construction de l’autoroute A69 est pendant, devant le tribunal administratif de Toulouse et où la légalité des travaux de défrichement entrepris sur le site de la « Crem’Arbre » au début du mois de février 2024 est fortement contestée, les défenseurs de l’environnement présents sur place expriment un très fort sentiment d’injustice et d’impuissance, en outre exacerbé par une présence massive des forces de l’ordre, notamment au vu du nombre de personnes présentes sur place, dans les arbres ou au sol.
L’interdiction de ravitaillement en nourriture et les entraves à l’accès à l’eau potable, qui entrent dans le cadre de l’interdiction des traitements cruels, inhumains ou dégradants, visée par l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme et des obligations internationales de la France relatives à la Convention contre la torture des Nations Unies.
Depuis le 15 février 2024 et jusqu’à ce jour, les autorités interdisent le ravitaillement en nourriture des « écureuils ». Entre le 15 et le 20 février 2024, les autorités ont également interdit le ravitaillement en eau des « écureuils ». Le 20 février, lorsque les autorités ont enfin permis aux « écureuils » d'avoir accès à l'eau potable, l’entreprise NGE chargée des opérations de défrichement sur place a percé les bidons d’eau apportés par les forces de l’ordre et destinés aux « écureuils ».La privation délibérée de sommeil par des membres des forces de l’ordre, qui entre également dans le cadre de l’interdiction des traitements cruels, inhumains ou dégradants, visée par l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme et des obligations internationales de la France relatives à la Convention contre la torture des Nations Unies.
Dans les nuits du 16 au 19 février 2024, des membres des forces de l’ordre se sont livrés à diverses actions visant délibérément à empêcher les « écureuils » de dormir, notamment par l’usage, confirmé par les forces de l’ordre, de lumières stroboscopiques pointées en direction des arbres. L'objectif de ces actions semble avoir été de forcer les « écureuils » à quitter les arbres.La combustion de divers matériaux, l’allumage de feux, le déversement de produits a priori inflammables au pied d’arbres occupés par des « écureuils », par les forces de l’ordre. Les 14 et 15 février 2024, divers actes dangereux voire illégaux des forces de l’ordre, créant un risque de départ de feu et d’intoxication, ont été rapportés et documentés, y compris : la combustion de divers matériaux en plein bois, l’allumage de plusieurs feux en lisière de bois, le déversement de produits a priori inflammables au pied de trois arbres occupés par des "écureuils"".
C'est beau, l’ordre. Moins beau cependant que des bourgeons de chêne qui, ces derniers jours, constituaient la seule source d’alimentation des "écureuils", forcés de passer en grève de la faim par les privations de nourriture organisées par la police (le rapporteur de l'ONU lui-même n'avait pas été autorisé à leur apporter à manger).
Moins beau aussi qu'une mésange bleue : car c'est bien en campant dans la canopée que les écologistes ont pu constater et prouver qu'en effet, l'espèce protégée nichait ici. De quoi confirmer, par le biais du procureur de la République et de l'Office Français de la Biodiversité, au terme de 39 jours de siège, que, oui, la Crem'Arbre est bien une zone protégée. Au moins jusqu'au 1° septembre, date à laquelle, espèrent cependant les "écureuils", le jugement aura également été tranché en leur faveur sur le fond.
Conclusion ?
"Pour Thomas Brail, le fondateur du groupe national de surveillance des arbres, qui a initié le mouvement de protection des végétaux, cette victoire reste amère. « Je pense que les autorités sont bien embêtées de savoir qu’on avait raison depuis le début. Ce qui est triste, c’est l’énergie qu’on déploie pour un projet qui n’a aucun sens », a-t-il déploré dimanche lors du retour sur terre des écureuils".
Cygne
Quand on fait une révolution, l'essentiel est d'avoir des priorités. En Iran par exemple, une fois renversé le Shah en 1979, que faire quand on est un bon islamiste ? Dissoudre au plus vite le Ballet National, créé en 1958, évidemment.

C'est une histoire encore peu connue. Tara Ghassemieh par exemple en ignorait tout, bien qu'elle soit à la fois danseuse classique professionnelle et d'origine iranienne (en partie : son père a quitté le pays avant la révolution pour les États-Unis, où il a fait la rencontre de sa mère). Mais quand elle a fini par découvrir le destin tragique de cette école d'art, troupe d'excellence et salle de spectacle populaire, fermée du jour au lendemain, elle a décidé que sa mission, dorénavant, serait de faire connaître cette aventure.
