L'Édition du week-end #33
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Chère lectrice, cher lecteur,
permettez moi de vous souhaiter un très bon week-end en compagnie, cette semaine, de lapins modernes, de lapins médiévaux, d’enfants remuants, d’artisans, d’alcooliques, de drogués, d’exilés et de funk.
Très bonne lecture,
la conscience artificielle de votre téléscripteur favori.
L’appel de la semaine

Des opposants tunisiens vent debout contre l’accord Europe-Tunisie sur l’immigration
Ça ne marchera pas. L'accord entre l'Union Européenne et la Tunisie pour lutter contre l'immigration ne fonctionnera pas, insistait Yusra Ghannouchi, aux côtés d'autres enfants, comme elle, de prisonniers politiques, lors d'une conférence de presse à La Haye.
Son père, Rached Ghannouchi, n'est pas la tasse de thé de PostAp Mag : c'est le co-fondateur de Ennahdha, le parti islamiste tunisien. Mais le fait qu'il ait été arrêté, ce printemps, en même temps que vingt autres parlementaires, magistrats, journalistes et entrepreneurs, tous opposants au président Kais Saied, dont la dérive vers l'autoritarisme et, franchement, la dictature, est largement documentée, puis condamné à un an de prison pour avoir qualifié de "tyrans" les officiers de police, alarme tous les amis des droits humains, quelle que soit leur opposition aux fondamentalistes. La reprise en main de l’Égypte par le maréchal Sissi avait d’ailleurs commencé ainsi : en s’attaquant au parti islamiste, certes légal, mais que personne ne souhaitait défendre.
Toutefois, Yusra et ses amis et amies exilées n’ont pas pris la parole pour défendre la démocratie, mais pour dénoncer l’accord passé entre l’Union Européenne et son pays, qui s’engage à s’attaquer à l’immigration pour l’U.E. en échange de cent millions d’euros de soutien économique.
Ici, on aurait bien envie de parler de morale, de racisme et d’histoire. Hélas, ces arguments fonctionnent moins bien désormais que ceux faisant appel à la simple efficacité, ou non, d’une mesure politique. Or pour les opposants tunisiens en exil, c’est bien là qu’est le nœud : l’accord sera, selon eux, tout simplement “contre-productif”. En rappelant quelques faits simples, ils dépeignent avec précision le cercle vicieux dans lequel s’enferme ainsi l’Union :
“C’est Kais Saied qui a créé ces problèmes”, a rappelé Yusra Ghannouchi. “C’est la multiplication des crises et le désespoir qui poussent les gens à fuir le pays”. Elle a raison : en un an, et donc depuis le tournant le plus dur d’un pays dont les habitants avaient pris l’habitude de s’exprimer, voter et manifester, les départs illégaux ont augmenté de 64 %. De plus, fait-elle valoir, le soutien financier qu’implique ce partenariat, en même temps que la victoire diplomatique qu’il confère à Saied, ne peut que renforcer le régime. Et par conséquent encourager l’autocrate, par ailleurs responsable d’un effondrement économique qui donne des “migraines” aux dirigeants européens, comme l’écrit Euractiv, à persister dans sa mise à mort de la jeune démocratie arabe et dans sa gestion financière calamiteuse. D’autant qu’il réprime de son côté toujours plus durement les réfugiés sub-sahariens, les poussant donc eux aussi à fuir, sur fond de propos racistes et de crainte du “grand remplacement”. Tous les ingrédients pour, donc, augmenter les départs vers le nord —et l’Europe— malgré notre renoncement toujours plus affirmé au droit d’asile et à la dignité humaine.
Politique à courte vue, chantage à l’humanité, effondrement du voisinage, emprisonnement des opposants, violences communautaires : la recette est connue. Son échec, ses morts, ses chagrins, aussi. Donc surtout, ne changeons rien.
Votre horoscope tribal

