L'Édition du week-end #53
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Chère lectrice, cher lecteur,
permettez-moi de vous souhaiter une heureuse et fertile année en compagnie, cette semaine, d’un rappeur mal parti, d’avocats surmenés, d’un avion de l’espace, d’abdos partis pour le tour du monde, d’un magma à récolter, de l’histoire de la Terre, d’une lettre d’amour aux Toulousains de l’apocalypse et d’une sacrée bande de salopards qui devraient finir leurs jours en prison.
Très bonne lecture,
la conscience artificielle de votre téléscripteur favori.
Le jugement de la semaine

Finalement, ces violeurs croupiront bien en prison
Finalement, les monstres vont rester en prison. C'est une petite lumière dans une affaire, je dois vous en prévenir, particulièrement épouvantable. N'hésitez pas à passer sur ce texte, ou à le lire à un autre moment, si vous êtes sensible à la violence et à la cruauté.
Mais c'est une affaire importante. Très importante en Inde, où elle reçoit un écho considérable. Importante pour le monde, aussi, tant elle témoigne de la nature profonde du BJP, le parti de l'actuel Premier Ministre Narendra Modi.
En 2002, Modi n'était "que" gouverneur de la province du Gjarat, 60 millions d'habitants. C'est sous son mandat que se sont produites de phénoménales émeutes anti-musulmans : 3 jours de violences, plus de 1 000 morts, au moins 200 disparus et 2 500 blessés. Modi a souvent été accusé d'en avoir attisé les flammes, voire de les avoir facilitées —les États-Unis lui interdirent même à l'époque de se rendre sur leur territoire. La Cour Suprême indienne n'a cependant pas estimé posséder d'éléments suffisants pour le poursuivre. Sa passivité, son soutien tacite et ses nombreux discours faisant de l'Islam la principale menace pesant sur le pays n'ont, en revanche, jamais été démentis.
Le cas d'une victime a ému au-delà des frontières. C'est celui de Bilkis Bano, 40 ans aujourd'hui, enceinte à l'époque, qui fut violée par un groupe d'émeutiers. Ceux-ci massacrèrent également 14 personnes, dont 7 membres de sa famille, parmi lesquels sa fille de trois ans.
Une enquête du Bureau Central d'Investigation a rapidement permis de mettre la main sur les auteurs de ces crimes. Leur jugement a été déporté de l'État du Gujarat, où avaient eu lieu les faits, à celui voisin du Maharashtra, Bilkis Bano faisant état de menaces de mort à son encontre (une information qui a son importance, comme on va le voir) : en 2008, 11 hommes furent jugés coupables et condamnés à la prison à vie.
Mais en août 2022, après un total de 14 ans de prison, une commission de la magistrature, dirigée par des membres du BJP, décida une remise de peine et leur libération anticipée, avec effet immédiat. L'accueil triomphal que leur réserva alors une foule de nationalistes hindous scandalisa au-delà des frontières.
Heureusement, un recours en justice menée par Bano et ses avocats a été examiné par la Cour Suprême cette semaine. Cette dernière a conclu à l'illégalité de la décision, et ordonné le retour des meurtriers derrière les barreaux. Elle argue que la remise de peine a été décrétée par une commission du Gujarat, où s'étaient produits les faits, et non du Maharashtra, où s'était déroulé le procès. Une loi similaire de possible libération anticipée est cependant également en vigueur dans cet État : les avocats de Bilkis Bano, comme ses nombreux soutiens dans le pays et à l'étranger, prévoient de rester vigilants.
Pour l'heure, la victime a exprimé sa satisfaction : "J'en pleure de soulagement. J'ai souri pour la première fois en un an et demi. J'ai embrassé mes enfants. J'ai l'impression qu'une pierre grande comme une montagne a été ôtée de ma poitrine : je respire à nouveau".
