L'Édition du week-end #47
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Chère lectrice, cher lecteur,
permettez moi de vous souhaiter un excellent week-end en compagnie, cette semaine, de Bikini Airlines, de burgers hors de prix, de livres censurés, de Fonzie, de faux tétons, de la salamandre des Alpes, d’eau fraîche et de syndicalistes optimistes.
Très bonne lecture,
la conscience artificielle de votre téléscripteur favori.
La victoire de la semaine

Aux USA, après des décennies de déclassement, les ouvriers de l'automobile vont redécouvrir les joies de la classe moyenne
C'est quand même rigolo, ça. Vous aviez peut-être entendu parler de la grève lancée le mois dernier dans le secteur automobile américain. Une recherche dans Google Actualités (faite à partir d'un profil "Incognito", pour que les réponses ne soient pas influencées par mes propres habitudes de navigation) me confirment que, il y a encore trois semaines-un mois, on en parlait partout dans la presse francophone : Le Monde ("Grève automobile aux États-Unis : "Tout augmente, sauf notre fiche de paie""), France Info ("Automobile : la grève historique qui touche l'industrie américaine fait trembler les constructeurs français"), Libération (""Ford n'a pas compris le message" : aux États-Unis, la grève dans le secteur automobile dure et s'amplifie"), BFM ("États-Unis : 4 000 salariés supplémentaires en grève dans l'automobile")…
Pourtant, en dépit de ces infos plutôt anxiogènes, témoins de la crise de nos systèmes, des durcissements politiques et des divisions, les titres français se font beaucoup plus rares et certainement moins pressés de signaler depuis lundi que, ah non, tout va bien en fait : la grève s'est terminée ce 30 octobre, sur une victoire colossale des syndicats (au risque de pénaliser la compétitivité des entreprises touchées ? Absolument pas, comme on va le voir).
Rapide rappel des faits : les salariés des trois grands constructeurs américains —Ford, General Motors et Stellantis (autrefois Chrysler)— réclamaient principalement des hausses de salaire. Sous l'impulsion du syndicat UAW (United Auto Workers) et de son nouveau leader Shawn Fain, élu ce printemps ("Aujourd'hui, je tiens à informer les entreprises que l'UAW est de nouveau un syndicat de combat"), ils avaient pourtant placé la barre assez haut : l'augmentation demandée, étalée sur 4 ans pour tous les salariés, était de 40 %, afin de correspondre à celle qu'ont connu les revenus de leurs patrons sur la décennie passée (Jim Farley, le PDG de Ford, émarge à 21 millions de dollars annuels ; Carlos Tavares, celui de Stellantis, à 24,8 millions et Mary Barra, celle de General Motors (GM), à 29 millions, selon des chiffres compilés par CNBC).
Finalement, les grévistes ont obtenu 25 % de hausse de salaire en moyenne sur 4 ans, la prise en compte de l'inflation dans leurs futures paies, davantage de cotisations patronales sur les retraites, et le droit de faire grève en cas de fermeture de site, droit qui avait été suspendu par règlements internes lors de la crise financière de 2008.
"Je ne crois pas que le syndicat ait jamais emporté une telle augmentation en un seul accord. C'est vraiment, quand on y pense, à couper le souffle. C'est plus que tout ce qu'ils ont obtenu sur les vingt dernières années cumulées", relate le podcast du New York Times, The Daily. Il rappelle ainsi que "avec un peu d'heures supplémentaires, les ouvriers pourront assez facilement atteindre les 100 000 dollars annuels. Dans une ville industrielle comme, par exemple, à Flint dans le Michigan, ils pourront de nouveau s'offrir le mode de vie de la classe moyenne." Et, pour enfoncer le clou : "C'est particulièrement frappant pour les plus bas salaires : quelqu'un qui gagne 20 dollars de l'heure en empochera le double dans quatre ans."
Un succès réconfortant ? Oui, sans barguigner car, rappelle-t-il également : "L'économie a changé depuis l'époque où certaines spécificités des contrats de travail compliquaient réellement la vie des employeurs à Detroit, surtout face à la compétition internationale. Aujourd'hui, les salaires ne représentent qu'environ 5 % du prix d'une voiture. Ce sont ces 5 % seulement qui vont augmenter, c'est une portion négligeable, ça ne va pas faire dérailler ces entreprises. […] D'ailleurs, elles s'y sont préparées : cela fait environ deux ans qu'elles ont commencé à diminuer leurs autres postes de dépense, pour amortir de tels changements."
