L'Édition du week-end #48
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Chère lectrice, cher lecteur,
permettez moi de vous souhaiter un excellent week-end en compagnie, cette semaine, de diamantaires flamands, d’un synthétiseur norvégien, d’un musée new-yorkais, d’une Pakistanaise en forme, de Grecs un peu flippés, de street artistes, de Gandhi et des refuges climatiques.
Très bonne lecture,
la conscience artificielle de votre téléscripteur favori.
Les asiles de la semaine

Les refuges climatiques ne seront peut-être pas ceux que vous croyez
Où aller, quand tout chauffe et que ça chauffe partout ? La question ne tracasse plus seulement les réfugiés climatiques des îles du Pacifique.
Dans un sondage récent, réalisé en ligne sur 2 000 États-Uniens par OnePoll pour Forbes, 30 % des personnes interrogées citent "le changement climatique" comme raison principale de leur déménagement ou projet de déménagement. L'étude rappelle d'ailleurs :
"D'après une recherche du groupe CoreLogic, le Rapport sur les Catastrophes liées au Changement Climatique, ce sont, toujours aux États-Unis, 14,5 millions de logements qui ont été touchés par une catastrophe naturelle en 2021. Soit 1 foyer sur 10. Ensemble, ces désastres ont causé 56,92 milliards de dollars de dommages aux propriétés. Ils incluent les ouragans (33 milliards), les feux de forêt (1,46 milliards), les événements météos de type tornade, grêle, vent violent (7,46 milliards), et les tempêtes hivernales (15 milliards)".
Dans ce contexte, beaucoup se mettent —déjà— en quête de "havres climatiques", et cherchent à trouver "ces endroits où il restera relativement confortable de vivre en dépit du réchauffement", note le magazine écologiste Grist. "Les chercheurs les situent généralement dans la région des Grands Lacs, au Michigan notamment […]. Le Midwest est particulièrement attractif, avec son abondance d'eau douce, la fraîcheur de ses étés et son emplacement qui le protège des ouragans et feux de forêt."
Mais la solution n'est ni si simple ni si limitée, ajoute la publication après avoir disséqué le Cinquième Rapport Fédéral sur le Climat publié la semaine dernière par l'Administration Biden :
"Il s'avère que nulle part on puisse vraiment se préserver. Cet été, les incendies historiques au Canada ont envoyé des particules fines jusque dans le Midwest et le Nord-Est, générant des cieux apocalyptiques de Buffalo à Minneapolis, en passant par New York et tous les autres prétendus refuges en chemin. Des pluies cataclysmiques en juillet ont causé des épisodes d'inondation dévastateurs dans le Vermont. Or, trois ans plus tôt, une analyse de ProPublica avait identifié Lamoille County, la zone la plus touchée dans cet État, comme le comté le pus sûr des États-Unis. "Il faut en finir avec l'idée de havre climatique", concluait cet été le site d'informations dédié au climat Heatmap.
Pourtant, le rapport fédéral ne nie pas que certains lieux demeureront plus sûrs que d'autres. Il affirme aussi que des déplacements de population, depuis les endroits les plus dangereux vers les moins menaçants, peuvent déjà être observés. Pas seulement depuis les régions côtières du sud-est, aussi en provenance des zones inondables du Midwest. Après examen, il s'avère en fait assez clair que les dangers résultent avant tout d'un mauvais aménagement des villes. Au fond, les havres climatiques ne seront pas un don de la nature : c'est quelque chose qu'il va nous falloir construire nous-mêmes. Trouver un refuge n'impliquera donc pas nécessairement de déménager à l'autre bout du pays : si les bonnes mesures sont prises, les enclaves seront peut-être bien plus près de chez vous que vous croyez."
Finalement, c'est assez… euh… rassurant. L'article évoque ainsi des cas très concrets, comme celui de Tulsa, en Oklahoma : "après qu'une catastrophe en 1984 a submergé 7 000 foyers et tué 14 personnes, la ville s'est réunie autour d'un projet, celui d'un plan agressif de maîtrise des inondations. Ils ont construit un réseau de drainage, créé des espaces verts qui puissent absorber une partie de l'eau, mis en place des règles strictes pour interdire certains emplacements à la construction. En l'espace de trois décennies, la ville a même, par un système de rachat public, retiré 1 000 maisons des zones inondables. Les autorités estiment que ces mesures ont permis d'économiser des millions de dollars. L'année dernière, l'Agence Fédérale de Gestion des Urgences (FEMA) lui a accordé sa note la plus haute en matière de réduction des risques."
