L'Édition du week-end #46
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Chère lectrice, cher lecteur,
permettez moi de vous souhaiter un week-end reposant en compagnie, cette semaine, du placard de Jane Austen, des écoles laotiennes, d’I.A. empoisonnées, de pauvres en veux-tu en voilà, de batteries d’enfer, des héritiers bien embêtés de Berlusconi, de Thomas la Locomotive et de l’app la plus gay du monde.
Très bonne lecture,
la conscience artificielle de votre téléscripteur favori.
L’app de la semaine

C'était en 2012. Hu Jintao allait céder la place à Xi Jinping. La Chine semblait s'ouvrir, un peu. Notamment sous la pression des critiques récurrentes face à la corruption de la nomenklatura. Le gouvernement laissait timidement exprimer en ligne ces reproches, ravi d'éloigner un peu l'attention de son autorité dictatoriale.
C'est l'époque où, pour Ma Baoli, le monde s'effondre. Le jeune homme, marié, vit dans une petite ville côtière. Il exerce alors le métier de policier et tient, sous pseudonyme, un blog dans lequel il raconte sa vie d'homosexuel dans le placard. Cette aventure a commencé douze ans plus tôt, alors que son orientation sexuelle était encore cataloguée comme maladie mentale par la société psychiatrique de son pays (ce sera le cas jusqu'en 2001). À La Tribune, il racontait récemment : "Les gens se donnaient des rendez-vous en écrivant sur les murs des toilettes. Tout le monde avait peur d'être découvert. Je me suis dit que j'allais lancer un site internet pour dire aux gens comme moi : vous n'êtes pas des êtres inférieurs, vous n'avez aucune raison de penser au suicide".
Le site se taille un petit succès dans la communauté et devient peu à peu un rendez-vous en ligne incontournable pour les gays de Chine. Jusqu'en 2012, donc, quand Ma Baoli se retrouve "outé" par un article de presse. Une catastrophe humaine et personnelle. Il contemple l'idée du suicide, mais trouve la force de choisir une autre voie : il quitte la police, s'improvise entrepreneur et transforme son blog en application de rencontres homosexuelle : Blued. Aujourd'hui, Blued est devenue la principale application LGBT dans le pays, compte ses abonnés par dizaines de millions, et vient d'annoncer son nouvel objectif : conquérir la planète, et devenir numéro 1 dans le monde.
Sauf que.
Sauf que depuis, l'idéologie de Xi Jinping a elle aussi dévoilé son vrai visage. Les rares espaces de liberté d'expression en ligne qui parvenaient à exister sont impitoyablement fermés. Leurs animateurs, traqués et enfermés. Souvent torturés. Il leur arrive parfois de simplement "disparaître". À partir de 2020, Ma Baoli et son application se retrouvent sur un fil : pour se développer, l'application a développé son propre système de streaming vidéo en direct, où l'on peut se tailler un début de célébrité ou devenir influenceur de la communauté. Or, entre vivre une sexualité minoritaire au grand jour, revendiquer le droit d'aimer, de ne pas être jugé pour ce que l'on est, s'encourager les uns les autres, et demander des droits sociaux, civils ou humains, la frontière est, aux yeux en tout cas du Parti Communiste Chinois (PCC), extrêmement ténue. Or, si l'homosexualité est tolérée, le besoin de démocratie l'est moins. Enfin, pas du tout.
Les critiques des organes de presse officiels du Parti, la surveillance et les pressions se font sentir sur Blued qui, pour survivre, change son angle d'attaque. Plutôt qu'un outil d'expression et de partage entre gays, elle se transforme en site de prévention du VIH et des maladies sexuellement transmissibles, d'entraide entre malade et de conseil santé. Voilà qui est plus difficile à attaquer. Sa maison-mère, BlueCity (qui a depuis lancé deux autres apps de rencontres, l'une pour les femmes et l'autre ciblant les vingtenaires), crée même une pharmacie en ligne centrée sur la santé masculine, HeHealth,. Celle-ci parvient à décrocher la certification nécessaire pour offrir ses propres téléconsultations —"Certains hommes ne se sentent pas assez à l'aise avec leur docteur pour évoquer des problèmes intimes, comme la dysfonction érectlie ou les MST", expliquait alors son directeur médical.