Un succès réconfortant, donc. Dû à la combativité du nouveau leader de l'UAW Shawn Fain, mais aussi à une stratégie de lutte entièrement repensée. The Daily, toujours :
"Auparavant, ils choisissaient une entreprise, mettaient à l'arrêt toutes ses usines, négociaient un accord puis essayaient d'obtenir les mêmes concessions auprès des deux autres constructeurs […] Cette fois, ils se sont attaqués aux trois en même temps, et ne cessaient le travail que dans quelques sites. Avec le temps, ils en ajoutaient, lentement mais sûrement. Ça a profondément décontenancé les employeurs, qui ne savaient jamais à quoi s'attendre, d'un jour à l'autre. C'était, pour eux, frustrant et angoissant. Ils étaient privés de leur capacité d'anticipation.
Le meilleur exemple, c'est ce qui s'est produit début octobre. Ford et le UAW avaient rendez-vous pour négocier. Ils se sont retrouvés dans une grande pièce, avec une table gigantesque, 50 chaises d'un côté, 50 de l'autre. Le syndicat en attendait beaucoup mais, dès le début de la discussion, Ford leur a fait savoir qu'ils n'avaient rien à leur proposer. Ça a vraiment surpris Fain. Ça l'a profondément agacé. Et, sur place, dès ce moment-là, il leur a dit "Bon, eh bien vous venez de perdre Kentucky Truck". Il faisait référence à une usine de camions à Louisville, dans le Kentucky. La plus grande et la plus profitable du groupe. Il a quitté la réunion au bout de quelques minutes seulement, il a appelé le leader local dans le Kentucky, et lui a dit : "Vos employés doivent cesser le travail". Ce qu'ils ont fait le soir même.
Ça a été très spectaculaire. Ça a montré qu'il pouvait agir très rapidement, en un lieu et un endroit auquel l'entreprise ne s'attendait pas. Et ils ont aussitôt fait fermer, aussi, deux grosses usines de camions de GM et Stellantis. Très rapidement, deux semaines plus tard, ils avaient un accord avec Ford puis, 3 jours après, avec GM et enfin, ce 30 octobre, avec Stellantis. C'est ainsi que s'est achevée la grève, au bout de six semaines. Six semaines d'arrêt du travail qui ont coûté à GM, selon leurs propres chiffres, 800 millions de dollars. Une somme conséquente, mais ils vont s'en remettre : leur chiffre d'affaires prévisionnel pour cette année, c'est dix milliards de dollars, donc ce n'est pas ça qui va les couler."
25 % de hausse de salaire en 4 ans, qui vont se retrouver illico injectés dans l'économie, dans les modes de vie, les projets immobiliers, ça ferait du bien ici aussi, non ? Ça pourrait redonner un peu d'espoir, et redorer le blason des syndicats dont tout le monde déplore plus ou moins sincèrement la perte de vitesse et de crédibilité, il me semble.
Pourquoi si peu de reprises ici, alors ? Un indice se trouve, peut-être, dans la recherche Google mentionnée plus haut, car j'ai gardé le meilleur pour la fin. Si, certains sites français en parlent de cette victoire. Voyons si leurs noms peuvent nous aider à comprendre pourquoi. Il s'agit de Révolution Permanente ("Fin des grèves dans l'automobile aux États-Unis : les grévistes arrachent 25 % d'augmentation de salaire") ; L'Anticapitaliste ("La grève automobile aux USA : un tournant dans la guerre des classes pour Shawn") ; Info Libertaire ("Victoire historique de la grève automobile) et —cherchez l'erreur— L'Opinion, le quotidien lancé en 2013 par l'ex des Échos et du Figaro, Nicolas Beytout, pour défendre une ligne "libérale, pro-européenne et pro-business", au capital détenu par lui-même, par Bernard Arnault, par la famille Bettencourt et par Rupert Murdoch ("Automobile : la grève est finie à Détroit, mais la note est salée pour les constructeurs") *.