Le signe de la semaine : Grand Singe
Il suffit d'un grand singe traversant un chantier pour découvrir que l'Indonésie s'apprête à changer de capitale à cause du changement climatique, faisant de Jakarta la première ville du monde à construire son double à cause du réchauffement. Hein ?
Reprenons. D'abord, les faits : une vidéo récente, de onze petites secondes, filmée par des ouvriers, montre un orang-outan traverser une route en construction, quelque part sur l'île de Bornéo.
Quelque part, mais pas n'importe où : la voie rapide est destinée à relier Balikpapan à Nusantara. Balikpapan, c'est un port de 7 000 habitants. Et Nusantara ? Eh bien, Nusantara, c'est la future capitale indonésienne, au coût estimé de 32 milliards de dollars. Car oui, comme l'Égypte, l'Indonésie s'est lancée dans la construction d'une nouvelle capitale, sur un territoire encore vierge de l'archipel, qui jouera à terme le rôle politique et économique de Jakarta. Et pourquoi faut-il déménager ? Parce que, entre le pompage massif des nappes phréatiques, l'imperméabilisation des sols et le poids des gratte-ciels (l'aire urbaine compte tout de même trente millions d'habitants), Jakarta coule, assez littéralement, s'enfonçant dans le sol à une vitesse hallucinante (jusqu'à 25 centimètres annuellement par endroits) : la mégalopole devrait être complètement submergée d'ici à 2050.
Évidemment, ces conséquences dramatiques à la fois du réchauffement et de la surexploitation des ressources poussent le gouvernement à partir sur de meilleures bases pour la future capitale indonésienne : Nusantara sera, promet le gouvernement, une ville verte. Respectueuse de la forêt de Sungai Wain en bordure de laquelle elle s'élèvera, et de la vie sauvage qui l'habite.
C'est pour cela que voir un orang-outan traverser le chantier ça n'est pas du tout, du tout normal, nous raconte cette semaine MongaBay : si Nusantara et sa construction respectent vraiment la nature et les bêtes, que fait ici ce grand singe ? Et, avant lui, ces ours malais, ces panthères nébuleuses, également aperçus en balade tout près, bien trop près des travaux ? Selon l'association locale Pekja Pesisir, "le problème est que la construction de la route part du principe que la vie animale est confinée à la forêt de Sungai Wain. Or, en réalité, cette dernière fait partie d'un écosystème bien plus grand, qui inclut la région côtière et les mangroves de la baie de Balikpapan". Selon eux, le chantier détruit les corridors naturels par lesquels se déplacent toutes ces espèces, pour la plupart emblématiques du pays.
Toutefois, les autorités et, notamment, l'agence environnementale à qui elles ont confié la garantie écologique du projet, restent confiantes : d'autres corridors, artificiels mais respectueux de la vie animale sont bel et bien en construction et permettront, à terme, d'assurer la survie des espèces et des écosystèmes. Espérons que le pari réussisse : croisons les griffes.
Lapin
Bon ben que voulez-vous que je vous dise ? C'est comme ça : l'humain, il mange tout. Même du lapin. J'y peux rien, moi.

Malgré tout, on essaie un peu de s'améliorer, comme en témoigne Sciences et Avenir, qui est allé rendre visite à Guillaume Godard, éleveur du Maine-et-Loire et pionnier dans l'abandon des cages pour lapins. Plutôt que ces prisons qu'il est inutile de décrire, il propose à ses bêtes des enclos de 15 mètres carrés, ouverts en hauteur et dotés d'une partie "refuge", "censée reproduire un terrier dans la nature".
Oui, c'est mieux. Sauf pour les reproductrices, elles toujours enfermées en cage, car susceptibles de "devenir agressives à l'égard des autres femelles et leurs lapereaux, jusqu'à les tuer". Et sauf pour le destin des animaux, toujours condamnés à être abattus puis dévorés au bout de 72 courtes journées d'existence.
Mais comme souvent, le plus intéressant dans cet article, ce sont les tendances de fond qu'il relève. D'abord, l'abandon des cages n'est pas seulement le fait de quelques éleveurs plus ou moins engagés. Il s'inscrit dans une démarche généralisée, sous l'impulsion de plusieurs coopératives et même du leader européen de "la transformation du lapin", chez qui "l'engraissement en cage est voué à s'éteindre au fil des départs à la retraite des producteurs", écrit le journal, qui insiste : "Quand un bâtiment d'élevage est créé ou rénové, c'est forcément avec le nouveau système". Le tout en bonne part pour anticiper l'évolution des règlementations européennes, qui s'approchent lentement mais sûrement de l’interdiction des cages à lapin sur tout le territoire.
Et cela avec, en toile de fond, une baisse drastique de la consommation : en France, en vingt ans, selon les statistiques du ministère de l'Agriculture, la production de lapin a été divisée par trois. Ce qui tombe plutôt bien, vue la pénurie de moutarde.
Parent