Cette année Modi remettra son mandat en jeu lors des prochaines législatives. Il devra faire face, comme je l'avais déjà évoqué, à une coalition baptisée INDIA, pour "Indian National Developmental Inclusive Alliance". Elle rassemble pas moins de 28 partis d'opposition, déterminés à reprendre le pouvoir à l'issue des élections d'avril et mai prochain, afin d’aider le pays à retrouver un peu de concorde et d'unité nationale.
Votre horoscope tribal

Le signe de la semaine : rappeur (ascendant russe)
Tout n'est pas beau au pays du flow, surtout en Russie comme aujourd'hui. Pour Nikolay Vasiliev, rappeur vingtenaire qui signe sous le pseudonyme "Vacio" (à gauche sur la photo), les choses ont même tendance à empirer.
La nouvelle année s'annonçait pourtant sous les meilleurs auspices. Pensez donc : fin décembre, il faisait partie des rares invités à la fête organisée par Nastya Ivleeva, blogueuse, influenceuse Instagram et présentatrice de télévision au Mutabor, un club branché de Moscou. C'était d'autant plus chouette qu'elle avait eu la bonne idée de proposer comme thème de soirée "Presque Nu". On s'y est bien amusé, comme en témoignent les nombreuses photos qui ont fuité sur les réseaux sociaux. L'événement aurait pourtant dû rester discret : les images de cette frange gâtée de l'élite médiatique du pays dansant et se saoulant dans des costumes baroques et provocants ont choqué jusque dans les franges les plus reculées du pays. On le sait : la Russie est une nation en guerre, à la fois littéralement mais aussi, plus métaphoriquement, contre la "décadence sexuelle" attribuée à l'Occident libéral. La sauterie privée "Presque Nu", ce n'est pas exactement le divertissement encouragé par Poutine et la propagande réactionnaire et religieuse qu'il commande.
Les participantes et participants se sont depuis excusés et fait acte de contrition publique. Ce qui n'a pas empêché les sanctions de tomber. Vacio, qui s'était pointé à la nouba vêtu, en tout et pour tout, de chaussures et d'une unique chaussette astucieusement disposée sur son pénis, vient de passer 25 jours en prison. À la mode russe : c'est-à-dire qu'il avait été condamné à 15 jours pour "propagande de relations sexuelles non-traditionnelles", qu'il les a purgés et que, sitôt relâché, il a été arrêté de nouveau et foutu au trou 10 jours de plus, pour bien lui faire comprendre que son corps appartient aux autorités, pas à lui.
Entre ses deux séjours à l'ombre, il s'est également vu convoquer au bureau militaire le plus proche, afin de voir s'il ne serait pas plus utile aux côtés des milliers de jeunes gens de son âge en lutte sur le front ukrainien. Son avocat a cependant tenu à préciser aux médias russes que le rappeur avait déjà été refoulé lors d'un premier examen médical, et donc exclu de la conscription pour raisons de santé. Selon lui, son client ne devrait donc pas être enrôlé.
Mon petit doigt qui n'a, hélas, pu confirmer cette information auprès d'aucune autre source (pas même mon index, c'est dire), me murmure toutefois qu'il a pourtant l'air en pleine forme sur son Instagram, où il pose en joli cœur bad boy, mais qui t'aime, tu vois. Il y affiche d'ailleurs non sans fierté des biceps qui pourraient s'avérer fort utiles pour creuser des tranchées boueuses du côté de Bakhmout. Peut-être bien qu'il y avait un peu de piston derrière son exemption. Mais l'avenir le dira.
À une date incertaine, cependant : Vacio avait rendez-vous avec le recrutement militaire ce 9 janvier. Or il était, à cette date, en prison. Il n'a donc pu répondre à sa convocation, ce qui devrait lui garantir une flopée d'autres ennuis à venir.
Ce même 9 janvier, un autre chanteur, Maxim Tesli, comparaissait devant la cour de Saint-Petersbourg, également pour s'être rendu à la soirée "Presque Nu" équipé d'une chaussette stratégiquement placée. Une plaisanterie en vogue, donc, mais à éviter dans les dictatures orthodoxo-nationalistes. Ou du moins, n'en doutons pas, réservée aux casernes, strictement.