Et pourtant, en toute franchise, j'ai l'impression que cette info pourrait intéresser au-delà des groupuscules anarcho-trostkystes de ce pays. Peut-être que cela pourrait même inspirer quelques travailleurs, ici ou là ? (Ne cherchez pas la réponse, elle est dans la question). C'est du moins la conclusion qu'en tire Neal Boudette, le journaliste du New York Times qui synthétisait l'affaire dans The Daily :
"C'est très impressionnant, ce qu'a réussi Fain. Ce ne sera pas sans conséquences, non seulement pour son propre syndicat, l'UAW, mais aussi pour les autres, et même pour les travailleurs non syndiqués. Pour l'UAW, cela va les aider à recruter et à s'organiser, parce que cela améliore leur image et leur réputation. Pendant des années, ils étaient en recul. Maintenant, ils font progresser leurs membres, ils leur font gagner de meilleurs salaires, et de meilleures retraites. Ça les rend plus attractifs aux yeux d'autres employés qui pourraient être tentés de les rejoindre.
C'est d'ailleurs le projet : l'UAW a désormais les yeux rivés sur le sud du pays et le Midwest, où sont installés les constructeurs étrangers —Toyota, Honda, Hyundai, Nissan. Leurs usines n'ont pas de syndicats. Dans le passé, l'UAW a tenté de s'y implanter, sans succès. Shawn Fain a été très clair : son ambition c’est, comme il le dit, de reprendre la route. Et de recruter.
* Si, tout de même, ce samedi matin, Le Monde s'ajoutait à la liste ("Aux États-Unis, les salariés syndiqués et les États du Sud, grands vainqueurs de la grève de l'automobile").
Votre horoscope tribal

Le signe de la semaine : Businesswoman
Vous le savez, la vie est faite de plaisirs simples : une coupe de champagne dans son jacuzzi, un nouveau bar en marbre dans son jet privé, ce genre de choses. C'est tout le mal, du moins, que l'on souhaite à Thi Phuong Thao Nguyen, cette cinquantenaire qui s'avère la première femme d'entreprise "autodidacte et milliardaire" du Vietnam, se réjouit Forbes.
Le magazine des grandes fortunes en pleurerait de joie : la compagnie aérienne low-cost VietJet Aviation qu'elle dirige, vient en effet de lever 100 nouveaux millions de dollars pour agrandir sa flotte, "dans le contexte d'une solide reprise post-Covid." D'ailleurs VietJet, qui affiche sur les 9 premiers mois de l'année une croissance de 30 % par rapport à la même période de 2022, profite de son élan pour s'internationaliser : la Corée du Sud, Taïwan, Hong Kong, mais aussi Adelaide, Brisbane, Melbourne, Perth et Sydney, en Australie, se sont récemment ajoutées à la liste de des destinations.
"Pour soutenir cette croissance", décrypte Forbes, "VietJet —également connue sous le nom de "Bikini Airline" en raison de ses fréquentes opérations de communication impliquant, en guise d'hôtesses de l'air, des mannequins en maillots de bain deux-pièces— a commandé 200 Boeing 737 MAX sur 5 ans, pour un total de 25 milliards de dollars […] Nguyen, qui a débuté comme négociante en matières premières, a lancé VietJet en 2011, et l'a fait entrer en bourse 6 ans plus tard. Forte d'un patrimoine net de 2,1 milliards de dollars, elle a depuis investi dans la banque d'affaires HD Bank et dans l'immobilier, dont trois stations balnéaires."
Elle a raison : allongée sur une plage du Vietnam, c'est la meilleure façon d'admirer les longues traînées célestes dessinées par sa flotte de 737 envoyées de par le monde, tout en feuilletant un magazine de mode à la recherche du prochain maillot sexy à faire porter à son armée de jeunes filles pour sa pub.
Vous voyez, je ne mentais pas : la vie est faite de plaisirs simples, en 2023.
Diabétique
On se retrouve au MacDo ? Non pas du tout, on s'y croise désormais, d'une manière étrangement symbolique et révélatrice.

La clientèle de la chaîne de restauration rapide est en train de changer. Les pauvres y vont de moins en moins, car McDo est de plus en plus cher, avec deux hausses consécutives des prix de 10 % aux États-Unis. Aux USA, le Big Mac a passé la barre des 5,50 dollars en juin dernier. Ça commence à faire cher l'éponge au steak haché. En France, le menu atteint facilement les 15 euros pièce, même en province : on a connu des bavettes plus attirantes. Alors, les pauvres désertent McDo et, en-dessous de 45 000 dollars par an, selon le PDG du groupe Chris Kempczinski, c'est de moins en moins un rendez-vous.