Mais plus le temps passe, plus le site se retrouve pris dans l'étau du PCC et de son désir de réglementer jusqu'aux mœurs et modes de vie. Car la Chine de Jinping n'est pas seulement tyrannique : elle est aussi nationaliste et militariste. Comme telle, non sans rappeler d'ailleurs, c'est amusant, les obsessions des extrêmes-droites aussi bien européennes que russes et américaines, mais aussi Daesh et les Talibans, elle voit dans la "féminisation" des hommes —un terme dans lequel entrent aussi bien, pour le PCC, la musique pop que les jeux vidéo bondissants et les fringues colorées— comme un péril. Une menace pour sa puissance et sa cohésion interne, qui passionnerait tout psychanalyste qui se respecte, mais passons.
Baoli finit par jeter l'éponge. Il cède Blued au puissant groupe NewBorn Town, spécialisé dans les jeux vidéo en ligne et sur smartphone. Le nouveau propriétaire sort la holding BlueCity de la Bourse —elle était entrée au Nasdaq en 2020—et Ma Baoli rend l'intégralité de ses mandats.
Cet été, donc, Blued a choisi de communiquer ses nouvelles ambitions. Elle avait déjà fait quelques pas à l'étranger, aux États-Unis notamment, mais elle se concentre désormais, en priorité, sur l'Asie du Sud-Est. S'imposer en poids lourd de la nouvelle économie lui assure une certaine protection face au contrôle de la machine de répression gouvernementale qui ne cache plus son homophobie : en 2021, Tencent avait sorti, du jour au lendemain, tous les groupes de discussion gays et lesbiens universitaires de son application WeChat, mais il s'agissait encore, du moins en apparence, d'une initiative privée. La fermeture récente, ce printemps, du centre d'information LGBT de Pékin, n'a plus ce prétexte. Et en août, spectateurs et spectatrices du concert pop de la chanteuse A-Mei ont découvert qu'il leur était interdit de porter des vêtements aux couleurs de l'arc-en-ciel, symbole désormais connu de la communauté homosexuelle.
Dans ce contexte, les propriétaires de NewBorn Town doivent marcher sur un fil… Surtout que les pays où elle apparaît ne sont pas forcément ravis de voir les données de leurs utilisateurs homosexuels possiblement aux mains du Parti Communiste. Bien entendu, le combat final se jouera aux États-Unis, où les manœuvres politiques contre TikTok témoigne d'une réelle vigilance des parlementaires face aux enjeux de confidentialité. C'est aux États-Unis aussi qu'est née Grindr, la première application au monde de rencontres gays, que Blued rêve de détrôner.
Peut-on, au cœur des récents tours de vis imposés par Xi Jinping à la communauté LGBT, imaginer les comptes et données des utilisateurs américains et européens aux mains d'une holding chinoise ?
Plus maintenant : Grindr avait précisément été rachetée par un groupe chinois, mais ce dernier a été forcé il y a trois ans de s'en débarrasser au profit d'une compagnie américaine. Le défi est donc colossal pour Blued et, personnellement, je n'en suis que d'autant plus réjoui d'imaginer Ma Baoli regarder tout ça de loin, un cocktail à la main au milieu de sa piscine pleine de cash.
Votre horoscope tribal

Le signe de la semaine : Dentellière
“Bien des idées que nous nous faisons de la façon dont on s'habillait à l’époque de Jane Austen, à la fin du XVII° et au début du XIX° siècle, viennent justement de ses livres” explique, dans le Financial Times, Hilary Davidson. Cette journaliste canado-américaine, également enseignante à l’Institut de Mode et Technologie à New York, résume pour le journal économique l’ouvrage entier qu’elle vient de consacrer à cette question.
Elle confesse se sentir un peu gênée de se pencher de cette manière sur le cas de l'artiste, "en fouillant dans ses placards", mais le projet ne manque pas de pertinence vu l'impact des œuvres d'Austen dans la culture populaire et la mode, encore aujourd'hui. Car c'est exactement l'angle qu'elle a choisi : explorer en profondeur la biographie de l’écrivaine anglaise, et éplucher sa correspondance (en particulier avec sa sœur Cassandra), pour en tirer un livre assez explicitement titré La Garde-robe de Jane Austen.