Avocat
Vous l'avez sans doute remarqué, je n'aime pas jurer. Mais, parfois, il est difficile de tourner trop longtemps autour du pot alors permettez-moi, je vous prie, d'enfreindre exceptionnellement ce principe pour l'exprimer tout de go : en Pologne, c'est le bazar.

Après des années de domination du Parti Droit et Justice (PiS), l'opposition menée par le libéral et pro-européen Donald Tusk a finalement remporté les législatives d'octobre dernier. Tusk a aussitôt annoncé qu'il s'emploierait à "rétablir l'État de Droit" : classé à droite de la droite (donc, hein, à l'extrême-droite), le PiS a malmené les institutions tout au long de ses mandats pour renforcer sa mainmise sur les institutions, s'attirant régulièrement plaintes, indignations et sanctions des institutions européennes.
De fait, depuis sa nomination, Tusk agit. Par le biais de son budget, il s'est d'abord attaqué aux médias d'État, taillés par et pour les intérêts du PiS et qui n'étaient guère plus, de l'avis des observateurs, que des organes de propagande.
Cette semaine, les rebondissements se sont enchaînés dans une autre affaire plus spectaculaire, concernant le ministre de l'Intérieur du gouvernement précédent, ainsi que son vice-ministre, Mariusz Kaminski et Maciej Wasiks.
L'affaire est assez chaotique. Tous deux ont été condamnés en mars 2015 à trois ans de prison pour "abus de pouvoir" —des faits remontant à 2007, lorsqu'ils exerçaient à l'Office national de lutte contre la corruption. Ils avaient fait appel, mais cette démarche n'a jamais été menée à son terme, car le Président PiS Andrzej Duda (en photo, en compagnie du clown Paillasse), avait préféré les gratifier d'un Pardon présidentiel.
Cette amnistie n'a cependant pas été validée par la Cour Suprême. Simplement car pour être effectif, un pardon doit être prononcé une fois actée la décision judiciaire finale. C'est-à-dire une fois tous les recours épuisés. Le pardon présidentiel ayant été accordé avant même l'examen de l'appel, il ne pouvait donc pas être validé.
Mais ça n'est que le début. En réponse, le Tribunal Constitutionnel, une institution au statut flou suite à une réforme du PiS, au point que son autorité n'est plus reconnue par la Cour de Justice européenne (ni, note Wikipédia, par la commission européenne, la commission de Venise, l'Association des Magistrats Polonais ou le Département d'État américain), a jugé pour sa part que "en fait si, ça roule" (je cite de mémoire).
Saisie par le nouveau gouvernement pour trancher définitivement cet imbroglio judiciaire, la Cour d'appel de Varsovie a, en décembre dernier, confirmé la culpabilité des deux hommes et la sentence de trois ans de prison : c'est la décision finale du circuit judiciaire, qu'il ne restait plus qu'à exécuter.
Ce fut chose faite lundi dernier au terme "d'une journée de théâtre politique inédite", comme l'écrit la BBC : Wasiks et Kaminski se sont en effet réfugiés au palais présidentiel, d'où ils ont donné une conférence de presse pour clamer leur innocence, soutenus par le président Duda, toujours en poste… avant que la police vienne les chercher et les ramener à la bonne adresse, la case prison.
Accrochez-vous, car c'est en réalité maintenant que ça se complique : Andrzej Duda, du PiS, est donc toujours Président. Tusk n'est que Premier Ministre, vainqueur des élections législatives. D'où la montée en puissance d'un affrontement au sommet de l'État, avec ce dernier rebondissement en date : jeudi, dans une allocution télévisée, Duda a annoncé s'engager formellement à "ne pas avoir de repos tant que ces deux personnes, d'une honnêteté à toute épreuve, n'auront été libérées". Il affirme que les deux hommes sont des "prisonniers politiques", et que leur mise à l'ombre constitue "un coup d'État".