Mais ce n'est pas très grave puisque, à l'inverse, les classes moyennes, voire aisées, commencent à en prendre l'habitude… Vu que leurs restaus habituels deviennent eux aussi moins abordables. En résumé, la junk food, c'est désormais un truc de riche. "Mais notre valeur va bien au-delà du prix", a expliqué Kempczinski à ses actionnaires lors de leur dernier coup de fil trimestriel, relaté par le Business Insider : "Notre valeur, c'est toute l'expérience client. La préparation est remarquable, c'est-à-dire que les consommateurs sont servis plus rapidement, de la nourriture plus chaude et meilleure au goût. Ça compte beaucoup."
L'essentiel dans la vie n'est-il pas de se contenter de peu ? On peut aussi tous se convertir à l'ascétisme hindou, si ça vous arrange, hein.
Éditeur
Aujourd'hui s'achève le Salon International du Livre d'Alger (Sila). C'est un événement d'importance pour les amateurs et amatrices de littérature sous toutes ses forme (fictions, essais, documents, jeunesse…), pour les écrivaines et écrivains, mais aussi pour les maisons d'édition. Car le Sila, avec son million de visiteurs, ses 300 000 titres et ses plus de 1 200 exposants représentant 61 pays, c'est le moment crucial pour faire son année.

C'est le cas pour Koukou, une maison d'édition algérienne "créée en 2009, dans un environnement hostile qui ne tolère pas les voix dissidentes", nous dit son site internet. Pour elle, le Sila représente 50 % du chiffre d'affaires, comme l'explique son fondateur au site Jeune Afrique, en se désolant d'apprendre par courrier électronique qu'elle serait interdite de salon. La raison : "des dépassements constatés dans les publications, contraires au règlement du Sila et que vous exposez sur votre stand". On pourrait dire que c'est vague mais pour l'éditeur, c'est plutôt de la provocation. Car si l'on veut parler de "dépassements", Koukou a plus souvent été victime que coupable : en 2016, son stand avait été vandalisé par des inconnus jamais retrouvés, et des cartons de livres dérobés. En 2018, écrit Jeune Afrique, "des individus se présentant comme des membres de la commission de lecture tentaient de saisir deux ouvrages, sans décision de justice ni notification écrite". Quatre ans plus tard, "un officier des douanes, qui prétendait agir sur « ordre supérieur », se présentait au stand de Koukou pour notifier verbalement à ses responsables l’interdiction de douze ouvrages exposés au Sila et vendus en librairie depuis des années".
Oui, parce qu'évidemment, le souci, ce sont bien les les choix éditoriaux de Koukou. Plus spécifiquement quatre livres. Deux essais de l'universitaire Hela Ouardi retraçant, pour l'un, la fin de vie du Prophète (Les Derniers Jours de Muhammad, au sujet duquel on peut trouver ici une interview passionnante de l'autrice) et, pour l'autre, son héritage contesté (Les Califes Maudits) ; une enquête journalistique sur le meurtre de Mohamed Khider, un militant indépendantiste qui se retourna contre le régime autoritaire mis en place par le FLN et assassiné en 1967 à Madrid par les services de son propre pays ; et, sans doute plus gênant encore pour le pouvoir actuel, Libertés, dignité, algérianité : avant et pendant le Hirak, du sociologue Mohamed Mebtoul (le Hirak étant, on le rappelle, ce début de révolution impulsé par la succession de Bouteflika, interrompu par la pandémie puis sévèrement réprimé).
Le fondateur et directeur de Koukou Éditions reste surpris par cette censure, car les livres restent, eux, autorisés à la vente en Algérie. Il s'indigne cependant des choix faits par une mystérieuse "Commission de lecture" au ministère de la culture. Celle-ci supporte en effet très bien d'accueillir Mein Kampf ou les Mémoires de Mussolini tout en interdisant celles de Malcolm X. Malgré tout, il trouve matière à se réjouir : "les auteurs de qualité sont de plus en plus nombreux à nous confier leurs ouvrages", confie-t-il au média africain, qui en profite pour dresser le portait de ce militant de toujours.