Étudier, implanter, construire, protéger : on sait faire, on peut faire. On peut créer des zones protégées, réaménager les villes, bouleverser les métropoles et redessiner les villages, le temps d'absorber le choc d'un réchauffement indifférent à notre survie ou à notre confort.
Sans pour autant perdre de vue, c'est important, que les mouvements de population auront lieu malgré tout :
"L'idée que toute ville pourrait constituer un havre climatique vient de Jesse Keenan, professeur d'aménagement urbain à l'université de Tulane en Louisiane, (même si d'après lui terme exact a inventé par des journalistes). Il affirme qu'il n'aurait pas employé ces mots, mais revendique les propositions qui les sous-tendent. "L'idée générale", résume-t-il, "c'est qu'il y a des endroits où les gens vont aller, qu'on le veuille ou non, qu'on le planifie ou non. Il faut aider ces lieux et les guider, pour qu'ils puissent se préparer"“.
Une véritable épopée humaine et, en prime, un bel ajout à nos romans nationaux qui manquent de rebondissements depuis l'exploit d'avoir construit, entre nous, la paix.
Réveillez-moi quand on en aura tiré les mythes, les histoires et les chants, je crois qu’on peut l’affirmer, bien mérités.
Votre horoscope tribal

Le signe de la semaine : Diamantaire
Tout le monde aime les Belges, mais qui aime les Flamands ? Vladimir Poutine.
OK, OK. C'est une accroche un peu dure. Mais c'était trop tentant. Les Flamands sont évidemment des gens comme les autres… Donc comme tout le monde, ils ont une faiblesse. Eux, c'est les diamants.
Au fil des siècles, depuis le début des échanges internationaux à grande échelle à partir du XVI° siècle, le port d'Anvers s'est imposé comme l'un des plus riches de la planète. Peu à peu remplacé par d'autres plus grands ou plus en haute mer, comme Rotterdam, il est cependant resté la plaque tournante du commerce mondial de diamants. Ce qui explique, nous apprend Intellinews, qu'encore aujourd'hui ce cristal soit exclu de la liste des ressources et biens russes sous sanction.
Car la Russie n'a pas seulement du pétrole, elle a des diamants. De beaux diamants bruts qu'il faut exporter, tailler, transformer, ajuster. Elle en est même le plus grand exportateur du globe, représentant à elle seule 35 % du marché. La moitié de ce volume transite par la Belgique via Anvers qui, cela va de soi, n'est pas la seule bénéficiaire belge de la filière. Les traditions ont du bon, quand la tradition c'est de récupérer des millions (de carats) pour en faire des milliards (de dollars).
Le Royaume s'est jusqu'à présent battu avec succès pour exclure la pierre précieuse de la liste des embargos que l'Europe applique à la Russie depuis l'invasion de l'Ukraine. Mais cette fois, alors que les États membres discutent d'un douzième volet de sanctions, il ne pourra plus résister.
Enfin résister, si.
Il bataille tant et si bien que l'annonce des mesures, remise une première fois au 17 novembre, vient à nouveau d'être reportée à courant décembre. Mais, selon le journal berlinois, dès le début de l'année prochaine l'U.E. devrait (à son tour, les États-Unis le font déjà) interdire l'import, l'achat et la vente de diamants russes et de biens les incorporant.
La Belgique aurait même profité de l'occasion pour proposer un nouveau système de certification. Son but serait d'élargir aux produits russes (et, en fait, à tout diamant de plus d'un demi-carat) le Processus de Kimberley qui, depuis 2003, s'est donné pour mission d'éliminer du marché international les "diamants du sang", ceux qui financent les guerres civiles. Un processus hélas critiqué aujourd'hui : 2 ONG fondatrices s'en sont retirées, jugeant cette union d'États, d'industriels et de membres de la société civile incapable et, en réalité, peu désireuse de mener sa mission à bien. Nos lâchetés sont éternelles.