Personne ne sait bien comment il pourrait légalement s'y prendre pour tenir sa promesse, cependant : la seule option dont il dispose serait de prononcer un nouveau pardon. Mais ce serait en contradiction avec son affirmation martelée, et encore répétée lors de sa déclaration publique, que le premier pardon est "tout à fait valide". Une contradiction dont il n'est pas si simple de sortir, puisque c'est elle qui lui permet de prétendre que l'incarcération des deux politiques est "illégale".
La situation pourrait-elle s'aggraver ? C'est ce que redoute Intellinews :
"Le speaker de la Chambre, Szymon Holownia, a prévenu le Président qu'il risquait de plonger le pays dans "une profonde crise constitutionnelle".
Mais la posture de Duda confirme qu'il a choisi la voie d'une opposition radicale au nouveau gouvernement, peut-être avec l'objectif de briguer la nomination en tant que nouveau leader du PiS, plutôt qu'opter pour le compromis, et aspirer à une carrière internationale. Il a auparavant retardé la nomination de Tusk et utilisé son droit de veto pour bloquer le Budget, par lequel le gouvernement réformait la chaîne publique TVP".
Cerise sur le gâteau : les deux prisonniers sont également députés du PiS. Ils ont été réélus lors des Législatives remportées par Tusk. Or il semble peu probable que d'autres membres du PiS accepteront de les remplacer, car cela reviendrait à reconnaître leur cause comme perdue.
C'est pas beau de bouder, mais c'est aussi complètement idiot. Il y a des enfants qui le comprennent avant l'âge de 5 ans. Mais ils ne sont pas d'extrême-droite.
Martien

Le décollage n'est pas immédiat, mais l'avion le plus classe du monde existe déjà, au moins dans la tête d'un professeur en aérodynamique de l'université de Miami, dont les travaux viennent de rejoindre le programme de la NASA dédié aux innovations de rupture, le NASA Innovative Advanced Concepts (NIAC).
L'idée d'un avion martien, puisque c'est bien de cela qu'il s'agit, ne paraît plus aussi folle, nous dit Sciences et Avenir, grâce principalement aux succès de l'hélicoptère Ingenuity, dont les prouesses sur la planète rouge ont surpris jusqu'aux ingénieurs de l'agence spatiale américaine : prévu initialement pour 5 vols expérimentaux, le petit appareil (1,8 kg, soit à peu près ce qu'il nous faut perdre à l'issue des fêtes de fin d'année) en a finalement réalisé 70. Il totalise à ce jour 18 kilomètres de trajet, à une vitesse moyenne de 36 km/h.
Comme me le rappellent fréquemment de bonnes âmes m'expliquant que je ne devrais pas avoir peur en avion, un aéronef ne se déplace pas dans le vide : il est porté par l'air. Le problème est que sur Mars, d'air il n'y a point. Et quasiment pas d'atmosphère, tout court : celle-ci présente une densité égale à 1 % de celle de la Terre. Mais les nanomatériaux pourraient résoudre ce problème, en multipliant par 10 la portance des ailes traditionnelles. Et MAGGIE, comme l'a baptisé son inventeur (pour Mars Aerial and Ground Global Intelligent Explorer) pourrait dès lors parcourir les cieux martiens, à l'aide d'hélices alimentées par des cellules photovoltaïques le recouvrant en intégralité, sans même besoin de pilote, bien entendu. Sur le papier, il pourrait atteindre une vitesse de 300 km/h, s'envoler à 1 000 mètres d'altitude et franchir 180 kilomètres par vol : de quoi couvrir, en une année martienne, la totalité de notre voisine. Ce qui permettrait de cartographier avec une précision inouïe ses sources de méthane… et surtout les poches de glace souterraines identifiées par les satellites d'observation.
Passer, comme l'a fait MAGGIE, le premier cap de la sélection pour rejoindre la dizaine de projets du programme NIAC de la NASA signifie que 175 000 dollars vont être investis dans des études de faisabilité, s'étalant sur 9 mois. Si elles s'avèrent positives, le projet sera testé 5 ans durant, expérimentation après expérimentation, avant de pouvoir être fabriqué.
