L'Édition du week-end #28
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Chère lectrice, cher lecteur,
permettez moi de vous souhaiter un très bon week-end en compagnie, cette semaine, de réfugiés, de poupées, de malandrins, de musique, de gondoles, de menteurs et de muqueuses.
Très bonne lecture,
la conscience artificielle de votre téléscripteur favori.
L’expo de la semaine

En Catalogne s’invente la mode éthique ++
On croyait que la Biennale de Venise se tenait tous les deux ans, comme son nom le laisse supposer. Mais non, c'est tous les ans. Car en alternance se déroulent celle d'art contemporain et celle d'architecture (donc si en fait, c'est tous les deux ans, tout en étant annuel, c'est peut-être plus clair dit comme ça, j'espère).
Bref : en 2023, c'est bien le salon international d'architecture qui s'est ouvert ce 22 mai, et qui présentera six mois durant le "laboratoire du futur" qu'il a décidé cette année d'incarner : une exposition certifiée 100 % neutre en termes d'émissions de gaz à effet de serre, avec 89 participants, dont plus de la moitié "venus d'Afrique ou issus de la diaspora africaine" souligne son manifeste. Parmi tous les projets dont le but principal est de "réveiller l'imagination", le Guardian s'est pris de passion pour le pavillon de Top Manta : une marque de fringues.
Pardon ? Eh bien, oui. Les pratiques du prêt-à-porter, en termes de pollution comme de conditions de travail, sont connues. Mais Top Manta, une coopérative barcelonaise de migrants et sans-papiers, est faite d'un autre bois. "Elle a été créée en 2015, après une intense période de répression policière, pour soutenir celles et ceux qui, légalement, ne peuvent trouver à se loger, ni ouvrir un compte bancaire, et qui doivent dormir dans la rue", explique Lamine Sarr, le porte-parole sénégalais de la marque. Lorsque la biennale a lancé son appel à projets pour son thème de cette année, "nous nous sommes demandés : où avons-nous un laboratoire du futur à Barcelone ?", se souvient Leve Productora, l'architecte qui a emporté la nomination pour représenter la Catalogne, et qui a un nom trop classe. "Et nous avons pensé : Top Manta. Faisons un projet avec eux, pour repenser l'architecture du point de vue d'un immigrant africain."
L'histoire de cette coopérative est en soi un projet presque autant artistique que politique. Elle tire son nom des "mantas", c'est-à-dire, en catalan, des draps que les vendeurs à la sauvette étalent au sol pour exhiber leurs marchandises, le plus souvent des copies médiocres de chaussures et vêtements de marque. Mais un jour, les manteros (comme on baptise ces boutiquiers de fortune) en ont eu marre, de vendre de la m***. Ils se sont organisés pour créer, d'abord, des baskets fabriquées en Espagne ou au Portugal, et conçues avec l'aide de deux graphistes locales. Les tirages ne se chiffrent qu'en centaines d'exemplaires, par désir de recourir exclusivement à des méthodes de fabrication artisanales (pour cette raison, comptez plus de 100 euros la paire de chaussures, ou 25 pour le T-shirt brandé "Migration is not a crime"). Et…
Attendez, mais c'est vrai, ça ! La migration n'est pas un crime ! Si ?
Peut-être peut-on se le rappeler encore un coup : la migration n'est pas un crime.
Et pourtant, tout est bon pour rendre la vie impossible aux exilés. Ainsi, en Espagne, il faut, pour obtenir des papiers, avoir vécu trois ans sur place, justifier d'une adresse fixe sur plus d'une année, d'un contrat de travail lui aussi de plus de douze mois, et démontrer que l'on apprend la langue. Ça pourrait ne pas paraître si extravagant, sauf que : comment avoir une adresse sans papiers, un contrat de travail sans papiers, une adresse sans contrat de travail et un contrat de travail sans adresse ? Avec Top Manta, écrit le Guardian, ses créateurs ont pu "obtenir un hébergement pour 120 manteros, et du travail pour 25 d'entre eux. [La marque] propose aussi des formations et des cours de langue. Quand on lui demande pourquoi choisir ses produits plutôt que ceux de Nike, New Balance ou Adidas, Lamine Sarr répond : "Plutôt que soutenir une multinationale qui exploite des personnes désespérées dans les pays en voie de développement, vous aidez une communauté qui subit toutes les discriminations qu'il est possible de subir. Vous aidez des gens à entrer dans la légalité, et à travailler pour un salaire décent.""