Tara s'est alors lancée à la fois dans la production d'un film, Persian Swan, mais aussi dans la création d'un ballet original, The White Feather, créé cette semaine au Kennedy Center de Washington D.C. sur une musique de Shahrdad Rohani.
Le livret suit, selon le site dédié au spectacle, "l'enfant intérieur qui en chacun de nous aspire à s'exprimer librement." L'Acte Un raconte la révolution et la mise à mort de la compagnie nationale de danse. Le second dépeint ce que c'est que grandir dans un régime oppressif. Donc la force du besoin de liberté quand il surgit, comme il l'a fait encore récemment avec le mouvement "Femme, Vie, Liberté !".
"Depuis 1979", rappelle malgré tout le New York Times, "il y a eu au moins une tentative de faire revivre la compagnie. Nima Kiann, né à Téhéran en 1970, est tombé amoureux du Ballet National après l'avoir vu à la télévision. Mais quand il s'est avéré assez grand pour s'inscrire aux cours, le Ballet n'existait plus. Jeune homme, il a émigré pour la Suède, a tout appris là-bas et a fondé, en 2001, Les Ballets Persans, dont les productions combinent la danse classique, la musique et les récits perses.
Parmi la douzaine de danseuses et danseurs qu'il emploie, cependant, il est le seul d'origine iranienne".
Journaliste

Des hauts. Et des bas. On préfère vous prévenir, au cas où vous ne l'auriez pas encore compris : ça va continuer comme ça un petit moment. Au rythme notamment des attaques contre la démocratie et donc la pluralité de l'information. La dernière en cours a pour cadre la Slovaquie.
Là-bas, le nouveau Premier Ministre Robert Fico a décidé d'ancrer le pays dans la lignée des régimes illibéraux à la Viktor Orban. La méthode a l'avantage d'être maintenant rodée : une bonne dictature, comme un régime autoritaire, se doit de mettre assez tôt les médias au pas. Ici, c'est la chaîne publique RTVS qui est concernée. Une réforme —tout juste présentée par la ministre de la Culture Martina Simkovicova (Photo), ancienne présentatrice télévisée et animatrice sur Facebook d'un canal pro-russe— prévoit de détruire tout ce qui fait son indépendance et sa réputation.
Le service public serait renommé "STaR" (pour Slovak Television and Radio). C'est la seule idée qui semble tenir à peu près debout dans le projet. Le reste n'est pas très difficile à imaginer : il s'agit avant tout de virer le directeur actuel, à qui l'on reproche “un manque de patriotisme” et une volonté farouche de protéger sa rédaction des ingérences du pouvoir. Il s'agira donc de le remplacer par une commission aux ordres du gouvernement, susceptible en outre d'intervenir directement dans les programmes de la chaîne et de la radio d'État. Tout cela en dépit du "haut niveau de confiance du public" dans le média, comme l'écrit Balkan Insight en s'appuyant sur des études des instituts Reuters et Median SK. En dépit aussi du désaccord exprimé "par la chaîne publique elle-même, par l'Opposition, par les associations de défense des médias et par les manifestations [15 000 protestataires récemment dans les deux plus grandes villes du pays, Bratislava et Kotice], qui accusent la coalition au pouvoir de vouloir transformer RTVS en un canal de propagande."
La coalition au pouvoir, justement, danse elle-même un étrange tango. Le parti de Fico veut faire passer le projet de loi par une procédure accélérée pour en finir au plus tard en avril, en évitant un examen trop approfondi de la part du corps législatif comme des instances de protection des droits civils. Mais ses alliés, y compris le Parti National Slovaque, franchement d'extrême-droite, ont promis que les débats dureraient jusqu'à l'été (avant de préciser, par la voix du Président du Comité Parlementaire Culture et Média "Ou alors, ce serait une décision politique". On se croirait dans un film des Nuls).
Il y a encore un obstacle de poids pour les fanas de propagande : l'Union Européenne, qui a adopté ce mois de mars l'European Media Freedom Act, décrit par la rappporteure du Comité Libertés Civiles de l'U.E., la Roumaine Ramona Strugariu comme "une réponse aux Orban, Fico, Jansa, Poutine et tous ceux qui veulent transformer leur chaîne publique en outil de propagande, ou répandre de la désinformation, ou déstabiliser nos démocraties."
La réforme engagée par la Slovaquie n'est donc pas conforme aux lois de l'Union Européenne qui interdit désormais, sur son territoire, qu'un gouvernement puisse licencier sans raison le directeur de son média public et en nommer à discrétion son successeur.