Zicos
On reste dans les bijoux mais on change de style, avec cette nouvelle création de la boîte de design et haute technologie suédoise Teenage Engineering : ce que vous voyez ici dans la vignette n'est pas une calculatrice, même si la ressemblance est voulue, mais un synthétiseur : le EP-133 KO II.

À 299 dollars, le KO II se situe entre la machine d'entrée de gamme de la marque (le Pocket Operator à 59 dollars) et le plus luxueux (l'OP1 à 1 400 dollars, "iconique" selon le magazine high tech The Verge). Mais le plus intéressant, ça n'est pas son segment de marché. C'est sa conception.
Car le K0 II a été pensé, selon le co-fondateur de Teenage Engineering David Eriksson, comme "une assurance-vie" rendue nécessaire par la pénurie de microprocesseurs (pénurie due autant à la pandémie de Covid qu'au succès des cryptomonnaies). The Verge explique : "Même à l'été 2022, les chaînes d'approvisionnement restaient en tension et l'équipe ne parvenait plus à se procurer certains composants indispensables à leurs autres produits. Alors, à la fois pour expérimenter et pour se couvrir, ils ont décidé de faire les choses à l'envers. C'est-à-dire de commander pour un an les pièces qu'ils arrivaient à trouver et d'ensuite voir comment, en les assemblant, ils pourraient en faire quelque chose. Ils ont aussi créé une unité de production à Barcelone, afin de garder la main sur l'ensemble du processus." Voilà comment est né le KO II, au fond le premier instrument musical du “monde d’après”.
Si vous pensiez (comme moi, je dois l'avouer) que les synthétiseurs n'intéressaient plus les musiciens depuis les années 1980, eh bien apprenez que vous aviez tort. L'avantage de ces machines, qui désormais tiennent dans une poche (c'est du moins le cas du KO II), c'est qu'elles permettent de composer intégralement un morceau, avec un son beaucoup moins reconnaissable que celui de leurs augustes aînés et, bien entendu, une bibliothèque sonore littéralement illimitée, puisqu'il est possible de sampler, donc d'enregistrer et de transformer en instrument de musique tous les sons qu'il vous plaira (ou directement tous les instruments de musique traînant chez vous). Les amateurs seront ainsi ravis d'apprendre qu'il comporte 999 emplacements pour vos samples, un microphone interne, 24 MB de sons pré-enregistrés, des ports MIDI en veux-tu en-voilà, des sorties et entrées jack 3,5 mm, et qu'il peut être alimenté soit en USB-C, soit par 4 piles AAA.
Mais sa plus grande force semble être sa capacité de stockage, à la fois raisonnable et restreinte : 64 mégaoctets pensés pour lutter, à en croire David Eriksson, contre la procrastination :
"C'est une bonne limitation. Nous croyons que ce genre d'objet doit vous aider à écrire vos chansons, mais aussi à les finir. Offrir trop de stockage, c'est comme proposer à l'utilisateur une option "Je finirai plus tard"".
C'est d'autant plus important que le KO II s'adresse aux débutants : "Nous avons écrit un manuel entièrement pensé pour celles et ceux qui n'ont jamais touché un synthé. Par exemple, on y définit les termes techniques au lieu de partir du principe que vous savez de quoi on parle."
La décroissance, ça se danse sur combien de bpm ?
La réponse est en cours de création.
Peintre

En 2018, le Metropolitan Museum de New York, surnommé "le Met" (un peu plus de 3 millions de visites annuelles) a commencé à fermer, l'une après l'autre, ses salles consacrées à la peinture européenne : ce sont 45 galeries pour 700 œuvres s'étendant du XIV au XIX° siècle qui furent éteintes successivement, puis totalement en mars dernier.
Ce n'était évidemment pas un acte de vandalisme, mais la conséquence inévitable du remplacement des plafonds et lucarnes datant de 1939, ainsi que de la remise à niveau du système d'air conditionné, le tout pour un petit budget de 150 millions d'euros.
Tout a rouvert cette semaine et Artnews a pu visiter la nouvelle disposition. Celle-ci s'avère conçue pour —attention aux esprits sensibles, la nouvelle peut s'annoncer extrêmement douloureuse— mettre en valeur des artistes invisibles jusqu'ici (principalement des Noirs et des femmes. Toutes nos condoléances au Figaro).
