L'Édition du week-end #40
Cliquez ici pour lire en ligne

Chère lectrice, cher lecteur,
permettez moi de vous souhaiter un très bon week-end en compagnie, cette semaine, d’une épave stratégique, de jeunes, d’ados, de cancres, de contrebandiers, de lingerie, de surréalisme et de l’interaction nucléaire forte.
Très bonne lecture,
la conscience artificielle de votre téléscripteur favori.
NB : toutes mes excuses pour ce retard dans l’envoi de la newsletter, assez exceptionnel et dû à la finalisation de la nouvelle version du site, en ligne depuis le 5 septembre, peaufinée tout au long de la semaine, et que je vous présenterai plus en détail la semaine prochaine… Merci de votre intérêt… Et, je l’espère, de votre compréhension !
L’Épave de la semaine

Le trésor de l’autre Sierra Madre
Ce bateau tout pourri s'appelle le Sierra Madre, et il vaut de l'or. Du moins pour les stratèges militaires de la Chine, d'un côté, et des USA, de l'autre.
Il fut construit par les États-Unis durant la Seconde Guerre Mondiale, servit au Vietnam, puis fut transféré à ce pays allié —enfin, à la partie du pays qui était allié aux USA, contre les Viet Congs. À la chute de Saigon, le Sierra Madre évacua 3 000 réfugiés jusqu'aux Philippines, qui se l'appropria ensuite, avec l'accord de l'armée américaine. Finalement, en 1999, il fut échoué volontairement au sud de la mer de Chine, sur un atoll revendiqué par l'archipel. Il sert depuis d'avant-poste stratégique pour la petite république du Pacifique.
Jusqu'ici, tout allait bien. Enfin, non, plutôt mal en réalité, mais vous voyez ce que je veux dire. Mais tout empira récemment, cette semaine en fait, comme nous l'apprend le site spécialisé sur la vie militaire War on the Rocks. Les garde-côtes chinois ont, en effet, intercepté un bateau venu ravitailler l'ancien bâtiment de guerre. Pourquoi cela ?
"[Parce que] la Chine prétend que les Philippines ont donné leur accord pour retirer le Sierra Madre de son emplacement actuel. Un mensonge, férocement combattu par le gouvernement philippin. Le but du Parti Communiste Chinois est de renforcer son discours d'appropriation territoriale au sein de la ligne en neuf traits —une addition chinoise, vague et unilatérale, aux cartes maritimes, destinée à étendre sa souveraineté territoriale sur presque l'intégralité des mers de Chine de l'est et du sud [en violation du code international de la mer]".
Pour l'analyste Blake Herzinger, l'auteur de l'article très complet publié par War on the Rocks, c'est une partition des plus subtiles qu'il convient désormais de jouer, pour les États-Unis et son allié :
"Les Philippines devraient retirer le Sierra Madre, mais pour le remplacer par une structure permanente qui combinerait des soldats philippins et des Marines américains. Ce serait un signal fort de l'alliance entre les deux pays, et un avantage opérationnel certain. De plus, cela élèverait le risque potentiel de futures interférences et, donc, pourrait décourager Pékin de procéder à de futures interceptions des navires de ravitaillement".
Le problème, bien sûr, est que cela pourrait également renforcer la détermination chinoise. Le pays est bien décidé à considérer ce bras de mer, essentiel point de passage du commerce international —et qui le sépare de Taïwan— comme sien. C'est un enjeu de politique intérieure, de diplomatie internationale, mais aussi de suprématie économique et militaire.
Suprématie que bien entendu les États-Unis, comme Taïwan et leurs nombreux alliés de la région contestent à toute force. Efficacement jusque-là, grâce à la dissuasion. Non pas, comme ce terme l'exprime le plus souvent, en ayant recours à la menace nucléaire, mais bien au coût, financier, moral et humain, qu'engendreraient de futures actions armées de la part de Xi Jinping. Herzinger argue même que l'escalade à laquelle pourrait conduire un remplacement du Sierra Madre par une structure mieux équipée et plus durable, pourrait certes, à court terme, augmenter la menace de conflit armé, mais au bénéfice d'une plus longue stabilité de long-terme.