Le texte n'intéressera pas que les stylistes en devenir. Il permet aussi de mieux cerner la personnalité d’Austen, dont on sait peu de choses, en démontant par exemple certains clichés. “Austen suivait la mode de près, ce qui contraste avec l’image de “Tante Jane”, un cliché qui l’a longtemps représentée en rat des champs et célibataire endurcie, recluse dans la campagne éloignée où vivait sa famille, et définitivement mal fagotée.” Ses courriers témoignent non seulement de sa passion pour le sujet, mais aussi de ses joies quand telle ou telle robe suscite les éloges de l’assistance, un soir de bal ou de Noël. Davidson se régale en notant combien le désir d’une jeune Austen d’ajouter du coquelicot à sa capeline noire à ruban, “parce que le coquelicot va faire rage cet hiver”, colle aux gravures de mode française de l’époque, en 1790, “où la couleur rouge-orangé brille partout de mille feux.”
La moitié de son budget passait en fait dans les fringues, en comptant à la fois achat et entretien (à une époque où, faut-il le préciser, les vêtements élégants ne pouvaient être faits que sur-mesure). Cela rassurera peut-être quelques lectrices, mais La Garde-robe de Jane Austen fait surtout éclater la joie de vivre d’une jeune femme et son simple rapport à la coquetterie, deux sentiments qui prennent dans ses ouvrages une importance considérable. Une authentique et belle respiration, là où les vêtements et les origines sociales dont ils témoignent, contribuent tant à écraser ses personnages, au moins autant que leurs compagnons bien connus : l'orgueil, et les préjugés.
Instit
Peut-être n'avez-vous pas trop le moral en ce moment… Mais peut-être le retrouverez-vous en visitant l'exposition "Une histoire commune à chaque enfant : l'hommage aux professeurs", à Vientiane, la capitale du Laos.

Cette petite "république démocratique et populaire" dirigée par un parti unique (communiste, mais vous l'aviez peut-être deviné) s'est en effet associée à l'UNICEF pour rappeler l'importance des instituteurs et institutrices, et "les retombées positives qu'ils et elles ont sur la vie de leurs élèves", nous dit le Laotian Times. Mille enfants à travers le pays ont été invités à dessiner "ce qu'ils aiment chez leur professeur", dans le cadre de la semaine laotienne d'art contemporain. Leurs œuvres étaient ensuite exposées à Parkson, le plus grand centre commercial de Vientiane.
Le côté "hommage officiel" commandé aux enfants dans un pays qui n'a de république que le nom peut faire froid dans le dos. Malgré tout, l'UNICEF, assume pleinement ce partenariat et son approche pragmatique. En pilotant le projet, elle y voit avant tout l'occasion de rappeler, au public comme aux autorités, l'importance du secteur de l'Éducation et, surtout, de son financement. L'implication des Nations Unies est sans doute ce que l'on peut obtenir de mieux pour garantir, ou aider à garantir, un enseignement aussi bénéfique aux enfants que possible : "C'est un appel à l'action. Un appel à mobiliser plus de forces pour développer les capacités de nos enseignants, particulièrement ceux qui opèrent dans les zones les plus défavorisées du pays. Un appel à améliorer l'apprentissage et à reconnaître le rôle incalculable que jouent les professeurs et professeures pour l'avenir des enfants", résume l'agence des Nations Unies sur sa page dédiée.
L'année dernière d'ailleurs, Phouth Simmalavong, le ministre de l'Éducation et des sports, lui-même enseignant d'histoire-géographie, a co-signé avec l'UNICEF une "charte d'engagement national pour transformer l'enseignement" et remédier aux failles "déjà présentes, mais exacerbées par la pandémie de Covid-19". Le sommet rassemblait 70 participants, à la fois du gouvernement, de l'UNESCO, de l'UNICEF et d'ONG.
Merci à lui de bien faire ses devoirs.