"Cette nouvelle organisation de l'exposition permanente élargit le concept même de peinture et sculpture européennes", écrit Artnews. "Cette dénomination fort commune dans les musées occidentaux est inexacte, semblent nous dire les curateurs du Met, car l'influence de ce continent s'étend au-delà de l'Atlantique et même du Pacifique.
Une galerie dédiée à l'art des Amériques espagnoles le prouve. Parmi des œuvres produites au Mexique, au Guatemala, au Pérou et ailleurs [sous la colonisation espagnole], on trouve un tableau d'environ 1770-80 qui représente, de la main d'un artiste anonyme de Cuzco, une sculpture de la Vierge Marie. L'histoire veut que celle-ci, connue sous le nom de Notre Dame de Valvanera, fut cachée dans un arbre de la région espagnole de Rioja, avant de se révéler à un voleur que l'on voit ici agenouillé devant elle [c'est la pièce au centre de l'image ci-dessus, NDLR]. La peinture, avec ses coups de pinceaux anguleux typiquement ibères, témoigne d'une connexion certaine avec l'Espagne qui avait colonisé le Pérou deux siècles plus tôt."
Le Met a également balayé la présentation traditionnelle, géographique, pensée en mouvements artistiques liés aux pays qui les ont vus naître, pour lui préférer un accrochage uniquement chronologique : "certaines galeries restent thématiques […], mais on voyage désormais dans le temps, de l'Italie gothique à l'Espagne baroque, puis, via l'âge d'or hollandais, jusqu'au néoclassicisme français".
Aux côtés des pièces exceptionnelles, toujours bien présentes, de Van Eyck, du Caravage, de Poussin, d'El Greco, de Goya et d'une époustouflante collection néerlandaise, on pourra donc découvrir d'autres artistes longtemps ignorés :
"Certaines nouveautés peuvent nous échapper au fil de la déambulation. En voici une : L'Éruption du Vésuve, Vue par-delà Naples, de Pierre Jacques Volaire, réalisée vers 1776, où l'on voit un groupe de gens, frappés de stupeur, se recroqueviller face à un jet de roche en fusion. Projetée dans le ciel nocturne, la lave vient perturber la sérénité du clair de lune qui éclaire les nuages. C'est une nouvelle acquisition du Met, qui lui a été donnée cette année même. Un bon rappel des surprises, nombreuses, que le musée a encore en réserve pour le futur."
Femme
Une légère éclaircie s'annonce au Pakistan où, pour les femmes (quoique, vous savez, pas seulement), la météo s'annonce généralement couverte. Cela grâce aux progrès de BusCaro, une application de transports en commun dédiée à améliorer la sécurité lors des trajets quotidiens.

Les agressions sexuelles, qui peuvent prendre des tournures extrêmement violentes, sont encore très courantes au Pakistan, et particulièrement dans les transports en commun. Au point que nombre d'entre elles préfèrent simplement renoncer à leurs déplacements, quitte à abandonner certains projets de vie, comme le relève TechCrunch en prenant l'exemple de Maha Shazhad, 19 ans, qui a délaissé ses études universitaires faute de moyen de transport "sûr et fiable" . Elle a ensuite trouvé un emploi… et plus de la moitié de son salaire passait dans ses trajets domicile-travail. C'était le seul moyen, à ses yeux, de s'y rendre sans risques… Jusqu'à ce qu'elle laisse tout tomber pour fonder BusCaro, une startup qui vient de lever 1,5 millions de dollars afin de se développer, grâce au programme Orbit Startups du fond d'investissement philanthropique américain SOSV.
BusCaro n'est pas un Uber local, mais bien un moyen privé de développer les transports en commun, en fonction des besoins à la fois des consommateurs et des entreprises ou institutions. "Par exemple", écrit le journal économique, "une université peut la contacter pour proposer des trajets sécurisés à ses élèves, ou une usine pour offrir des navettes à ses employés […] BusCaro veille à la sécurité des passagères et passagers en vérifiant les antécédents des conducteurs, en inspectant régulièrement les véhicules et en les géolocalisant. La jeune pousse dispose en outre d'une équipe d'intervention d'urgence, d'un service client ouvert 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7, ainsi que d'un système qui permet de partager sa position en temps réel auprès de ses contacts, familles et amis. Les femmes peuvent même montrer un faux nom au chauffeur lorsqu'elles embarquent. La société travaille actuellement à ajouter un bouton "Panique/SOS" sur son application, qui permettra de la joindre directement, elle ou l'agence de sécurité Mohafiz, son partenaire."