En Corée du Sud, les enfants et, surtout en fait, leurs parents, ont eu chaud quand à Séoul se sont multipliés ces derniers mois les établissements de restauration interdisant l'accès aux mineurs de moins de treize ans. La raison ? Pas tant le bruit ou le dérangement que la peur des procès en cas d'accidents affectant ces jeunes têtes brunes (ben oui, "têtes blondes", en Corée, ça marche moyen hein).
Peu sympathiques, les panneaux d'interdiction aux enfants faisaient particulièrement tache dans un pays affichant l'un des taux de fécondité les plus bas du monde (0,78 enfants par femme en 2022, une chute de moitié en dix ans).
En réaction, la mairie a lancé en septembre le programme "Seoul Kids OK Zone". Là, les enseignes non seulement reçoivent les enfants mais, même, les chouchoutent. Le programme exige des établissements des menus dédiés, une superficie suffisamment grande (80 mètres carrés minimum) et des couverts adaptés. Beaucoup de restaurants, cependant, ajoutent leurs propres initiatives, comme distribuer du papier et des crayons pour leur permettre de dessiner durant les temps d'attente ("la dernière fois, mes enfants n'ont même pas touché à leur téléphone de tout le repas !", se réjouit un témoin), ou bien sûr des aires de jeu. Les gamins sont contents, les parents sont contents et les patrons sont contents, puisqu'ils constatent en majorité une hausse de leurs revenus.
"L'augmentation des Kids OK Zones dans toute la ville pourrait aussi indiquer que le nombre d'entrepreneurs inquiets du comportement chahuteur des plus jeunes est en baisse, alors même que ceux qui choisissent d'accueillir des enfants voient leurs bénéfices augmenter. Beaucoup affirment d'ailleurs que ces derniers temps, les enfants sont plus disciplinés et se tiennent mieux qu'auparavant", assure le Korea Times.
On n’y est pas encore reçu aussi bien que chez l’Aztec à Velrans, mais il y a un début à tout.
Artisan
L'artisanat national est à l'honneur chez Connaissance des Arts, qui a repéré cinq expositions à visiter cet été pour apprécier à sa pleine valeur l'excellence française en matière d'arts décoratifs. L'une est en Normandie et les quatre autres à Paris. Toutes sont semblent enchanteresses.

Dans l'Eure, le musée du Verre François Décorchemont célèbre sa réouverture en proposant, jusqu'au 26 novembre, "une sélection de pièces exceptionnelles allant de l’Art nouveau à l’Art Déco [et retraçant] 50 ans de création de l’une des plus importantes manufactures de l’industrie du verre et du cristal de la fin du XIX° siècle et du début du XX° siècle, dont la qualité de production a parfois rivalisé avec Baccarat, Daum ou Gallé." Et l'Art nouveau —dont, à mon humble avis, nous n'aurions jamais dû abandonner la mode— s'expose également à l'École des Arts Joailliers, dans le premier arrondissement de Paris : "une éblouissante assemblée de bijoux", une "fascinante beauté".
La lustrerie est pour sa part à l'honneur à l'Hôtel de la Marine, et le travail de la décoratrice Catherine Besse, grand prix de la création de la Ville de Paris en 2022, pourra s'admirer à La Sorbonne. Mais le must demeure encore l'exposition gratuite "Notre-Dame de Paris : au cœur du chantier", qui donne accès au travail de précision (et c'est un euphémisme) des professionnels œuvrant à la restauration de la cathédrale :
"La visite s’ouvre ainsi sur une imposante maquette à l’échelle 1/55e de la cathédrale qui offre une vision à taille humaine des différents lieux des opérations. Où se situent la « forêt de Notre-Dame », le beffroi, la croisée du transept ? Des vidéos viennent animer la maquette, donnant par exemple à voir des restauratrices occupées à nettoyer les peintures murales et sculptures d’une chapelle. Ce sont ces opérations que vont découvrir les visiteurs au cours du parcours organisé non pas chronologiquement – au fil des étapes de la reconstruction – mais thématiquement, autour des métiers".
Un parcours magique et étourdissant, vraisemblablement l'expérience la plus proche d'Alice au Pays des Merveilles que l'on peut vivre sans avoir à perdre la raison, comme on va le découvrir juste ci-dessous.
Voyageur (Ascendant Astral)