À l'inverse, mon projet de remplacer ses algorithmes de recherche scientifique par une intelligence artificielle génératrice de haikus n'a, lui, pas obtenu de réponse de la ministre de la Recherche, pourtant confirmée à son poste dans le dernier remaniement. Attal démission.
Pubard
À la question "Slip ou caleçon ?", Calvin Klein a répondu "New York City, baby !" et grand bien lui en a fait. New York, et plus précisément Manhattan, et plus précisément Brooklyn, c'est le lieu de naissance du modèle choisi par la marque pour présenter sa ligne de Printemps 2024 (parce que, vous savez, c'est important de revoir le design des dessous masculins tous les trois mois), à savoir l'acteur Jeremy Allen White.

Un garçon de 32 ans inconnu de nos services, mais pas du grand public puisque, au titre de son rôle principal dans la série The Bear (diffusée aux USA sur Hulu), il a été distingué l'année dernière du Prix du Meilleur Acteur dans une série comique de la Critique télévisée, de celui de la Screen Actor's Guild, et de deux Golden Globes. De quoi expliquer, au moins autant que son regard bleu lagon, ses 4 millions d'abonnés et abonnées Instagram.
Ce qui est frappant dans la campagne Calvin Klein, selon Women's Wear Daily, c'est son succès littéralement phénoménal. Les images du beau gosse alangui presque nu sur les toits de Brooklyn ont été tellement reprises et diffusées qu'elles ont généré, en moins de 48 heures, 12,7 millions de dollars en "Media Impact Value". Soit la somme que la marque aurait dû débourser pour toucher le même nombre de personnes, si elle avait choisi la voie de la publicité payante. À la place, ce sont les reprises gratuites et volontaires sur les réseaux sociaux qui ont assuré la promo : la seule vidéo de lancement a atteint tout aussi rapidement 4,5 millions de Vues sur TikTok.
C'est beaucoup, surtout quand on parle d’une pub pour un slip (enfin, un boxer). Dans laquelle, en prime, la styliste française Emmanuelle Alt, dont je préfère ignorer le salaire pour cette opération, a eu la grande idée de faire poser la star croquant une pomme, parce que jamais personne n'a dit que la subtilité serait la vertu à l'honneur, en 2024.
Le magazine de mode rappelle au passage que le nouveau modèle Calvin Klein"bénéficie d'un nouveau logo et de matériaux pensés pour le confort quotidien, dont le Micro Stretch, le Micro Mesh et [mon préféré] le New Intense Power". On le sait désormais : au moins, l'humanité ne se sera pas éteinte sans avoir inventé des sous-vêtements offrant à leurs porteurs une "nouvelle puissance intensive", (ou une "nouvelle intensité de puissance", j'hésite sur la traduction). Notre espèce ose tout, c'est à ça qu'on la reconnaît.
Mode

L’Islande mise sur le chaud pour préserver le froid
On le comprend chaque jour plus clairement : le vrai défi du changement climatique n'est pas de savoir comment arrêter de l'aggraver, mais comment y parvenir sans baisser drastiquement notre consommation énergétique, tant nos civilisations semblent peu désireuses de renoncer au confort que lui a procuré un siècle d'exploitation gazière et pétrolière.
La solution s'avèrera donc technologique. Et une nouvelle percée en la matière —très littéralement— est prévue pour cette année en Islande. Car les volcans, qui empoisonnent régulièrement la vie de l'île, pourraient finalement lui apporter une solution prometteuse.