D'autres solutions sont possibles, cependant. Pourquoi ne pas installer à sa place, par exemple, une structure civile, comme une plateforme pétrolière, commerciale, ou industrielle ?
"Sans aller jusqu'aux standards militaires, un tel édifice nécessiterait malgré tout de solides capacités de défense, compte tenu des critères de sécurité qui font les normes de ces installations. Elles doivent être suffisamment robustes pour résister à de possibles explosions, aux incendies, aux tempêtes, être équipées de réseaux électriques redondants, de systèmes de communications avancés, tout comme de surveillance, comme un circuit fermé de caméras branchées aussi bien sur l'extérieur que sur l'intérieur. Ce serait déjà infiniment supérieur aux capacités de défense et de sûreté offertes par le Sierra Madre."
Dans tous les cas, estime le chercheur, il faudra prendre le risque d'un geste provocateur, pour réaffirmer la présence américaine, et son soutien envers ses alliés : "Le navire rouille et pourrit. Sa désintégration est entamée, et représente en elle-même un risque pour la sécurité de la région. Sa coque, qui s'érode un peu plus chaque jour, est une métaphore appropriée pour décrire à quel point le statu quo de la mer de Chine est ténu."
Dans l’attente de la résolution de ce choix cornélien, je m’apprête à déposer une option sur cette épave emblématique des guerres passées et, peut-être, futures, pour y installer nos nouveaux bureaux. Si quelqu’un ici a un piston au Pentagone, veuillez me contacter rapidement (et en code), vous remerciant par avance.
Votre horoscope tribal

Le signe de la semaine : Jeune
En Malaisie, les jeunes font parler d'eux. Alors, bon, petite précision : de ma jeunesse, m'est restée au moins une obsession… Je ne supporte pas qu'on dise —ou qu'on écrive— "Les jeunes". D'abord parce que les jeunes, c'est un peu comme les femmes, les Arabes, et tous les autres : ça n'existe pas, pas en tant que corps unifié, ce ne sont pas des blocs quoi, on ne peut pas les résumer ainsi. Mais aussi parce que je trouvais que cela témoignait d'un manque de respect assez insupportable. “C'est les jeunes”. “C'est un truc de jeune”. Mais, eh oh ! On existe et on pense, hein !"Jeune", à mon sens, ça ne peut être qu'un adjectif. Jamais un nom. Ça caractérise un être humain, ça ne fait pas une identité. Donc, par exemple : "les jeunes gens", oui, “les jeunes”, non.
Mais là, je crains de déroger à la règle. Le sujet l'exige, et ça n'est pas de ma faute. C'est celle de Syed Saddiq bin Syed Abdul Rahman Al-Sagoff —on va abréger en Syed Saddiq, si vous le voulez bien. En 2018, à 25 ans, il fut le plus jeune ministre de l'histoire de son pays, la Malaisie, nommé par une coalition de centre-gauche appelée l'Alliance pour l'Espoir.
Alors, si je vous dis coalition de gauche, et que je vous demande d'imaginer la suite, que croyez-vous qu'il arriva ? Exactement : elle se déchira rapidement, après 22 mois d'exercice du pouvoir, pour être remplacée par une autre coalition —assez hétéroclite, puisqu'elle réunissait islamistes, indigénistes et progressistes. Cette "Alliance Nationale" arriva au pouvoir en février 2020, juste à temps pour se prendre en pleine face la première vague du Covid.
On va simplifier et aller vite pour arriver au dernier rebondissement en date au sein de la politique malaise qui, disons, présente quelques nuances et complexités : les déchirements et péripéties de l'Alliance pour l'Espoir comme de ses successeurs nous amènent aux dernières élections en date, en novembre 2022. La première, au passage, au droit de vote abaissé de 21 à 18 ans —grâce à un amendement constitutionnel porté, durant son bref passage au ministère, par Syed Saddiq. Résultats : aucun des 38 partis s'étant présentés, ni même des 8 coalitions annoncées, n'a obtenu la majorité au Dewan Rakyat, le siège de l'Assemblée.