C'est sympa mais aussi profitable, semble-t-il, puisque, lancée en 2022, BusCaro revendique déjà 300 véhicules à Karachi, Lahore et Islamabad, 20 000 trajets quotidiens et 2,5 millions de dollars de revenus, de quoi devenir bénéficiaire dès l'an prochain. Contrairement à Uber, par exemple, qui perd encore et toujours de l'argent chaque année, la structure n'a pratiquement pas de frais à engager pour acquérir des clients, puisqu'elle opère via les entreprises ou institutions publiques qui ont besoin de ses services. Et le fait d'utiliser vans et minibus permet, bien entendu, de faire baisser drastiquement les frais d'essence et d'entretien… tout comme le prix du billet.
"C'est difficile de parvenir à la diversité et à l'inclusion quand les femmes doivent dépenser plus de 30 % de leurs revenus simplement pour se rendre au travail sans danger ni incidents. Nous soutenons BusCaro parce qu'elle permet aux femmes comme aux hommes de réserver des transports en commun sécurisés, abordables et efficaces. Tout cela leur donne plus de possibilités, et contribue, d'une manière générale, à l'ouverture de l'économie", résume le directeur de Orbit Startups, William Bao Bean.
Métro, boulot, coup de couteau dans le dos, dodo.
Mode
Pour la Grèce, Taïwan, ça commence à bien faire

Toutes les familles dysfonctionnelles le savent : quand un problème est vraiment complexe, le mieux c'est de ne plus jamais en parler. Une belle philosophie qui inspire également le gouvernement grec, semble déplorer Nikkei Asia.
Le 4 octobre dernier, révèle le magazine économique, la Vice-Ministre des Affaires Étrangères Alexandra Papadopoulou a adressé un e-mail "à l'ensemble des diplomates et aux employés des autres ministères" pour leur rappeler que participer à des événements organisés par Taïwan pouvait leur valoir des sanctions de la part de la Chine. Sa recommandation est d’éviter chaudement de rencontrer des représentants de l'île dans des bâtiments officiels. Elle conclut que "la participation de ministres, membres du Parlement et fonctionnaires à des réceptions ou des événements organisés par les bureaux de la Représentation [le nom de l'ambassade de facto de Taïwan à Athènes] doit être évitée, car pouvant être perçue comme une reconnaissance indirecte de l'indépendance de Taïwan", ce qui pourrait causer "des problèmes sérieux" dans les relations Grèce-Chine. "Une interdiction généralisée, même si ses modalités d'application ne sont pas claires", selon l'Institut des Relations Internationales, un think tank athénien.
Le mail était catégorisé comme "Urgent", car urgence il y avait : à l'approche de la fête nationale de la démocratie asiatique, le 10 octobre, divers "événements et réceptions" étaient en effet planifiés à l'attention des personnalités publiques du pays. Et aussi parce que, quelques semaines plus tard, le Premier Ministre Kyriakos Mitsotakis devait se rendre à Pékin. Un déplacement lors duquel il a fait savoir à Xi Jinping son souhait de servir de pont dans les relations sino-européennes, et d'accroître les liens d'affaire entre les deux puissances. Des liens déjà étroits —voire serrés— puisque la plus grande dictature du monde est déjà son premier partenaire économique hors U.E.
Le plus amusant, c'est qu'au même moment le groupe chinois Cosco a également augmenté sa participation dans le capital du port historique du Pirée : il en possède désormais les deux tiers. Il en avait déjà acquis la majorité quand le pays lui en avait cédé 51 % des parts, en pleine crise de la dette et sous pression de la Troïka (le Fond Monétaire International, la Commission Européenne et la BCE).
Une opération finalement décevante… même sur le plan économique, à en croire le Financial Times, qui écrivait ce 16 octobre :
"Ce transfert complémentaire des actions vient clore 5 ans de négociations, qui se sont souvent retrouvées à la jonction entre la pression des groupes d'intérêt locaux, la bureaucratie hellène et les tensions diplomatiques. Selon un accord préliminaire signé en 2016, Cosco devait en effet recevoir ces parts à condition d'avoir de son côté mené à bien 11 projets d'investissements, représentant un total d'environ 300 millions d'euros, avant 2021. Une liste qui comprend, par exemple l'augmentation de la capacité du port pour recevoir des bateaux de croisière, ou la mise à niveau de son chantier naval.