Il y a deux sortes de voyage astral —ces expériences psychiques intenses provoquées par les drogues hallucinogènes, dont la moins dangereuse, et la plus accessible, est le champignon "magique", le psylocybe— : le bon trip, et le mauvais trip.
Le bon trip a largement été décrit par la musique des années 1970 et peut même, s'il est suivi dans un cadre médical strict, guérir les pires souffrances psychiques. Mais le mauvais trip, lui, peut les susciter, en inspirant par exemple des terreurs sans nom, comme un atroce cauchemar dont il serait impossible, pendant des heures, de s'éveiller. Ou, tout simplement, des sentiments de solitude insoutenable, de chagrin absolu. Sympa.
Or, comme tous les autres psychotropes, les champignons deviennent de plus en plus accessibles, et leur légalisation avance, notamment aux États-Unis, où sa consommation est décriminalisée dans désormais six États. Résultat : beaucoup d'éclats de rire et de rêveries surréalistes dans les chaumières mais, aussi, beaucoup de mauvais trips, de visions d'horreur et de sensations d'angoisse dépassant l'entendement, assez littéralement.
Heureusement, une joyeuse bande de néo-hippies mêlant générations X, Y et Z a décidé que le mauvais trip ne passerait pas par vous et a dans ce but créé "Fireside" ("Feu de cheminée"). Une application, magique elle aussi, qui lutte contre les démons intérieurs que peuvent réveiller une connexion cérébrale malheureuse.
Fireside, comment ça marche ? "Nous avons conçu l'application spécialement pour les personnes en pleine expérience psychédélique !" écrit le site, point d'exclamation compris, dans sa page de présentation. "Quand vous l'ouvrez, vous voyez deux boutons, "Appel" et "Message". Choisissez celui qui vous convient, et vous serez mis en relation avec un ou une de nos volontaires. Nous sommes vos pairs. Vous tripez ? Nous aussi, on a tripé. Vous avez besoin de digérer un trip passé, qu'il ait eu lieu la nuit dernière ou il y a dix ans ? On est là. Vous accompagnez quelqu'un qui tripe ? On a pensé à vous ! Nous voulons construire un pont pour la communauté du monde entier, un endroit où rassembler toutes les ressources et informations disponibles sur le sujet."
C'est simple, c'est bien moche avec son code couleur orange froid (qui suffirait, je pense, à embarquer n'importe qui dans un bien sale délire), mais c'est plein de bonne volonté. Et c'est, évidemment une idée née pendant la pandémie de Covid : "la dépression, l'anxiété et la solitude atteignaient des records […] Et les hallucinogènes sortaient de l'ombre après des décennies de prohibition".
L'application ne fonctionnant pour l'instant qu'aux États-Unis (et "très bientôt au Canada"), l'usage d'hallucinogènes reste fortement déconseillé ici. C'est aussi, après tout, ce genre d'interdictions qui permettent à notre musique de rester si près du sol depuis cinq générations : on ne laisse pas tomber comme ça une fierté aussi plate et hexagonale.
Fireside Project (Via Wired).
Mode

Enfin une maison qui flotte
"Faut voir grand, dans la vie ! Quitte à voyager à travers le temps au volant d'une voiture, autant en choisir une qui ait de la gueule !" nous apprenait, dans Retour vers le Futur, l'ingénieur et physicien Emmett Brown. Un mantra qui a certainement guidé les étudiants de l'Institut Rosenberg, une école privée suisse, et les designers danois de SAGA, qui ensemble ont imaginé ce "Blue Nomad", un studio flottant, conçu pour nous permettre de vivre et voyager sur les mers, pour quand le réchauffement climatique s'installera dans toute son ampleur.
Des premiers croquis à la production d'un prototype actuellement en cours, les 300 élèves suisses ont tous participé à la création de cet habitat nomade, pouvant embarquer deux résidents et deux invités, totalement autonome et fonctionnant à l'énergie solaire, inspiré des pirogues polynésiennes traditionnelles. En bonus, ce "nomade bleu" peut se connecter à d'autres, pour générer de véritables communautés villageoises indépendantes sur les eaux.
L'unité de base comprend deux lits doubles, une kitchenette, une salle de bains, une terrasse, un système de filtration d'eau, une tour aéroponique pour cultiver des légumes et même un petit bureau. Il est fait de fibre de lin et de murs en liège, isolants et résistants au feu. Son toit accueille 48 panneaux solaires, pour un total d'un peu plus de 30 mètres carrés de design épuré, selon les images de production à admirer sur le site d'AutoEvolution.
C'est tout. Pas de blague, pas de chute : je dois filer m'acheter un maillot de bain, et une grosse valise.
Beauté