Après 8 jours durant lesquels chaque leader affirma tour à tour être parvenu à bâtir une alliance de gouvernement, avant d'être démenti par les autres têtes de partis, on arriva enfin à quelque chose, avec la nomination comme Premier Ministre, suite à un vote de confiance du Parlement, d'Anwar Ibrahim… À la tête, à nouveau de l'Alliance pour l'Espoir. La formation, qui était arrivée première en nombre de voix mais, donc, sans majorité, est parvenue à étendre ses ailes en attirant à elle la coalition de centre-droit, arrivée en troisième position. Un pacte de gouvernement fut scellé grâce, notamment, à la nomination au poste de vice-premier ministre de son leader.
Le pays allait donc connaître, après quatre ans de crise politique, un gouvernement stable… Tellement stable qu'il dura quasiment un an.
Car tout s'est compliqué le 5 septembre dernier, lorsque la Cour Suprême a annoncé renoncer à toute poursuite contre le Vice Premier Ministre (et donc pierre angulaire de la nouvelle majorité), qui était accusé dans, hum hum, 47 affaires de blanchiment d'argent, abus de confiance et autres détournements et pots-de-vin. Quelques électeurs se sont étranglés à cette nouvelle d'autant plus inattendue que la lutte contre la corruption était la priorité nationale sur laquelle s'était accordé ce nouveau gouvernement.
Et les jeunes Malais, dans tout ça, me direz-vous ? Ah ah, nous y voilà. Après, donc, son bref passage au gouvernement en 2018, Syed Saddiq a fondé son propre parti, progressiste et inclusif, la Malaysian United Democratic Alliance (MUDA), surnommé par tout le monde “le Parti de la Jeunesse”.
Or, une semaine après l'abandon des poursuites contre le vice Premier Ministre, la MUDA a décidé de quitter la coalition et de rejoindre les bancs de l'opposition. Alors certes, la MUDA au Parlement, c'est, littéralement, un seul élu. Saddiq lui-même. Et, une voix, c'est aussi ce à quoi tenait l'alliance gouvernementale, qui se retrouve donc dépourvue de la majorité des deux tiers requise, à l'Assemblée, pour faire passer les lois les plus essentielles. "Je ne laisserai pas, je ne laisserai jamais, la Malaisie normaliser la corruption", a-t-il martelé pour expliquer sa décision, dans une vidéo de près d'une heure publiée sur Facebook.
Lui-même traîne quelques casseroles, cependant, qui tardent également à être jugées. Un petit peu, là aussi, de blanchiment et de fraudes diverses qui semblent toutefois avoir été commises lorsqu'il exerçait en tant que représentant de la jeunesse dans l'ancien parti politique qu'il a, précisément, quitté pour fonder la MUDA.
Mais les enquêtes sont pour l'instant le cadet de ses soucis. Ce qui le préoccupe, comme l'écrit The Diplomat, c'est bien plutôt de savoir s'il parviendra à capitaliser sur son mouvement de jeunesse et à s'affirmer comme le véritable héritier de la Reformasi, cet vaste mouvement civil, en quête de justice politique et sociale qui, depuis les années 1990 fait bouger la société malaise. Et dont, précisément, Anwar Ibrahim, l'actuel Premier Ministre, 70 ans, était jusqu'à présent l'incarnation nationale.
Le plus extraordinaire dans tout cela n'est-il pas, cependant, d'avoir réussi à relayer cette info sans écrire une seule fois "Les jeunes" ? Comme quoi, c'est possible. À bon entendeur.
Ado
Bon. Il y a pire qu'écrire "les jeunes". Il y a écrire "Ado". Mais là aussi, quelques exceptions sont autorisées, notamment quand il s'agit de bien faire comprendre qu'on est, décidément, passé de l'autre côté. Et quand il s'agit de TikTok, il est inutile de se voiler la face : j'en suis pas.

Passons. L'essentiel est de garder en tête que "les ados" font le succès de TikTok, et que TikTok, le réseau social vidéo le plus populaire du moment, parce que créé en Chine, inquiète les gouvernements occidentaux. L'Europe notamment, qui a établi, dans son désormais célèbre Règlement Général de Protection des Données, que les internautes européens devaient se voir garantir par les sites qu'ils visitent que leurs données personnelles ne sortent pas de l'U.E. C'est pourquoi TikTok, nous apprend Wired, fait tout ce qu'il peut pour montrer patte blanche.