Machine

Oui, je sais : tout le monde vous déteste. C'est déjà pas facile mais en plus, maintenant, certains, enfin même beaucoup, veulent votre mort.
En cible de ce nouvel assaut anti-robots : toujours les intelligences artificielles génératives, de type ChatGPT. Leurs fabricants sont déjà attaqués en justice par une palanquée d'écrivains en rage de voir leurs droits d'auteur joyeusement bafoués. Voici maintenant un groupe de codeurs, sous l'impulsion de l'université de Chicago et de son professeur en science de l'informatique, qui se joint à la lutte avec un outil redoutable : Nightshade.
Nightshade est un programme remarquablement simple d'emploi, mais ravageur pour les IA. On sait que celles-ci, pour reproduire le travail des humains, ou même la "patte" d'un artiste en particulier, se nourrissent en lisant les fichiers informatiques disponibles en ligne, fichiers qui encodent par exemple les images. En simplifiant énormément, on peut dire qu'une IA apprend ainsi à reconnaître que le code 011100 représente un chat et le code 1110111, un chien. Il en va de même pour toutes les autres données : l'éclairage, les couleurs, le cadrage et même, donc, le style propre à un ou une photographe.
Sur ce principe, Nightshade consiste donc simplement à volontairement empoisonner une image. Il suffit de la passer à la moulinette du programme avant de la mettre en ligne, pour la piéger aux yeux des IA, sans altérer son apparence pour les humains. VentureBeat, le magazine spécialisé dans la protection des données et la sécurité en ligne, explique :
"La contre-attaque, pour les artistes utilisant NightShade, consiste à donner aux intelligences artificielles les mauvais noms pour décrire l'objet ou le paysage qu'elles étudient. Par exemple, les chercheurs ont empoisonné une image de chien, pour inclure des informations expliquant aux IA qu'il s'agit d'un chat.
Après l'examen de seulement 50 images empoisonnées, celles-ci ont commencé à générer des images de chiens aux pâtes bizarres à l'apparence dérangeante. Après 100 images, elles dessinaient assez fidèlement un chat quand on leur demandait de reproduire un chien. Après 300, chaque demande de chien donnait, en retour, l'image très fidèle d'un chat."
Il y a de quoi, donc, non seulement protéger son travail de l'appropriation par ses firmes riches à millions, mais aussi de bien s'amuser. Et de réviser ses plus profondes convictions métaphysiques. Parce que moi par exemple, quand je vois l'acharnement que l'on a mis à créer ces robots et algorithmes, et la détermination tout aussi radicale avec laquelle on veut désormais s’en débarrasser et les remiser dans les poubelles de l'histoire, je me dis que Dieu existe peut-être bien, et qu'il est simplement très, très déçu par sa création. On le comprend, remarquez.
Pauvre
Bon eh bien, au moins, vous n'êtes pas seuls : c'est l'un des enseignements du dernier rapport en date de la fondation Joseph Rowntree, le quatrième dans sa série "Dénuement au Royaume-Uni". La journaliste au Guardian Frances Ryan l'a lu, et en tire une tribune à la fois glaçante et rageuse.

D'abord, une précision importante : ce que j'ai traduit par "dénuement", c'est le terme anglais "Destitution". La fondation Rowntree, créée en 1904 par un philanthrope anglais, le définit comme "le fait de s'être privé le mois dernier d'au moins deux parmi les biens essentiels suivants [ou de se les être faits payer par un tiers] : un toit, deux repas par jour, du chauffage, de la lumière, des habits et chaussures, des produits d'hygiène basiques".
En 2022, selon la recherche de la fondation (120 pages disponibles en intégralité ici), ce sont, au Royaume-Uni, 3,8 millions de personnes qui tombent sous cette définition, dont un million d'enfants. Soit "près de 2,5 fois le chiffre de 2017, et 3 fois plus d'enfants."
"Destitute", écrit la journaliste, "c'est un terme qui évoque l'Ère Victorienne —des conditions de vie si rudes, si éloignées de la civilisation contemporaines, qu'on ne devrait plus les trouver ailleurs que dans les livres d'histoire. Mais il suffit de lire les interviews douloureuses de l'étude pour comprendre ce que le mot signifie dans l'Angleterre d'aujourd'hui : ce sont des enfants qui portent les habits de leurs parents parce qu'il n'y a rien d'autre dans le placard ; c'est manger une banane en guise de repas unique pour la journée ; c'est prendre le rouleau de papier toilette lors des donations organisées par l'église locale, au rythme autorisé d'un par semaine".