Il monologue pour arrêter de boire
Si vous avez vu The Wire (Sur Écoute en français), vous connaissez déjà Andre Royo. C'est l'interprète de Bubbles, le toxicomane et informateur de la police, clochard claudiquant au bord du gouffre tout au long d'un feuilleton qui, partant d'une description chirurgicale du trafic de drogue à Baltimore et de l'incapacité de la police à l'enrayer, décrypte avec minutie toutes les impasses où s'est enfermée la civilisation occidentale.
L'une des forces de The Wire, c'est aussi d'avoir fait reposer une grande part de son casting sur des habitants de la ville, souvent eux-mêmes détruits par la vie, parfois réellement au service de gangs locaux. Andre Royo, lui, venait du Bronx et n'avait que quelques apparitions en tant que figurant dans des téléfilms comme expérience quand il a incarné, pour des millions de fans, le junkie céleste le plus attachant du monde. Il n'était cependant pas héroïnomane… Mais alcoolique, comme il le raconte désormais dans un one-man show titré Drinking in America (et disponible en livre audio sur Audible), dans lequel il interprète treize personnages, tous dépendants à une substance… Ou une pratique. Il raconte à Salon en vidéo (la conversation est intégralement retranscrite si vous préférez la lecture) comment le chemin de la scène lui a permis d'entamer sa désintoxication mais aussi, et surtout, trouve des mots magnifiques pour parler de son difficile rapport à la masculinité, pour évoquer toutes les addictions —au travail, au jeu, voire au désespoir—, pour nous raconter comment la paternité peut transformer un homme, et bien d'autres sujets encore. Une conversation passionnante avec un homme serein, qui a visité l'Enfer, s'y est plu, s'y est même installé… Et a pourtant choisi d'en repartir :
"Drinking in America est arrivé au bon moment pour moi. C'était un alignement de planètes. Je me suis dit : "wow, je peux prendre tous mes problèmes, et toutes mes expériences avec l'alcool, et mettre tout ça dans mon art, plutôt que dans mon foie. C'est ce qui m'a permis de revenir sur scène, et de dire à l'alcool "Merci pour les bons moments". Parce qu'il y a eu des bons moments. Parfois, ça donne le courage d'aller parler à une fille bien. Parfois, ça vous calme, juste assez pour aller passer une audition et décrocher un rôle. Oui, il y a eu des supers moments. Donc : "Merci pour eux. Et, pour tous les autres, va bien te faire foutre."
Royo est sobre depuis "un an et huit mois." Force à lui, force à son art.
Bizarre

Un spectacle de stand-up retrouvé dans un manuscrit médiéval
Quand James Wade, professeur d'anglais à l'université de Cambridge, a ouvert ce manuscrit du XV° siècle, il s'attendait à trouver, comme souvent, des considérations sur la Rome antique, ou les chroniques fantasmées d'un roi imaginaire. Mais le manuscrit de Heege l'accueillit de mots plus surprenants :
"Par moi, Richard Heege, car j'étais à ce festin et ne bus pas un verre."
Si Richard tient à préciser qu'il n'a pas bu, c'est parce que, apparemment, il était le seul de la table, lors d'un dîner organisé autour de la venue d'un ménestrel, peu avant 1480, à la frontière entre les comtés de Derby et Nottingham (et en vertu, certainement, d'un proverbe médiéval selon lequel "celui qui écrit c'est celui qui ne boit pas"). Bref : ce que Wade a découvert, c'est le récit d'un one-man show presque aussi vieux que la Guerre de Cent Ans.
Le texte conserve même les apartés et les blagues moquant le public, ou faisant appel à sa complicité, selon une tradition qui dure encore. On y trouve trois "sketchs", parfaitement conservés : l'histoire de villageois partant à la chasse au lapin tueur (oui, comme dans les Monty Python mais, apprend-on au passage, le lapin tueur était un classique des contes médiévaux), et qui finissent par se battre entre eux au point que leurs femmes doivent les ramener à la maison en brouette ; une parodie de sermon, invitant non à prier mais à s'enivrer et moquant l'aristocratie (il raconte l'histoire de trois rois qui s'empiffrèrent au point que des bœufs surgirent de leur ventre tout en se battant à l'épée) ; et "La Bataille de Brakonwet", "un poème absurde, tout en allitérations et double-sens cochons, où Robin des Bois affronte en tournoi des ours, des abeilles et des porcs”.
James Wade s'attarde, dans son article publié par la Review of English Studies, sur l'incroyable rareté d'un tel compte-rendu, donnant l'impression d'assister pour de vrai au spectacle, et cite de nombreux extraits —qui demandent hélas une connaissance approfondie du Vieil Anglais pour être compris.
Université de Cambridge (via OpenCulture).
Just dance