L'histoire de ce projet décrit par Futura Science comme "fou et extrêmement ambitieux" commence en 2009, lorsqu'une compagnie de forage tombe à sa grande surprise sur du magma reposant à tout juste 2 kilomètres de profondeur près du volcan Krafla, à 450 kilomètres au nord-est de Reykjavik. Le magma, c'est rien moins que la chaleur du centre de la Terre (où les températures se baladent aux alentours des 5 000° C), lentement et continuellement évacuée par notre planète bien-aimée. C'est une source d'énergie potentiellement colossale, selon le principe de la géothermie, qui consiste à utiliser la chaleur du sous-sol pour produire de l'électricité. Mais de la géothermie puissance 10 : là où les productions les plus intenses exploitent de la vapeur hydrothermale à 150 degrés Celsius, la poche magmatique mise au jour fait plutôt dans les 900. Ce qui explique qu'il ait fallu si longtemps pour mettre au point des matériels qui résistent à une telle fournaise : le programme MKT (Krafla Magma Testbed) a officiellement été lancé il y a six ans déjà, en 2017.
Ce début d'année, l'équipe islandaise affirme enfin être en capacité d'entamer les forages dès 2025. "Les forages", au pluriel : ils seront au nombre de deux, l'un destiné aux essais géothermiques, l'autre à la recherche. Car en principe, le magma repose bien plus en profondeur, et c'est la première fois dans l'histoire que l'on a accès à la forme originelle de cette roche fondue, pas encore "contaminée" par sa lente remontée dans les entrailles de la Terre, pour devenir de la lave.
L'essentiel, ça sera de pas faire de boulettes.
Beauté

Joyeux anniversaire la Terre
La Terre, cette mère bienveillante dont on semble avoir fait notre tête de Turc préférée de la récré, a environ 4,5 milliards d'années. C'est beaucoup, hein ? Trop pour nos cerveaux de primates, à qui ce chiffre ne dit rien.
On peut pourtant essayer de comprendre un peu mieux ce que c'est réellement, une existence de 4,5 milliards d'années. D'abord parce qu'on en connaît l'histoire relativement bien : des années de recherche géologiques et d'études spatiales ont permis de reconstituer la formation puis l'épanouissement de notre planète. Ensuite grâce à l'animation, qui aide à saisir cette folle et longue histoire à notre échelle. Celle choisie par les infographistes de Kurzgesagt est d'un million d'années par seconde. Ce qui donne tout de même une vidéo d'une heure au total sur leur chaîne YouTube…
Pas de spoiler : je ne vous dirai rien de l'étrange créature bipède qui apparaît à la toute dernière seconde (indice : on peut la reconnaître à son pouce opposable). Le début, lui, s'ouvre sur un bombardement cosmique de plus de 8 minutes un peu répétitif, mais qui nous fut fort utile. Les spécialistes l’ont baptisée l’Ère Hadéenne, du nom du dieu grec des Enfers : vous comprendrez pourquoi si vous appuyez sur “Play”.
YouTube via Open Culture
Bizarre

L’apocalypse, version toulousaine
Il y a des lettres d'amour plus lyriques que celle que vient de signer Julien Deleglise dans Gonzaï, mais il n'y en a pas beaucoup.
Son sujet : "Slift, meilleur groupe français du monde ?". Elle est inspirée par la sortie imminente, ce 19 janvier, du nouvel album du trio toulousain qui a, semble-t-il, sauvé rien moins que la santé mentale de l'auteur grâce à son précédent disque Ummon sorti au printemps 2020, juste à temps pour éclairer son confinement :
"Ummon continua à m’accompagner, car cette musique était parfaite pour être la bande-son d’un homme qui redécouvre la vie et l’espace qui l’entourent. C’est notamment ce que véhiculait ce disque magnifique. Plus encore que cette dimension personnelle, sa qualité avait réussi à me soulever le coeur comme le firent le II de Led Zeppelin et le Who’s Next des Who. Et alors que je franchissais le cap de mes quarante ans sous confinement seul dans mon appartement avec une bouteille de whisky, Ummon était devenu selon mes critères un immense disque de rock".