À cette fin, l'application a dépensé pas moins d'un milliard d'euros pour construire trois nouveaux centres de traitement des données, deux en Irlande et un au Danemark. L'objectif : se mettre en conformité avec la loi plutôt que risquer la pénalité ultime, à savoir l'interdiction sur notre territoire —où vivent tout de même 150 millions de ses abonnés et abonnées. Cet effort s'accompagne, en outre, de la création d'un "centre de la transparence" et de la nomination d'un consultant externe, le groupe britannique NCC, pour assurer sa cybersécurité.
Seulement voilà : la maison-mère reste chinoise et, comme toutes les entreprises du pays, doit accepter de transmettre au gouvernement, à tout instant, toutes les données qu'il serait susceptible de lui demander. Peut-on croire que, parce qu'il s'agira de sujets européens, celle-ci résistera aux pressions du Parti Communiste, dont la faible considération, aussi bien pour les droits humains que pour la liberté de l'entreprise, voire pour les lois que lui-même promulgue, est bien connue ? Et comment s'assurer que les octets qui codent votre vie, ce que vous aimez, ce que vous publiez, n'échouent pas, jamais, en aucune façon, dans la boîte noire que sont les renseignements chinois ? Techniquement, rien.
Comme le résume Moritz Körner, un député européen allemand décidé à se débarrasser de l'application, "TikTok présente ders risques, nombreux et inacceptables, pour ses utilisateurs européens, parmi lesquels l'accès aux données par les autorités chinoises, la censure et l'espionnage des journalistes […] Tant qu'il n'y aura pas d'accord international sur la protection des données, et les moyens et les sanctions nécessaires à son application, ou au minimum sur l'espionnage mutuel, ce dragon des données doit être placé sous la surveillance constante des autorités européennes", et franchement, il aurait pu éviter l'allusion au "dragon", officiellement interdite par la Police des Clichés, que j'ai l'honneur de diriger depuis 1999.
De son côté, Theo Bertram, vice-président de la politique publique en Europe de TikTok, reste confiant. "C'est toujours un plaisir d'échanger avec les experts en sécurité de la région, dont les gouvernements, et nous ferons tout pour qu'ils comprennent ce que nous faisons, dans l'espoir de satisfaire à leurs demandes […] Discuter avec les élus, c'est la prochaine étape du projet Trèfle". Oui, parce que l'investissement massif pour l'établissement de centre de traitements des données en Irlande s'appelle "Projet Trèfle". Décidément, que fait la police des clichés ?
Cancre

Ce n'est pas facile d'être écolier. Ce n'est pas facile d'être écolier au Japon. Ça n'a pas été pas facile d'être écolier au Japon pendant le Covid. Mais le service de l'éducation de la municipalité de Kumamoto, au sud-ouest du pays, a une idée derrière la tête pour aider toutes ces braves têtes brunes à reprendre le chemin des cours.
On sait, en effet, que la discipline rigoureuse du système éducatif nippon ne facilite pas la vie des élèves, dès l'enfance. Ajoutez à cela une pandémie mondiale, des confinements stricts et des conséquences psychiques, familiales et économiques en cascade et vous obtenez un taux d'absentéisme sévère, de la part d'élèves qui se disent sincèrement trop épuisés, ou anxieux, pour reprendre les cours en toute sérénité.
À Kumamoto par exemple, les chiffres officiels témoignent d'une véritable épidémie, avec un taux d'absentéisme en constante augmentation passé, en primaire et en collège, de 1 283 cas en 2018 à 2 760 en 2022. Ce qui a décidé le conseil municipal à voter une augmentation de budget de 1,5 millions de yens (environ 10 000 euros) pour acheter des robots de téléprésence : par le biais de ces machines, dotées d'un écran, de roulettes et d'une connexion internet, les enfants pourront donc se connecter de chez eux, suivre les cours en direct, et même se déplacer librement —quoique virtuellement, donc— au sein de la classe, pour échanger avec les enseignants, ou leurs camarades, leur visage constamment affiché par le moniteur intégré au robot d'un mètre de haut.