Et il y a aussi, enfin, les pétitions et les recours engagés par Reporters Sans Frontières, 7 autres organisations internationales de défense d'une presse libre et 40 associations , ainsi qu'une lettre ouverte, "initiée par six médias slovaques et organisations anti-corruption, signée par 60 000 personnes, qui sera sous peu envoyée aux institutions européennes".
C'est quand même toujours un plaisir de compliquer la vie des sales types. Ne le boudons pas.
Ouvrier
Vous pouvez reposer pelle et pioche. Les travaux sont suspendus sine die. La seule certitude que l'on ait, c'est que le prochain train supersonique japonais ne circulera finalement pas avant 2027.

Bon, supersonique, c'est une image. Mais rapide tout de même. Le MagLev train, autrement dit "train à sustentation magnétique", n'avance pas propulsé sur roues : il lévite, grâce à des rails faits d'électroaimants. Avec pour résultat un frottement bien moindre qui permet au véhicule d'atteindre les 500 kilomètres par heure.
Ces prodiges technologiques se comptent encore sur les doigts d'une main dans le monde. Aussi le projet japonais est-il particulièrement audacieux. Le "Central Shinkansen" doit relier Tokyo à Osaka (400 kilomètres en 67 minutes).
Pour ce faire, la ligne devra toutefois traverser, entre Nagoya et la capitale (donc dès la première portion des travaux), la préfecture de Shizuoka, sur environ 8 kilomètres, principalement dévalés par des tunnels transperçant les montagnes.
C'est ce qui alarme les responsables locaux : le tracé perturberait ainsi le débit du cours d'eau principal de la région, le fleuve Oi. L'opérateur de chemin de fer, JR Tokai, a présenté des plans de sauvegarde du Oi et de l'environnement… Mais le préfet sur place, opposant de longue date au projet et réélu triomphalement en 2021 sur ce programme, l'accuse de "mauvaise foi" et ne veut rien entendre de mesures qui ne le convainquent nullement. Peu d'électeurs à Shizuoka s'avèrent désireux de risquer l'assèchement de la région pour l'établissement d'une ligne à ultra-grande vitesse.
Pour l'heure, donc, les travaux aux coûts estimés à 60 milliards de dollars et qui devaient commencer voilà maintenant six ans sont au point mort. Même si le gouvernement du pays assure tout faire pour "faciliter une mise en service prochaine", les délais initialement annoncés (2027 pour l'ouverture de la portion Tokyo-Nagoya et 2037 pour le prolongement jusqu'à Osaka) ont trouvé un nouvel horizon : celui, plus technique, dit de la corbeille à papier.
Mode

L’hospitalité hongroise, un art de vivre qui a ses limites
Que faisiez-vous du 12 au 14 février à l'ambassade hongroise de Brasilia ? Si vous y étiez, vous aurez au moins certainement croisé Jair Bolsonaro, l'ex-Président du pays (ici en photo, filmé par les caméras de surveillance et toujours aussi chic).
Les raisons de ce court séjour en territoire hongrois ne sont pas encore établies avec certitude. Ce que l'on sait, c'est que Bolsonaro doit faire face à des inculpations sérieuses de la justice brésilienne. Pour avoir, on s'en souvient, tenté un coup d'État après sa défaite en 2022. Et pour s'être, on s'en souvient moins, possiblement enrichi grâce à une affaire de trafic de certificats vaccinaux anti-Covid. Une arnaque splendide si elle était passée inaperçue, ce qui est raté.
La chronologie rappelée par Intellinews est assez troublante : le 8 février, son passeport est confisqué pour qu'il ne puisse pas échapper à la justice. Quelques heures plus tard, sur Twitter, le premier ministre hongrois Viktor Orban incite ce "vrai patriote" à "continuer le combat"… Et donc, deux jours plus tard, voici l'ancien président arnaqueur manifestement tenté de demander l'asile diplomatique à la Hongrie (un beau pays mais aux maisons de campagne tout de même moins ensoleillées que les bungalows des plages d'Ipanema). Il passera deux jours et deux nuits à l'ambassade, avant de retourner piteusement chez lui sans que l'on sache qui il a rencontré ou ce qu'ils se sont dit.
Dans la foulée du scoop (obtenu par le New York Times), la Cour Suprême brésilienne a donné 48 heures à Jair Bolsnorao pour s'expliquer sur ce qui ressemble fort à une tentative infructueuse d'éviter un procès en fuyant son pays. Mais l'ancien Président a assuré aux autorités qu'il n'avait pas songé à demander l'asile politique. À des journalistes, il a précisé : "C'est un crime de dormir à l'ambassade ? Arrêtez, avec la persécution."