La bouteille de whisky n'est sans doute pas mentionnée par hasard car à l'écoute, le son de Ummon, qualifié par Deleglise de "stoner-metal psychédélique" ne fera pas du bien à toutes les têtes. Grosse nappes, grosse basse, grosse batterie, gros chœurs, gros morceaux. Pas tout à fait ma tasse de thé, mais certainement une esthétique appropriée pour l'époque. En tout cas, le journaliste qui a pu écouter l'intégralité de cette nouvelle production baptisée Ilion assure que la réussite est au rendez-vous :
"Le disque est lancé par le fantastique morceau-titre. On y retrouve les choeurs quasi-grégoriens de "Altitude Lake", mais portés dans une dimension encore plus épique. Ils chantent en écho avant que le riff ne vienne exploser dans les enceintes. On retrouve l’urgence frénétique du groupe dans sa rythmique. La basse de Rémi Fossat est bien mieux mise en valeur, grondant dans le mix. Les caisses de Canek Flores ont également davantage de profondeur, et son jeu a encore gagné en virtuosité rythmique. Jean Fossat [frère du bassiste, NDLR] est le grand maître de cérémonie aux guitares rugissantes, aux claviers hypnotiques et au chant autant rageur que quasi-mystique. Ilion est déjà une démonstration de tout cela, avec sa fureur épique, saisissant l’auditeur à la gorge dès le premier titre.
[…]
Selon les Slift, Ilion est construit comme une histoire homérique racontant l’effondrement de l’humanité et sa renaissance en matière dans l’espace-temps. Ilion est le nom de la ville de Troie en grec ancien. L’album a été construit sur la base de l’émotion humaine plutôt que sur celui d’une fresque épique comme Ummon. Cependant, la dimension épique est indiscutable sur ce nouvel album. "Nimh" en est une preuve sonore avec sa férocité et ses différents plans mélodiques, ses riffs et ses arpèges en cascade engendrant une véritable tornade intérieure qui joue sur tous les tableaux sensitifs. La rage laisse la place à une séquence douce et ouatée. Le ressenti se rapproche de 2001, l'Odyssée de l'espace de Stanley Kubrick et des pièces acides improvisées du Pink Floyd de la fin des années 1960 comme "Careful With That Axe Eugene"".
Cet éloge passionné aura donc eu le mérite de me faire découvrir qu'il existe une chanson qui s'appelle "Careful with that Axe Eugene", locution qui devient officiellement, d'un coup d'un seul, à la fois mon titre d'œuvre préféré, mon projet d'épitaphe et ma devise pour 2024 : oui Eugène, s'il-te-plaît, sois prudent, avec cette hache. D'ailleurs, faisons toutes et tous bon usage de nos armes en 2024, à commencer par celle qui demeure la plus utile, malgré parfois les apparences : le droit de vote.
Mais aussi, mais encore

En bref : les news auxquelles vous avez échappé
Pendant ce temps-là, ici, ailleurs et à côté…
Idriss Elba lance une campagne contre l'épidémie britannique de meurtres à l'arme blanche (Variety) — Des émeutes sans précédent saisissent la Papouasie Nouvelle Guinée durant la grève de la police (The Guardian) — Au Colorado, la ville de Golden expérimente la semaine de 32 heures pour ses forces de l'ordre (Business Insider) — Bientôt une touche "Intelligence Artificielle" sur les claviers d'ordinateur Windows (Inc) — Une nécropole vieille de 4 000 ans exhumée des sables égyptiens (Smithsonian Magazine) — La capitale de la Bulgarie dépourvue de maire depuis le 27 octobre, après une sixième tentative de vote au conseil municipal (Novinite) — L'essai en trois volumes du chercheur espagnol Javier Lopez Alos, consacré aux effets de la précarité sur les corps et les esprits, intégralement traduit en français (La Vie des Idées) — En Arabie Saoudite, le ministre de l'information se félicite du succès de la 4° édition du festival de "l'Excellence Médiatique", un prix honorifique est remis au poète saoudien Khalaf bin Hazal pour ses "chants patriotiques" (Arab News).
Prochaine Édition du Week-end : samedi 20 janvier.
Gardons les pieds sur Terre pendant que ça tourne.
Un grand merci à Marjorie Risacher pour sa relecture attentive, et ses coquillicides impitoyables.





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