La plupart sont aujourd'hui inachevés. La Chine fait porter la responsabilité de cet échec sur la bureaucratie grecque et sur l'opposition des associations. De fait, les résidents du Pirée ont lancé une série de procès contre Cosco, l'accusant de n'avoir pas respecté les protocoles écologiques, et abîmé l'environnement marin. "Je suis né et j'ai grandi dans le quartier, et cet investissement va détruire ma ville", déplore Anthi Giannoulou, un avocat qui compte parmi les citoyens impliqués dans ces actions en justice. D'autres groupes d'intérêt locaux ajoutent que les investissements qui ne se sont pas heurtés à des procédures juridiques sont eux aussi loin d'être complétés. "Ils n'ont pas dépensé un centime ici : même quand il faut changer une ampoule, ils la font venir de Chine", enrage Vassilis Kanakakis, le secrétaire général du syndicat des ouvriers maritimes.
L'accord a aussi fait l'objet d'une attention particulière de l'Union Européenne, dans cette période délicate de ses relations avec le pays. Face à une nation de plus en plus affirmée, l'U.E. cherche désormais à protéger ses secteurs stratégiques de l'influence chinoise. Selon les experts, le deal du Pirée est fréquemment cité par les officiels, comme un exemple à ne pas suivre quand il s'agit de pousser des États à privatiser leurs actifs. […] "Avec le recul, il aurait été mieux de ne pas vendre le port du Pirée", remarquait Werner Hoyer, président de la Banque Européenne d'Investissement, lors d'une visite à Athènes en juin dernier."
Comme l'a dit, en des temps plus anciens, le philosophe Homer Simpson : "Pourquoi les choses qui n'arrivent qu'aux gens stupides n'arrivent qu'à moi ?".
Beauté

Avez-vous bien révisé vos murs ?
Depuis qu'ils ont commencé à faire parler d'eux dans les années 1960, le tag et le graffiti se sont taillés de sérieuses lettres de noblesse. On eut beau s'écœurer et s'agacer, il semble toujours aussi difficile d'empêcher l'expression libre, jusques et y compris sur les murs, ou de la faire dégénérer en blagues, en politique, voire en art.
Comme le note Connaissance des Arts, d'ailleurs, le street art se trouve aujourd'hui pris dans un étonnant paradoxe, puisqu'il s'expose désormais très largement sur les écrans et notamment les réseaux sociaux, ce qui en bouleverse les formes, la pratique, la portée.
C'est du moins le sens de l'exposition Loading*. L'art urbain à l'ère numérique, qui se tiendra à l'Opéra Bastille du 6 décembre au 21 juillet. Conçue par le Grand Palais Immersif, une structure de la Réunion des Musées Nationaux - Grand Palais (RMN-GP) qui a pour mission de développer de nouvelles formes de visite "audiovisuelles, narratives, interactives et immersives", Loading* "retracera l'histoire de l'art urbain" et de "l'impact des technologies de production et de diffusion digitale sur le travail des artistes".
On le sait : en français il ne faut pas écrire "digital" mais "numérique". Connaissance des Arts aussi le sait, mais on ne peut pas leur en vouloir car, en français aussi, il faut éviter les répétitions. Et le terme "numérique" a déjà quelques emplois dans l'article, en grande partie car celui-ci nous annonce également la création d'un nouveau cours en ligne entièrement dédié à l'art urbain. Créé lui aussi sous l'égide de la RMN- GP et co-financé par la Fondation Orange —comme ses 6 précédentes formations hum, eh bien, numériques ("L'Impressionnisme", "Picasso", "Une brève histoire de l'art", "La Photographie", "Les Peintres Femmes" et "Les Année Folles").