Inéligible jusqu'en 2030 pour ses mensonges concernant le vote de 2022, Bolsonaro s'ennuie. Récemment, son avocat a officiellement demandé le rétablissement du fameux passeport. Même pour une durée temporaire —en l'occurrence, pour une semaine au mois de mai, afin d'accepter la récente invitation de Benjamin Nétanyahou. À savoir de venir recharger ses batteries en passant quelques jours en famille en Israël.
Beauté

Toutes les portes ne sont pas toujours fermées
Cette façade austère comme une porte de prison est, justement, une façade de prison. En l'espèce, la prison pour femmes de la Guidecca, installée dans un ancien couvent de Venise.
C'est le lieu qu'a choisi le Vatican pour installer son pavillon d'art lors de la prochaine Biennale (du 20 avril au 24 novembre prochains), dans une série d'installations pensées et produites en coopération avec les détenues, nous apprend Connaissance des Arts. Conçue par la directrice du Centre Pompidou-Metz Chiara Parisi et par le directeur du Palazzo Grassi Bruno Racine, l'exposition Con i miei occhi ("De mes propres yeux") rassemblera du beau monde : Maurizio Cattelan, Claire Tabouret, Corita Kent, Claire Fontaine, Bintou Dembelé Simone Fattal, Zoe Saldana et Marco Perrgo.
Ces deux derniers, qui travaillent en couple, ont par exemple produit un court-métrage narrant "les relations sentimentales entre détenues", co-écrit avec et joué par 15 prisonnières volontaires. Simone Fattal proposera de traverser une allée couverte de l'ancien couvent, où seront affichés une cinquantaine de poèmes écrits par les condamnées et sculptés sous forme de bas-reliefs en pierre de lave. "Dans l’antichambre de la chapelle", raconte encore Connaissance des Arts, "les visiteurs pourront découvrir un accrochage de Claire Tabouret qui a peint des portraits à partir des photos des enfants des détenues. Puis, dans la chapelle déconsacrée, ils plongeront dans l’installation physique et sonore de l’artiste brésilienne Sonia Gomes. Dans le lieu le plus mystique du couvent, elle présentera des sculptures suspendues immersives." Maurizio Cattelan travaille, lui, à une fresque monumentale sur la façade extérieure de l'ancienne chapelle.
Ce dernier, "connu pour ses œuvres provocantes, ludiques et tabous", a rencontré la renommée internationale avec La Nona Ora (La neuvième heure) "une statue de cire grandeur nature du pape Jean-Paul II écrasé par une météorite noire à la Biennale de Venise de 2001."
Le Saint-Siège n'est donc pas rancunier. C'est clairement la meilleure nouvelle de la semaine, vus leurs contacts haut, très haut placés, (et avec votre esprit).
Bizarre

Sauvé par la bombe
Dans l'actualité il y a bien sûr le feuilleton Trump. Mais il y a aussi, on l'oublie trop souvent, le spin-off sur sa famille et sa belle-famille. Dans les rôles-titres : sa belle-fille Lara, l'épouse d'Eric, ancienne productrice de télévision désormais co-présidente du Parti Républicain (au bord de la ruine), qui a inauguré son nouveau poste en virant du jour au lendemain plus de 60 personnes à seulement huit mois des élections.
Et, tout aussi haut dans le générique, Jared Kushner, le mari d'Ivanka, ex-conseiller spécial de son beau-papa chargé de résoudre le conflit Israël-Palestine. Le voici plongé dans une nouvelle galère, au titre exceptionnel de pigeon en chef.
C'est l'histoire de l'ancien ministère de la Défense serbe, et Q.G. de ses forces armées (Photo). Comme on peut le voir, celui-ci est percé d'un gros trou, conséquence des bombardements de l'OTAN de 1999, quand l'organisation tentait d'arrêter la spirale génocidaire et la guerre civile nées de l'éclatement de la Yougoslavie.
Kushner veut en faire un hôtel. Mais ça coince parce que, pour tout le pays, le bâtiment reste symbolique d'un épisode majeur de l'histoire nationale. Un avertissement qui rappelle jusqu'où la folie nationaliste et raciste peut entraîner une nation. (C'est aussi, je le parie, une fierté pour les aspirants génocidaires… Mais ces derniers sont plus discrets sur le sujet… Après tout, oui, ce bâtiment, et son gros trou, demeure un rappel des horreurs apportées par le délire ethnique… C'est bien le sujet).