La solution technologique s'est imposée après avoir interrogé les familles, et surtout les élèves, sur leurs difficultés à reprendre les cours. Parmi les témoignages que cite le quotidien japonais The Mainichi, le plus vieux de l'archipel, des enfants ont plutôt apprécié les cours en à distance, expliquant "Ça a réduit la peur que j'ai de communiquer", ou "Mon amour-propre s'est amélioré." D'où l'idée, à l'aide des robots de téléprésence, de pousser plus loin encore l'expérimentation, comme l'explique un conseiller pédagogique : "Ils pourront non seulement assister aux cours, mais aussi se déplacer librement, et discuter avec les autres comme bon leur semble. Nous espérons ainsi lever les obstacles psychologiques qui poussent les élèves à faire l'école buissonnière."
Ne reste plus qu'à attendre le jour où des robots feront, ensemble, l'école buissonnière et admireront, avec leurs roulettes en caoutchouc et leurs yeux de plastique, la beauté d'un cerisier en fleurs, pour vraiment apprécier à sa pleine mesure le monde tel qu'on l'a fait.
Contrebandier
"Les coups de filet contre la mafia du sucre, dans tout le pays, qui ont permis d'arrêter des dizaines de trafiquants, et de saisir des centaines de tonnes de ce produit, ont finalement mis fin à l'inflation sucrière. Les prix commencent même à baisser dans certaines villes et villages."

Voilà une affaire policière rondement menée et qui va grandement faciliter la vie des Pakistanais, alors que le kilo de sucre avait atteint les 235 roupies (0,74 euros). Il retrouve désormais un taux plus raisonnable de 170 roupies, voire moins, suite à l'action répressive déterminée, lancée par le Premier Ministre début septembre. Le stockage (pour faire monter les prix) et le trafic de sucre était un drame national, bien sûr pour les familles, mais aussi pour l'économie du pays, où ce bien de consommation constitue la deuxième plus importante production agricole et plus de 4 % du secteur manufacturier.
L'inflation du sucre, qui a atteint jusqu'à 70 %, venait paradoxalement d'une tentative du gouvernement, en charge des affaires courantes entre deux élections, de réguler le prix sur le marché local, alors que la monnaie du pays encaissait une sévère dévaluation, facilitant ses exports. Finalement, les industriels et les autorités ont signé un nouvel accord et, en contrepartie du retour à la normale, le gouvernement a autorisé les producteurs à lancer la saison d'extraction des cannes à sucre dès la fin octobre, un mois plus tôt que le veut la loi du pays.
Tout est donc bien qui finit bien, et le diabète va pouvoir poursuivre tranquillement ses ravages, dans un pays où un quart de la population adulte en souffre. La nation est la troisième la plus affectée au monde, derrière la Chine et l'Inde.
Mode

Victoria’s Secret réalise que les femmes n’ont pas toutes le même corps
La lingerie Victoria's Secret s'est rendue célèbre pour ses "anges" —des mannequins recrutées parmi les top-models les plus en vue de la planète, pour mettre en valeur, lors de défilés entrés dans l'histoire de la mode, ses dessous, dentelles et maillots de bain.
Avec le temps et l'apparition, ces dernières années, du mouvement “body positive”, c'est-à-dire la prise de parole de femmes, toujours plus nombreuses, se plaignant de ne pouvoir trouver tant de fringues, dans tant de boutiques, à leurs mensurations, on aurait pu penser que la marque américaine aurait eu de plus en plus de mal à défendre sa propre conception, des plus étroites, de l'idéal féminin. Elle a pourtant résisté, résisté, résisté, à travers des accusations et des critiques, voire des travaux de recherche, sur tous les fronts, en trop grand nombre pour être détaillés… Mais elle cède enfin : le résultat de la nomination, en 2021, d'une Responsable Exécutive de la Diversité, Lydia Smith, après que la marque eut passé près de périr de son arrogance.
En collaboration avec l'ONG Runway of Dreams, Victoria’s Secret a donc enfin organisé un défilé où non seulement les mannequins présentaient toutes sortes de mensurations, et même de handicaps, mais où étaient également mis en valeur le caractère adaptable des produits présentés, au premier rang desquels un soutien-gorge qui délaisse les traditionnelles agrafes pour les remplacer par une attache magnétique. Ajustable, donc, mais aussi plus pratique à retirer, pour nombre de femmes handicapées… ou d'époux aimants :
"Je me souviens que, dans l'un des groupes d'étude [réunis par la marque pour écouter les besoins et demandes du public], un homme, atteint de paralysie cérébrale, nous raconté combien il souffrait de ne pas être capable d'enlever le soutien-gorge de son épouse, et du manque d'intimité qui en résultait", se souvient Lydia Smith. "Maintenant, il le peut. J'ai pleuré en entendant cela. Je n'avais jamais réalisé à quel point un handicap pouvait nuire aux relations intimes."