Elle poursuit, toujours plus écœurée :
"Les banques alimentaires font désormais partie du paysage, à tel point qu'elles ont fait des enfants plus effrayants encore, comme les "banques de chaleur", ou les "banques pour bébés" [où l'on distribue jouets, couches et autres produits pour nourrissons et très jeunes enfants] sans que cela n'alarme qui que ce soit, ou presque. Presque chaque bibliothèque en Angleterre, au Pays de Galles et en Irlande du Nord prévoit de proposer l'accès gratuit à un espace chauffé, pour ceux qui n'auront pas accès à cette nécessité cet hiver, et on compte déjà 200 points de donations pour enfants indigents. De jeunes mères faisant la queue au centre social pour participer à une distribution gratuite de couches pour bébé, c'est devenu normal."
Frances Ryan cherche aussi les causes d'une telle explosion de misère. Il lui est difficile, évidemment, de ne pas remarquer que le pays est dirigé par la droite, les "Tories", sans discontinuer, depuis plus de 13 ans maintenant : le dernier Premier Ministre travailliste, Gordon Brown, a cédé son siège à David Cameron en mai 2010. Lui ont succédé Theresa May, Boris Johnson, Liz Truss —quel palmarès— et, désormais, Rishi Sunak (très occupé en ce moment par la rédaction d'un projet de baisse d'impôts pour les 5 millions d'habitants les plus riches du Royaume, afin de retrouver les faveurs de son électorat, apprend-on au passage).
Mais alors ils sont nuls ? Pas du tout. Enfin, si, mais c'est aussi plus compliqué que ça. En relevant une récente sortie du leader de l'opposition, Keir Starmer, Ryan fait remarquer qu'il y a, derrière ce retour en force de l'extrême pauvreté, une véritable faille philosophique. Car ce que Starmer a tenu à annoncer lors de l'équivalent des universités d'été de son parti, en prévenant qu'il devrait faire "d'autres choix difficiles pour gagner les élections", c'est qu'une fois au pouvoir, il conserverait ce que l'on appelle "la limite des deux enfants". C'est-à-dire le fait que le montant des allocations sociales ne prend pas en compte, dans son calcul, le troisième enfant, et les éventuels suivants, dans un foyer. "Une mesure décrétée en 2017 lors d'une série de coupes dans les aides sociales", note l'association "Save the Children". "Depuis cette date, chaque année, toujours plus d'enfants naissent sans l'aide qu'apporte la nation à leurs aînés. Cette règlementation affecte désormais 1,5 millions des enfants du Royaume-Uni, soit un sur dix. Abroger cette limite est la priorité numéro 1 de la "Coalition pour en finir avec la Pauvreté Infantile", une alliance qui réunit plus de cent organismes caritatifs dans le pays."
C'est donc bien, poursuit le Guardian en substance, l'idée selon laquelle les pauvres sont des feignants, tout juste bons à faire des enfants pour ponctionner l'économie du Royaume, et qu'en cessant de les aider on les remettra joyeusement au boulot, qui a mené à ce paysage dramatique. C’est parfois mortel, rageant, absurde : Frances Ryan relève que selon les études, 39 milliards de Livres annuelles pourraient être économisées par une autre approche de l’aide sociale car bien sûr, la misère en réalité coûte de l'argent.
Une théorie que l'on pourra en tout cas tester grandeur nature en France, dès janvier prochain grâce à la réforme du RSA justement guidée par cette idéologie, voulue par le gouvernement et durcie à cœur-joie par Les Républicains. Les banques alimentaires ont de beaux jours devant elles.
Mode
Des gros cubes blancs, on en veut plus, on en veut plein

C'est beau, hein ? On a envie d'en voir pousser partout, non ? Comment ça, "pas vraiment" ? Ah oui, je vois : bien sûr, ce gros cube blanc est tout moche. Mais croyez-moi, quand vous saurez ce qu'il fait, vous aurez envie d'en planter dans votre jardin à la place des rosiers.