Rééditions de luxe pour la marraine du funk
Vous savez, et je ne dis pas ça pour Idriss Aberkane, quand on est ignorant, il n'y aucun mal à l'admettre, à dire "Je ne savais pas" et à écouter, pour apprendre. Ainsi, moi, j'ignorais le nom et même l'existence de Betty Davis. Et je ne peux que remercier l'excellent magazine musical en ligne Gonzaï pour cet article qui me l'a faite découvrir, à l'occasion de la réédition de quatre de ses albums, "de ses premiers coups d'éclat à ses derniers enregistrements sonores encore inconnus du grand public".
Née Mabry, Betty doit son nom de famille et de scène à un court mariage (un an) avec un jazzman qui s'appelait Miles Davis (lui, je connais !) et qui la décrira, dans son autobiographie, comme "trop jeune et trop sauvage pour [lui]" et, surtout, comme "simplement en avance sur son temps", pas le plus petit des compliments de la part d'un artiste aussi influent et révolutionnaire.
"Malgré l’influence majeure qu’elle a eu sur son ex-époux laissé sur le carreau (ce qui est déjà un sacré fait d’armes)", écrit le journaliste Paul Labourie, "Betty Davis n’est pas du genre à être « la femme de ». Au tournant des 70s, dans une Amérique conservatrice renvoyée au constat de ses propres limites, la jeune femme a tout de l’ennemie publique numéro 1 : elle est jeune, afro-américaine, elle est belle et elle le sait. Et surtout, elle a une grande gueule et elle provoque, autant dans le monde de la mode (elle sera d’ailleurs l’une des premières mannequins noires à défiler à Londres) que dans celui de la musique.
Et c’est en 1973 que Betty Davis sort son premier album éponyme; une véritable bombe de funk langoureux et explicite, à l’image de son “Anti Love Song” quasi sadomasochiste. Des textes crus et bestiaux qu’elle interprète dans des lives sulfureux, scénarisant une sexualité débridée qu’elle revendiquait haut et fort, entre suggestion appuyée et quasi-exhibitionnisme. Évidemment, la critique morale ne tarde pas à pointer le bout de son nez, d’abord avec les groupes citoyens et religieux de l’Amérique WASP qui lui reprochent, sans surprise, sa langue bien pendue. Puis c’est la NAACP (Association pour le Progrès des Gens de Couleur) qui lui reproche de porter préjudice à la communauté noire."
C'est toujours un plaisir d'offenser tous les bords de l'échiquier politique, tout en s'amusant. C'en est un aussi de découvrir, via Gonzaï, la bio chavirée de la marraine du funk, dans un article émaillé de vidéos et gratifiée d'une playlist Spotify ad hoc.
Entre nous, ce week-end est un bon week-end pour se contenter d'appuyer sur "Play".
Mais aussi, mais encore

En bref : les news auxquelles vous avez échappé
Pendant ce temps-là, ici, ailleurs et à côté…
En Californie, les lions de mer deviennent dangereux à cause d’une algue toxique (Business Insider) — La maison de tournage du film Barbie disponible en location chez AirBnB (Gizmodo) — Les investissements hollywoodiens dans Alpine témoignent de la bonne santé financière de la Formule 1 (The Guardian) — Les Talibans ne peuvent pas gagner leur guerre contre la drogue (The Diplomat) —Les arnaques au pèlerinage à la Mecque se portent toujours aussi bien (Middle East Eye) — L’ordinateur cubique, il fallait y penser (Le Journal du Design) — L’histoire d’une étudiante qui a mis au jour la plus grande vente d’esclaves de l’histoire américaine (Propublica) — INFRA, le nouveau podcast de Futura entièrement consacré aux sons (Futura).
Prochaine Édition du Week-End : samedi 08 juillet. Gardons les pieds sur terre pendant que ça tourne !





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