L'affaire a été révélée au grand jour par Aleksandar Jovanovic, dit "Cuta". Un type intéressant de 57 ans qui s'est fait connaître en menant une série de manifestations dans tout le pays en 2021-2022, s'opposant à un projet de mine de lithium dans la région de Jadar. Manifestations qui ont conduit à l'abandon du projet minier, à l'arrêt des expropriations dans la zone, à la dissolution de l'Assemblée Nationale en février 2022 et à la création d'un nouveau parti, Soulèvement Écologique, dirigé par Jovanovic, désormais député.
C'est donc lui qui "a convoqué une conférence de presse le 13 mars dernier pour révéler que Goran Vedic, le ministre de la Construction, des Transports et de l'Infrastructure, avait signé au nom du gouvernement un protocole d'accord pour faire don du bâtiment de Belgrade bombardé en 1999 à deux compagnies étrangères, Kushner Realty [la société immobilière de Jared Kushner] et Atlantic Incubation Partners LLC", raconte Intellinews. Kushner a depuis reconnu la réalité du projet, en précisant qu'il comptait intégrer un musée et un mémorial dans son hôtel de luxe.
Il a également signalé qu'il s'agit en réalité d'un double projet d'investissement, pour un montant total d'un milliard de dollars : la transformation de l'ancien ministère de la Défense et Q.G. Serbe en palace d'une part, mais aussi, de l'autre, la reconversion de l'île de Sazan, une ancienne base militaire albanaise, en station d'éco-tourisme sous l'égide d'Aman Resorts, une multinationale de l'hôtellerie fondée en Indonésie à la fin des années 1980, désormais basée en Suisse et dirigée par l'oligarque russe Vladislav Doronin.
C'est tout pour aujourd'hui. Suivez malgré tout le prochain épisode : Kushner doit désormais faire face à une pétition inaugurée par Kreni Promeni, "une communauté indépendante [qui croit] à la justice environnementale, aux droits de l'homme, à l'équité économique et à la démocratie". Pétition qui a recueilli 10 00 signatures en 24 heures (et dépassé depuis les 22 000), affirmant :
"La loi, qui stipule que le bâtiment de l'État-Major ne peut avoir qu'un seul destin, celui d'être rétabli dans ses fonctions et d'accueillir un musée de l'histoire serbe […] doit être respectée. Construire un hôtel à cet endroit n'est pas seulement illégal, c'est aussi détruire la dignité."
Mais aussi, mais encore

En bref : les news auxquelles vous avez échappé
Pendant ce temps-là, ici, ailleurs et à côté…
Des codex aztèques inédits (dont l'un retraçant l'histoire de la capitale Tenochtitlan) retrouvés dans une collection privée et acquis par l'État mexicain (Smithsonian Mag) — 3 000 illustrations tirées des éditions victoriennes de l'œuvre de Shakespeare mises en ligne à destination du grand public (Open Culture) — Budget britannique : le ministre Jeremy Hunt renonce au plan de 10 ans qui devait remédier à la crise de la santé mentale, laquelle coûte chaque année 5 % du PIB du Royaume-Uni et affecte plus de 250 000 enfants en attente de soins (Byline Times) — Succès pour la grève des employés du tourisme en Californie du Sud : 34 hôtels acceptent des hausses de salaire et des améliorations des conditions de travail historiques, 30 établissements de plus s'apprêtent à rejoindre l'accord (Fortune) — En Turquie, l'universitaire féministe Nükhet Sirman arrêtée et accusée d'avoir, dans le cadre de ses recherches en sociologie, interrogé une personne "connue des services de police" (Duvar) — Pionnier dans le domaine, le Tennessee vote la loi ELVIS ("Ensuring Likeness, Voice, and Image Security" Act) pour protéger les artistes des contrefaçons de l'Intelligence Artificielle (ABC News) — Le syndicat des éleveurs de chiens comestibles se lancent dans une dernière tentative, auprès de la Cour Suprême de Corée du Sud, pour lutter contre l'interdiction totale du commerce de viande de chien à partir de 2027, récemment votée par l'Assemblée Nationale (The Korea Times) — Les stations télévisées algériennes sous le feu des critiques pour le manque de "moralité" de leurs programmes durant le Ramadan (AP) — Crise existentielle pour l'industrie automobile allemande, en train de rater le tournant mondial vers l'électrique (Der Spiegel, une enquête exclusive de 45 000 signes) — Avec la troupe Our Time, une nouvelle forme de représentation théâtrale voit le jour, adaptée aux personnes atteintes de démence sénile : c’est un mouvement en croissance dans le spectacle vivant (The Guardian).
Prochaine Édition du Week-end : samedi 6 avril.
Gardons les pieds sur Terre pendant que ça tourne.
Un grand merci à Marjorie Risacher pour sa relecture attentive, et ses coquillicides impitoyables.





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