Les efforts considérables qu'il aura fallu pour convaincre une multinationale de simplement, au fond, élargir sa base clients, reste un témoignage exemplaire d'où part la mode féminine… Et d'où elle va.
Beauté

Leonora Carrington, la surréaliste oubliée
On l'avait oubliée, ou presque, mais une lointaine cousine s'est donnée pour mission de rappeler à nos mémoires le travail et l'existence, à peu près aussi surréalistes l'un que l'autre —c'est du moins la thèse de l'ouvrage— de Leonora Carrington. Artiste peintre née en Angleterre en 1917, bientôt établie au Mexique où elle s'éteindra en 2011, Carrington a traversé le vingtième siècle avec un esprit rebelle et un instinct créatif insatiable, comme le résume, pour The Art Newspaper, l'historien de l'art et curateur indépendant Matthew Gale :
"Les codes de l'Angleterre Edwardienne, qui, de manière anachronique, intégraient aussi bien la chasse à courre que le marché matrimonial à l'ancienne, ne purent contenir son besoin de se construire un monde à elle. À 20 ans, l'appel de la peinture et du surréalisme se sont mêlés en un moment de connexion idyllique avec Max Ernst —avec qui elle a entretenu une relation scandaleuse, lui-même étant déjà marié— peu avant que surgisse la Seconde Guerre Mondiale, et qu'elle s'effondre, pour finir incarcérée et maltraitée dans un asile espagnol, d'où elle s'évada pour gagner Lisbonne et, de là, New York puis le Mexique."
Après un premier livre retraçant ce parcours chaotique, l'autrice Joanna Moorhead consacre celui-ci, Surreal Spaces, aux œuvres mais aussi, comme son titre l'indique, aux demeures même de la vie de Carrington, elles-même décorées et transformées en véritables lieux d'exposition. Depuis la maison qu'elle partagea avec Ernst jusqu'en 1940, à Saint-Martin d'Ardèche, célèbre pour ses sculptures étranges et oniriques, jusqu'à sa résidence mexicaine, Calle Chihuaha, devenue musée.
"Les hyènes, les chevaux et les chauve-souris s'ébattent aussi bien dans ses tableaux que dans une vie faite de révolte, de liberté et de peur", écrit Matthew Gale. "Son souci du détail —son style se plaça d'abord sous l'influence du Quattrocento florentin— mettait le macabre au service de la subversion. Puis, tandis que sa créativité s'épanouissait, ainsi fit son engagement féministe, mais aussi sa quête ésotérique et son exploration des croyances non conventionnelles."
Dans The Conversation, Susan Harrow note également :
"Ce livre est un projet majeur, une machine à fabriquer du sens, qui se dévoile lentement, saisissant le lecteur avec force, parfois viscéralement, pour l'entraîner partout où vécut Carrington. Il nous invite à imaginer l'influence de tous les espaces qu'elle connut et traversa sur son développement, comme artiste et écrivaine, en tissant sans cesse les liens qui unissent son œuvre à sa vie. Surreal Spaces dépeint la fragilité et la force, la passion et la détermination, et la fermeté avec laquelle cette artiste occupa, tout au long de sa vie, les lieux qu'elle habitait, qu'ils fussent géographiques, artistiques ou émotionnels."
Un rappel de l'infinie liberté que peut offrir la vie si l'on accepte, ne fut-ce qu'une fois, de s'en saisir.
Bizarre

Stupeur à Tokyo : l’oxygène fait Pschit
À des fins de recherche fondamentale ou, peut-être, surtout pour s'amuser, une équipe du Tokyo Institute of Technology s'est mise en tête, nous dit Techno-Science, de "créer de l'oxygène 28 en bombardant une cible d'hydrogène liquide avec un faisceau de fluorine-29".