Ce MOOC (Massive Open Online Course, soit enseignement de masse en ligne) sera dirigé par Stéphanie Lemoine, enseignante à Paris Sorbonne, mais aussi journaliste et critique d'art. Après un détour par les fresques de Lascaux (eh oui !), puis par les plus les premiers graffitis du métro new-yorkais, elle consacrera un deuxième module à l'engagement des street artistes, qui "peuvent utiliser cet "art révolté" pour défendre des idées et mener des combats de leur époque à travers des œuvres gratuites et éphémères diffusées au plus grand nombre". La dernière séquence interrogera les mutations des créations murales à l'ère des écrans qui, peut-être, en renouvellent jusqu'à la nature même.
Il manque toutefois à ce beau programme, si je puis me permettre, la notion de graffitis utiles et autres messages de service publics généreusement dispensés sur les murs. Cela reste en effet, en cas d'invasion zombies, le moyen idéal de rappel aux autres survivants que le meilleur moyen pour se débarrasser des morts-vivants et autres goules, c'est de viser la tête (je devrais d'ailleurs, également, vous le rappeler régulièrement : un survivant averti en vaut deux).
Bizarre

Silence ! Gandhi vous parle
2023 n'est pas une année plus absurde qu'une autre pour voir Bollywood se lancer dans le film muet. Et même, plus curieux encore, dans une comédie musicale silencieuse —à l'exception, cela va de soi, de la bande-son signée A.R. Rahman (Oscar de la musique pour Slumdog Millionaire).
Gandhi Parle, ainsi qu'est ironiquement baptisé ce long-métrage, qui vient de faire l'ouverture du 54° Festival International du Film d'Inde à Goa, "est un vrai cadeau pour le compositeur que je suis", a confié Rahman à Variety. "Le réalisateur, Kishor P. Belekar, tout en maintenant son intégrité, a reconnu mon rôle créatif, et m'a donné toute liberté pour écrire. C'était un processus exaltant. Je pouvais refaire ce que je voulais, du moment que cela m'apparaissait nécessaire d'un point de vue créatif. Ce film, c'est une vraie bande démo pour moi."
L'histoire suit le parcours de citadins miséreux, qui finissent par recourir à l'escroquerie pour s'en sortir. Mais en eux, Gandhi, ses leçons, ses forces et ses encouragements, parlent. Pourront-ils l'entendre et renouer avec une certaine éthique de vie ?
"C'est un enjeu universel", a confié l'un des comédiens, "qui transcende les barrières de la religion, mais aussi du langage puisque c'est muet."
Il a raison. On dit souvent, je dis souvent, qu'il faut savoir entendre l'enfant en soi. Mais écouter Gandhi en nous, ce n'est sans doute pas la pire façon de se préparer à l'année qui vient.
Mais aussi, mais encore

En bref : les news auxquelles vous avez échappé
Pendant ce temps-là, ici, ailleurs et à côté…
Fin de la panne géante, aux origines inconnues, qui a paralysé les services officiels de la Corée du Sud pendant 56 heures (The Korea Times) — Suite à un accident mortel, la ville de San Francisco interdit une compagnie de taxis autonomes, entraînant la démission de son président (Wired) — Le Président de l’Ouzbékistan présente au pays sa nouvelle flotte de drones militaires (Intellinews) — Au Kenya, les négociations internationales pour lutter contre les déchets plastiques s’achèvent sans succès (Goodplanet) — Les enfants de la ville de Cournon d’Auvergne, dans le Puy-de-Dôme, plantent une forêt comestible grâce au soutien de la commune (La Relève et la Peste) — Le boys Band Mirror de retour sur scène : un front avancé de la pop hong-kongaise face à l’hégémonie mondiale de son équivalent coréen (Variety) — L’Inde chercher à réguler les “deepfakes”, ces vidéos frauduleuses produites par l’intelligence artificielle pour répandre des fausses nouvelles (TechCrunch) — Le salon aéronautique de Dubaï s’achève sur un triomphe pour Boeing face à Airbus (Business Insider).
Et sur le Fil PostAp : Lundi Matin se penche sur les Gilets Jaunes, le Centre Pompidou poursuit sa grève, Alicia Keys produit sa comédie musicale, SpaceX ne va pas si mal qu’il y paraît, le Danemark pourrait faire la police en mer Baltique, et Florence expose les chaussures de Salvatore Ferragamo.

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Prochaine newsletter : samedi 2 décembre.
Gardons les pieds sur Terre pendant que ça tourne.
Un grand merci à Marjorie Risacher pour sa relecture attentive, et ses coquillicides impitoyables.





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