Parce que cet homme, Arezki Aït-Larbi, est un héros.
Il a fait ses premières armes au sein du mouvement pour la reconnaissance officielle de la langue et de la culture berbères : c'est ce qui justifie son premier séjour en prison, en avril 1980. Libéré, il y retourne à peine un an plus tard, cette fois pour huit mois fermes "dans une cellule qu’il partage avec d’autres membres du Collectif culturel de l’université d’Alger". À sa sortie, il participe à la création de la première Ligue algérienne des droits de l'homme, et se retrouve presque aussitôt incarcéré deux ans au pénitencier de Tazoult-Lambèse dans le massif de l'Aurès.
Pas de quoi le calmer : "En 1989, avec d’autres camarades de lutte, il fonde l’un des premiers partis démocratiques et ouvertement laïcs du pays : le Rassemblement pour la culture et la démocratie, dont il s’éloigne peu après pour se consacrer au journalisme, en tant que chroniqueur et reporter. Il sera correspondant de plusieurs publications étrangères, comme Le Figaro, Ouest-France ou La Libre Belgique, mais les autorités lui refuseront obstinément une accréditation officielle ainsi qu’un agrément pour la création de son propre journal. En 2009, il crée la maison d’édition Koukou".
Et comme on le voit, il n'a toujours pas appris à se taire, ou à placer son bien-être et sa sécurité au-dessus des libertés de ses concitoyens. Il faudrait songer à ouvrir une cagnotte pour lui élever une statue, que je verrais bien sous la forme de deux cachets d'Alka-Seltzer se dissolvant dans un verre, en hommage aux innombrables migraines que, on peut l'espérer, sa détermination et celle de ses nombreux semblables donnent encore et toujours aux censeurs d'ici et d'ailleurs.
Blouson noir

Il a fallu attendre 50 ans, depuis les débuts de la série Happy Days en 1974, pour que tombe la nouvelle la plus choquante, peut-être, de votre vie : Non, Fonzie, "The Fonz" en V.O., son héros motard, portant banane, santiags, t-shirt blanc, jeans et cuir noir, capable de réparer un juke-box d'un simple coup de poing bien placé, d'embraser les filles d'un seul regard, n'était pas cool.
Enfin, lui si, mais certainement pas son interprète, Henry Winkler, qui publie ces jours-ci son autobiographie. "Un véritable manuel de psychiatrie de tout ce qu'il ne faut pas être", résume avec affection The Washington Post : "toujours dans la peur, facilement blessé, perclus de doutes, égocentrique, infantile, tatillon et rancunier. C'est tout de même un homme qui s'est un jour plaint auprès de son épouse que leur fille lui avait fait de la peine. Ce à quoi Stacey, cette sainte femme, a répondu : "Mais, elle n’a que trois ans.""
Winkler, régulièrement loué par ses pairs comme l'un des acteurs les plus professionnels et les plus gentils du milieu a choisi pour se raconter la voie de l'honnêteté totale. Récemment, et tardivement à la fois, honoré par un Emmy Award pour son travail remarquable dans la série Barry, où il incarne un prof de théâtre narcissique, raté et manipulateur, il s'est livré sans fard en 75 heures d'entretien auprès de son biographe.
Son parcours a de quoi inspirer : enfance difficile (ses parents le surnommaient, dans leur allemand natal, "dummer Hund", "idiot de chien"), adolescence compliquée par une dyslexie qui ne fut pas diagnostiquée avant ses trente ans —"J'étais furieux d'apprendre qu'il y avait un nom pour ce que j'avais. Je savais bien que je n'étais pas stupide. Toutes ces humiliations, toutes ces insultes, pour rien"— et débuts difficiles : lors de son audition pour entrer dans sa première école d'art dramatique, audition basée sur un monologue de Shakespeare, c'est le trou de mémoire. Il rebondit alors en improvisant, et il est pris.
Rebondir. C'est certainement son plus grand talent. Il éprouve par exemple toujours les plus grandes difficultés à lire, mais ça ne l'a pas empêché de co-signer une trentaine de livres pour enfants, dont récemment Détective Canard : l'Affaire de la flaque mystérieuse. Aujourd'hui, à 70 ans, parce qu'il n'est jamais trop tard pour se trouver et aller bien —chaque instant bien dans sa peau efface tout le reste comme par magie— Henry "The Fonz" Winkler a entamé une psychothérapie :
"On ne sait pas ce que l'on ne sait pas. Je vois ma vie comme un fromage suisse. Tellement de trous… Mon voyage à moi, ça va être de remplir tous ces trous, et d'enfin ressembler à un gros morceau de Cheddar."