Alors, c'est quoi ? Eh bien, c'est une réponse des plus intéressantes au défi technologique majeur que pose le changement climatique. Comme vous le savez certainement, les énergies renouvelables ont le défaut d'être intermittentes puisqu'elles reposent, par exemple, sur le vent ou l'ensoleillement. Bien sûr, on a déjà développé pas mal de solutions pour parer au problème, comme améliorer leur efficacité, imaginer des réseaux électriques "intelligents" facilitant les échanges pour amener l'énergie, de là où elle est disponible, à là où on en a besoin et, bien sûr, en fabriquant des batteries toujours plus performantes. Mais tout cela demande des matériaux rares et précieux et, de toute façon, nous ramène toujours au même point : on ne sait pas stocker l'électricité. Enfin pas de façon satisfaisante, compte tenu de l'importance d'y parvenir pour diminuer nos émissions de gaz à effet de serre.
C'est pourquoi les Californiens ont inventé la batterie de chaleur. C'est génial. C'est trop bête. C'est si malin : puisqu'une immense quantité de l'énergie que nous produisons (20 %, au niveau mondial) sert au chauffage (pas à nous chauffer avec nos petits radiateurs, hein, mais à chauffer, dans l'industrie, les machines et les matériaux qu'il faut bien fabriquer, comme le ciment et le verre), pourquoi ne pas stocker… eh bien la chaleur, directement ?
C'est ça, ce gros cube blanc : une batterie thermique, imaginée par la start-up américaine Antora Energy, qui vient d'annoncer la mise en chantier de sa première usine à grande échelle dans la banlieue de San Jose en Californie. La Technology Review de l'Institut de Technologie du Massachusetts détaille :
"La technologie derrière la batterie thermique de Antora est étonnamment simple. Ce système modulaire [que l'on peut agrandir à volonté en fonction des besoins] ressemble à un container d'acier d'un mètre de haut, rempli de blocs de carbone.
Quand le soleil et le vent sont abondants, et que l'on peut générer de l'électricité renouvelable à plein régime, on l'emploie à chauffer des blocs de carbone compacts à 1 800° C, la température requise pour les industries les plus voraces, comme celles des métaux. Ces blocs sont ensuite enchâssés dans des matériaux isolants. Ils peuvent alors conserver la chaleur pendant des jours. Le tout est recouvert d'une couche d'acier, pour qu'ils ne soient pas chauds au contact et puissent être manipulés. Et quand on en a besoin, on n'a plus qu'à en tirer directement de la chaleur, ou à re-transformer celle-ci en électricité, par le biais de cellules thermovoltaïques."
Ne reste plus qu'à les faire pousser comme des champignons. J'en veux partout, et j'en veux partout maintenant.
Beauté

Cauchemar laqué pour les héritiers de Berlusconi
On croyait tout connaître de la vie de Berlusconi : il est né en 1936, il a foutu en l'air la télévision italienne, il a foutu en l'air la politique italienne, et puis il est mort. Eh bien, ce prodige parvient à pourrir la vie de ses enfants même par-delà la tombe.
Le secret réside dans son héritage, certes coquet mais aussi encombrant. Car le Cavaliere était "un acheteur compulsif" : sa grande passion, surtout dans les dernières années de sa vie, c'était de regarder le TéléAchat jusque tard dans la nuit et d'y faire ses emplettes, principalement en peintures. Beaucoup de peintures ? Oui : environ 25 000. "Principalement des Vierges Marie, des Nus féminins explicites et des panoramas de Paris, Naples et Venise", nous dit un ami de la famille un peu consterné.