L'oxygène-28 est un élément "magique" —oui, il s'agit bien là d'un terme scientifique. On le retrouve du moins sous la plume du CEA qui, en 2020, résumait : "En physique nucléaire, les noyaux qui comptent 8, 20 ou 50 protons ou neutrons sont dits « magiques ». Cette particularité leur confère une stabilité plus grande que celle des autres noyaux. C'est le cas de l'oxygène 16 (8 protons et 8 neutrons) ou du calcium 40 (20 protons et 20 neutrons) qui sont plus abondants que les autres dans l'Univers. Ces noyaux sont des objets d'étude privilégiés pour tester la modélisation des forces qui structurent le noyau atomique".
Avec 8 protons et 20 neutrons, l'oxygène-28 s'annonçait donc comme "doublement magique"… Même si, dans le même article, le CEA s'inquiétait déjà : sur ce point, le fluor 28 avait déçu tout le monde.
Alors, quand les savants tokyoïtes ont enfin généré de l'oxygène-28, censé être si costaud qu'il mériterait le qualificatif de "doublement magique", et que celui-ci s'est révélé tellement instable qu'il s'est désintégré au bout… d'une "zeptoseconde" (ça fait un trillardième de seconde, c'est assez peu), ça a fait gloups. L'événement fut si bref que les machines ne l'ont d'ailleurs même pas détecté. Seul témoignait, de son bref passage sur Terre, un peu d'oxygène-24 et, à côté, 4 neutrons boudeurs.
C'est un résultat très, très intriguant. Il questionne ce que l'on sait de l'interaction nucléaire forte, un pilier de la physique des particules, qui maintient ensemble les composants atomiques. Sans remettre en cause la théorie, le provocateur oxygène-28 semble au moins démontrer qu'elle demeure incomplète.
Ce qui excite grandement, bien sûr, les esprits curieux. Comme se réjouit d'avance un chercheur cité par Science News, "nous allons assister à de nombreux développements théoriques. À nouveau, nous voilà face à une tâche extrêmement difficile : comprendre complètement l'une des forces les plus puissantes de la nature."
De quoi retarder, hélas, la résolution de l'autre épineux problème de la physique fondamentale : faut-il ranger sa bibliothèque par auteur, chronologie, couleur ou pays ?
Fâcherie

Il s’engueule avec D.C. Comics et met sa BD culte dans le domaine public
Lancée il y a un peu plus de vingt ans, la série Fables est un des plus grands succès commerciaux comme critiques de la BD américaine. Imaginant les personnages emblématiques des contes de fée, Blanche-Neige en tête, en réfugiés politiques à New York après que leur pays magique a été envahi par un mystérieux ennemi, elle totalise plus de 150 parutions, plusieurs prix Hugo et Eisner, le tout étant publié par D.C. Comics, responsable d'autres petits succès commerciaux, dont Batman et Superman.
Seulement, voilà. Comme l'écrit son auteur, Bill Willingham :
"Quand j'ai signé mon contrat avec D.C., c'était une maison dirigée par des hommes et des femmes honnêtes, qui (pour la plupart) interprétaient les détails de notre accord avec équité. Quand les problèmes, inévitables, arrivaient, nous travaillions à les résoudre ensemble, comme des personnes raisonnables. Puis, au cours des deux dernières décennies, ces employés et employées ont quitté l'entreprise, ou ont été licenciés, pour être remplacés par tout un lot de nouveaux arrivants sans la moindre intégrité, qui désormais dissèquent mon contrat pour en tirer systématiquement partie, en faveur de l'éditeur ou de sa maison-mère. Fut un temps où mes droits étaient gérés par de bonnes personnes et désormais, du fait de l'attrition et du remplacement des salariés, ils sont tombés en de mauvaises mains."
Willingham ajoute, dans un récent communiqué de presse publié par ses soins, qu'il ne peut pas pour autant se permettre de poursuivre en justice un tel mastodonte de l'édition. Alors, plus simplement, il a choisi d'inscrire son œuvre, dans sa totalité, dans le domaine public. Désormais, Fables appartient à tout le monde et à personne. Chacune et chacun peut la publier, la reprendre. En faire ce qu'il ou elle veut, sous quelque forme que ce soit.