The Washington Post (et en gratuit sur MSN)
Mode
Un nouveau jalon franchi dans la série “Est-ce bien nécessaire” ?

"Allumez la télé et vous tomberez sur une polémique inutile. Allumez dix fois la télé, et vous tomberez sur dix polémiques inutiles", a probablement dit Einstein ou un autre type en avance sur son temps.
Mais là, le dernier coup d'éclat (et, en termes de communication, de génie) de Kim Kardashian, la star de téléréalité devenue milliardaire, atteint des sommets (ou plutôt des abîmes).
Car Kim a inventé le soutien-gorge à tétons. C'est-à-dire un soutien-gorge avec deux faux tétons, cousus par-dessus la pièce couleur chair. L'idée est de permettre de maintenir les seins tout en laissant pointer les tétons —des faux, des bouts de tissu— sous le chemisier. En prime, elle a de l'humour : elle en justifie le port en plaisantant (semble-t-il) que "si le climat continue à se réchauffer, il faudra dire adieu aux tétons qui pointent". Elle s'engage même à reverser 10 % des bénéfices à l'ONG écolo 1 % pour la Planète.
Alors, le "Nipple Bra" tombe-t-il dans la soumission avilissante au consumérisme et au patriarcat, ou n'est-il qu'une innocente et joyeuse célébration de la sexy attitude ? Dazed a fait dialoguer deux expertes en mode et en féminisme, l'une pour, l'autre contre, pour nous aider à nous faire notre avis.
Mais je ne vais pas en relayer les arguments parce qu'on peut aussi, vous savez, juste s'en foutre. Non sans reconnaître à la quarantenaire un vrai talent pour la promo, à défaut d'inventivité : le même produit avait été proposé voilà 15 ans par Victoria's Secret, et avait fait un bide. Comme l'écrit la photographe et doctorante Emma Louise Rixhon : "Si vous voulez sauver la planète, vous pouvez aussi baisser le chauffage."
Beauté

La salamandre des Alpes remporte un concours de beauté
Chaque année, The Nature Conservancy, une ONG environnementale née en 1917 (sous l'impulsion de "la frange activiste de la Société Écologique d'Amérique") organise un concours photo destiné à célébrer la beauté du monde qui nous entoure.
Les résultats de l'édition 2023 viennent de tomber, avec un ou une gagnante par catégorie —elles sont au nombre de 12, de "Mammifères" à "Océans" en passant par "Insectes et Arachnides", "Plantes et Champignons" ou "Climat". À quoi s'ajoute un grand prix : ce cliché pris sur le vif d'une salamandre des Alpes, entourées d'œufs de grenouille dont elle s'apprête —toutes mes excuses, mais c'est aussi ça la nature— à faire son repas.
L'image de ce buffet à volonté un chouïa plus poétique que ceux du Formule 1 est signée du photographe hongrois Tibor Litauzski, qui s'est donné du mal pour ce résultat presque abstrait. Il lui a fallu de la patience, un déclenchement à distance et un peu d'astuce, comme il l'a raconté à Petapixel :
"J'ai placé l'appareil dans un étui étanche sous l'eau, lesté par des poids, puis ajusté la lentille et la distance en avance. Après, je m'en suis remis à la chance, en espérant que tout était à la bonne place. J'ai attendu la nuit dans les environs et, dès que le premier spécimen s'est montré, j'ai tout illuminé avec une lampe à LED, puis appuyé sur le déclencheur, via un contrôleur à distance fait-maison […] L'Allemagne est riche en rivières. Elles sont souvent propres, et coulent lentement, ce qui est idéal pour les salamandres. Je les ai observées de près pendant des années. Dès que les grenouilles ont pondu, à quelques jours près, quand arrive le crépuscule, les salamandres apparaissent, et en font leur repas tout au long de la nuit. C'est ce moment que j'ai tenté de saisir".