Or, scoop : des tableaux acquis auprès du TéléAchat nocturne italien, ça ne vaut rien.. Bon, apparemment moyen, on peut en tirer quelques centaines d'euros pièce, mais le plus compliqué, c'est de trouver un acheteur. Qui a envie d’acquérir 25 000 peintures moches et sans valeur ? Aucune maison d'enchères n'en voudra. Aucun collectionneur. Et même à l'unité sur Le Bon Coin, rien ne dit que ça partira. Un spécialiste a expertisé la collection, et son opinion tient en peu de mots : "des croûtes". On pourrait éventuellement, selon lui, "en faire un musée pour les gens qui ne connaissent rien à l’art", mais là aussi ça coûterait cher, pour ne quasiment rien rapporter aux héritiers qui s'arrachent les cheveux face à ce problème insoluble.
Parce que le problème, c'est que tout ça coûte cher, justement. 800 000 euros par an selon La Repubblica, pour payer le stockage dans un entrepôt de 3 200 mères carrés près de Milan. Certaines peintures ont déjà été détruites par les vers, ce qui reste un bon calcul puisque dans la plupart des cas, l'éradication des nuisibles pour protéger une toile coûte "plus cher que l'œuvre elle-même".
Je conseille aux descendants de l'ancien Premier Ministre de simplement patienter : quand les vers seront la seule protéine animale encore disponible, d'ici quinze-vingt ans, ils seront les rois du nématode.
Bizarre

Thomas, la loco qui a faim
Thomas La Locomotive, avec son design anthropomorphe et son sourire ahuri constamment plaqué sur son physique de Bête Humaine, a traumatisé des générations d'enfants anglais et américains.
C’est désormais une vedette du jeu vidéo : chaque fois qu'un jeu le permet par son code, une communauté de passionnés ajoute un "mod". C’est un mini-programme gratuit à télécharger, que l'on peut installer pour remplacer, dans le jeu, un personnage par un autre. Et donc, passionnément, partout, par la fameuse locomotive née dans la BD anglaise d'après-guerre (et dont l'adaptation télévisée dans les années 1980 était narrée par Ringo Starr, ce qui, curieusement, paraît implacablement logique).
Pour Halloween, le programmeur Matt Filer a donc la joie d'annoncer qu'il est parvenu à remplacer l'Alien, (la créature terrifiante du film de Ridley Scott) par Thomas, dans le jeu d'horreur Alien : Isolation. Comme on le voit dans la vidéo publiée par IGN, petits et grands pourront donc passer de longues heures à bord de la station spatiale Sébastopol, le cadre du jeu, à fuir et se cacher, terrorisés, de ce petit train carnivore et obstiné.
Mais aussi, mais encore

Malgré les défis logistiques, le programme d’alimentation en circuit court des cantines américaines, “Des fermes à l’école”, se développe dans tout le pays (NPR) — En annonçant la fermeture prochaine de cent bureaux de poste, le nouveau gouvernement grec poursuit la cure d’austérité (Balkan Insight) — La Chine est ravie d’annoncer au monde la découverte d’un gisement de méthane sous-marin de 100 milliards de mètres cubes (Interesting Engineering) — Pour la première fois depuis le début de son règne, l’empereur japonais Naruhito assistera à la course de chevaux automnale de Tenno-Sho (The Mainichi) — À Paris, le collectif Zéro Watt poursuit ses actions d’extinction des publicités lumineuses nocturnes (Antipub) — Tesla lance en Europe le “CyberSquad”, la réplique en jouet de son projet de véhicule futuriste CyberTruck (Electrek) — En Ouzbékistan, les tensions se durcissent à l’encontre des restaurants Halal (Radio Free Europe) — Au cinéma, la nostalgie explique le succès des “reboots” des succès des années 1980, et la solitude explique l’ampleur de la nostalgie (Business Insider) — Succès sans précédent pour le festival Africa de Séoul, qui célèbre le multiculturalisme de la Corée du Sud (The Korea Times) — Surréaliste : David Lynch livre en vidéo sa recette de quinoa préférée (Open Culture).
Pas de “Sur le Fil” ce week-end : la publication de cette rubrique sera désormais décalée au début de semaine (mais vous pouvez déjà noter qu’on y parlera de l’OPEP des forêts et d’une histoire environnementale de l’art)…
Prochaine Édition du Week-end : samedi 4 novembre.
Gardons les pieds sur Terre pendant que ça tourne.
Un grand merci à Marjorie Risacher pour sa relecture attentive, et ses coquillicides impitoyables.





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