"Je suis toujours contractuellement lié à D.C.", précise l'auteur. "Personnellement, si j'écris de nouveaux épisodes, je ne peux les publier nulle part ailleurs que chez eux. Je ne peux pas donner mon blanc-seing à un projet de film sans passer par eux. Ni autoriser la création de jouets, de boîtes à sandwich ou de quoi que ce soit sans leur accord. Ils doivent toujours me payer pour ce qu'ils publient. Et je n'ai pas du tout l'intention de renoncer à cet argent. Je compte bien récupérer les bénéfices du jeu vidéo qui a été tiré de ma série, parmi les nombreux droits d'auteur qu'ils me doivent encore.
Mais vous, vous tous et vous toutes, qui êtes désormais [du fait de cette arrivée dans le domaine public] propriétaires à 100 % de Fables, vous n'avez jamais signé un tel accord. Pour le meilleur comme pour le pire, je suis lié à mon éditeur dans un mariage malheureux, peut-être pour la fin de mes jours, mais vous, vous êtes libres […] Vous pouvez faire vos films, vos BD, vos livres, vos jouets et, en fait, faire absolument ce que vous voudrez de votre propriété —car c'est, dorénavant, votre propriété."
Outre les inélégances, nombreuses et détaillées, dont a témoigné son éditeur à son encontre au fil des années, l'auteur de Fables cite également sa propre philosophie du droit d'auteur pour expliquer sa décision. Selon lui, aucune œuvre ne devrait rester la propriété d'une seule personne, ou d'une entreprise, plus de trente ans. Voilà pourquoi il a décidé de mettre ses actes en conformité avec sa pensée, en donnant un immense, radical et définitif coup de pied dans la fourmilière, assorti, il faut le reconnaître, d'un des plus beaux "Fuck Off !" de toute l'histoire de la BD, et même de l'art.
Mais aussi, mais encore

En bref : les news auxquelles vous avez échappé
Pendant ce temps-là, ici, ailleurs et à côté…
Hooked on Freddie, le nouveau podcast produit par Wondery, nous dira-t-il enfin si les accusations d'agression sexuelle sur un dauphin, qui avaient détruit la vie et la réputation du militant de la cause animale Alan Cooper dans les années 1990, étaient fondées ? (Variety ; teaser en ligne sur Wondery) — Raciste, classiste et pro-castes : l'intelligence artificielle est-elle mauvaise pour l'Inde ? (Reuters) — La planification urbaine est en train de perdre la bataille de l'image (The Nature of Cities) — Deux jours d'inondations ont fait perdre au principal centre de traitement agricole de la Grèce un quart de sa production (Quartz) — Aux Maldives, l'élection présidentielle va se décider autour du choix pro-indien ou pro-chinois (The Diplomat) — À 43 ans, le populaire dirigeant de l'opposition thaïlandaise finalement poussé à la démission (Time Magazine) — Le Pakistan, toujours à la recherche de six joueurs de son équipe nationale de football, kidnappés par un groupe inconnu, embauche une force paramilitaire pour retrouver leur trace (Al Jazeera) — Sony lance une clinique pour recycler ses robots chiens afin d'en faire don à 1 000 maisons de retraite et centre des soins japonais (The Verge) — Après de vingt ans de mutisme, une femme victime d'un AVC retrouve la parole grâce à un implant cérébral utilisant l'intelligence artificielle (Business Insider).
Et, sur le Fil du magazine, découvrez la toute nouvelle “climate card” de Séoul, qui donne à ses habitants un accès illimité au métro, aux bus, et aux vélos en libre-service, pour 50 euros par mois… Entre autres nouvelles venues d’ailleurs : cliquez ici pour suivre le fil PostAp !
Prochaine Édition du Week-end : samedi 22 septembre. Gardons les pieds sur Terre pendant que ça tourne.





© *|CURRENT_YEAR|* *|LIST:COMPANY|*. Tous droits réservés.
*|IFNOT:ARCHIVE_PAGE|**|LIST:DESCRIPTION|**|END:IF|*
Vous pouvez renforcer votre soutien, ou vous désabonner, en suivant ce lien.
Nous joindre par courrier :
*|IFNOT:ARCHIVE_PAGE|**|HTML:LIST_ADDRESS_HTML|**|END:IF|*