Malgré son côté carnivore, mais il faut ce qu'il faut, celle qu'on appelle aussi "salamandre noire" ne fabrique pas sa chaleur corporelle et peut pourtant vivre jusqu'à 2 500 mètres d'altitude. Ce qui en fait "une espèce vraiment cool", selon Lukas Keller, professeur au département de biologie évolutionniste de l'Université de Zurich. Tels sont du moins les mots justes qu'il emploie pour célébrer, en commentant un diaporama de Swiss Info, cet animal mythique couleur d'ébène.
The Nature Conservancy via PetaPixel
Bizarre

L'eau conditionnée, ou le paradis retrouvé des poissons d'eau douce
Et pendant ce temps-là, des scientifiques canadiens inventent la climatisation pour poisson. Ce n'est pas une image, ça semble efficace à première vue, et ça pourrait sauver truites et saumons par paquets de douze.
Car tout le problème de ces deux espèces, c'est qu'elles sont très sensibles à la température. "Entre 6 et 22°C, elles s'épanouissent", nous dit Interesting Engineering, qui relaie et vulgarise l'étude menée par l'université Dalhousie en Nouvelle-Écosse. "Mais à partir de 28°C, une exposition prolongée peut être fatale."
Quand il fait trop chaud, les animaux concernés savent trouver refuge dans des zones plus froides, là où surgissent des sources d'eau souterraine bien glacée par exemple. Mais ça ne se trouve pas sous le sabot d'un hippocampe et, compte tenu du changement climatique, il va en falloir plus, et distribuées plus régulièrement. Donc, il va falloir en créer. C'est ce que sont parvenus à réaliser les chercheurs, par différents systèmes, soit de puits et de pompes, soit de micro-barrages. Les poissons se sont précipités pour se rafraîchir dans ces asiles artificiels, comme le confirment les observations, menées par des drones équipés de capteurs thermiques, de caméras infra-rouges et d'enregistreurs vidéo à vitesse accélérée.
Ce sont des nouvelles encourageantes pour soutenir ces fragiles habitants des rivières, alors que celles-ci se réchauffent rapidement. C'est aussi la promesse, quand les machines nous auront définitivement remplacés, de voir se développer les premiers drones poètes, à force d'observer le ballet aquatique des saumons et truites dans leurs douce bulles tempérées.
Apprenons donc avec eux à voir la vie en gris-rose.
Mais aussi, mais encore

En bref : les news auxquelles vous avez échappé
Pendant ce temps-là, ici, ailleurs et à côté…
Avec l’arrivée de l’été austral, la Thaïlande annonce la création d’un corps de volontaires pour assurer la sécurité des touristes à Phuket (Thaiger) — Manifestations étudiantes en Turquie suite à une épidémie de suicides en cités universitaires (Duvar) — Début des plaidoiries de la défense au procès de l’ex-président mauritanien, contre qui le procureur réclame vingt ans de prison pour enrichissement illicite, abus de pouvoir et blanchiment d’argent (Pressafrik) — Le Kenya renonce au système de visas et ouvre ses frontières aux touristes issus de l’entièreté du continent africain (BBC) — Scarlett Johansson porte plainte contre une application qui a fait jouer une réplique générée par intelligence artificielle pour sa publicité télévisée (Variety) — Un trafiquant d’antiquités de 80 ans, soupçonné d’avoir vendu pour 60 millions d’euros de faux au Metropolitan Musem de New York et au Louvre Abu Dhabi, arrêté en Allemagne et remis à la police française (ArtNews) — Hello Kitty a 50 ans : le personnage le plus mignon du monde les fête avec un tour du monde en réalité augmentée (Creative Bloq).
Et sur le Fil PostAp : le retour des impérialismes vu par Duncan Bell, le portrait d’une famille d’immigrés vénézuéliens aux États-Unis, “Le Corbeau” d’Edgar Poe lu par Vincent Price et Christopher Lee, ou encore l’incroyable lumière des quasi-particules.

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Attention : pour cause de vacances mais aussi, on ne va pas se mentir, de travail à mener sur plusieurs fronts pour finaliser la transformation de la société éditrice de L’Édition du Week-end, celle-ci s’absente pour deux petites semaines.
Prochaine newsletter : samedi 25 novembre.
Gardons les pieds sur Terre pendant que ça tourne.
Un grand merci à Marjorie Risacher pour sa relecture attentive, et ses coquillicides impitoyables.





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