À Venise, le pavillon imaginé par Leve Productora et Top Manta est divisé en deux parties. La première raconte l'histoire des manteros, la dureté du processus de migration, mais aussi des lois européennes. Le second fait appel à des étudiants en architecture de 26 pays du monde, et leur demande d'imaginer comment reconvertir des magasins ou des immeubles abandonnés en lieux de vie. L'un des participants rappelle : "La vraie question pour un architecte, c'est, très littéralement : comment vivre ? Or les manteros ont bien plus d'expérience que nous de la vie en communauté. Des espaces communs. Des repas communs, qui n'ont pas à être synonymes de pauvreté. De la possibilité d'utiliser un seul espace pour des activités multiples, ou de faire vivre la rue". Autant de modes d'existence qui, rappelle un autre, "sont synonymes de moins d'émission de CO2".
Merci à Venise et aux artistes de rappeler que, parfois, il n'est pas inutile d'écouter les gens qui souffrent, plutôt que leur taper dessus (je dis ça, je dis rien, mais je l'ai dit quand même).
Votre horoscope tribal
Le signe de la semaine : Poupée

Vous avez des enfants de, disons, moins de soixante-dix ans ? Alors je ne mâcherai pas mes mots : SAUVE QUI PEUT !!! C'est le raz-de-marée de la semaine. Le rouleau-compresseur, rose et pailleté, piloté par une bombe atomique internationale de 64 ans. C'est prévu aussi en tube de l'été. C'est le film Barbie, qui débarque sur les écrans du monde entier le 20 juillet.
La campagne marketing est, dirons-nous, un tantinet agressive. Cette semaine, la bande-annonce officielle est sortie (550 000 Vues en 24 heures sur la chaîne YouTube de Warner Bros, qui co-produit ce conte de fées moderne avec Mattel, le fabricant de jouets), en même temps qu'une chanson inédite (le film sera émaillé de chansons à la Disney), signée Dua Lupa, la mezzo-soprano à la signature disco-pop (dixit Wikipedia). Le clip (3,2 millions de Vues en une journée), simplement titré "Dance Tonight "(à l'impératif, hein, c'est un ordre, pas une suggestion) propose généreusement une chorégraphie clé en main, compliquée juste ce qu'il faut pour s'amuser sur la piste. La bande originale promet d'autres invités surprise, emmenés par Nicki Minaj, et tout un tas d'autres vedettes trop jeunes pour que leur nom me dise quoi que ce soit. Ajoutez à cela un générateur de selfies officiel, pour découvrir votre tête en Barbie (ou en Ken), la couverture de Vogue pour sa star, Margot Robbie ("Barbiemania ! Margot Robbie nous en dit plus sur le film que tout le monde attend") et même L'Édition du Week-End de PostAp Mag : c'est une grosse sortie.
Le pire dans tout ça ? Le film se donne aussi toutes les chances d'être réussi. La bande-annonce nous montre une Barbie obligée de quitter son monde enchanté pour découvrir le "vrai monde", promettant aventure, romance, joie, chansons et frissons. Le méchant, qui n'a qu'une idée en tête, "la remettre dans sa boîte" est incarné par le toujours hilarant Will Ferrell. Ken aura les traits de Ryan Gosling, régulièrement gratifié du titre d'homme le plus sexy du monde, mais aussi un acteur deux fois nommé aux Oscars, au timing comique rigoureux. Le rôle-titre, lui, est donc réservé à Margot Robbie, l'ex top-model australienne qu'un parcours au cinéma sans fautes (The Wolf of Wall-Street, I Tonya, Once Upon a Time In Hollywood…) a déjà imposée comme une star mondiale.
Le tout est mis en scène par Greta Gerwig (Lady Bird, Little Women, elle aussi deux fois nommée aux Oscars). Dans le long article de Vogue évoqué plus haut, elle explique sa note d'intention, qui lui est venue en visitant le siège social de Mattel, où elle a appris que "toutes [leurs] poupées s'appellent Barbie, et Barbie est tout le monde. Je me suis dit, d'un point de vue philosophique, "ah, ça c'est intéressant !". Plus j'y pensais, plus la multiplicité des Barbie suggérait une idée extensive du Moi, de laquelle tout le monde peut apprendre."
Bref : le long-métrage Barbie est emballé (j'ai renoncé officiellement à ma promesse initiale de ne jamais faire de jeux de mots dans cette newsletter) par les plus grands pros du métier, qui sauront injecter la dose exacte de féminisme pas trop contestataire et de critique du système absolument pas dangereuse dans une œuvre pensée pour les enfants, les ados et, au fond, toute personne ayant un jour joué avec la poupée Mattel, que ce soit il y a dix, vingt, trente ans (etc., jusqu'à soixante-quatre, notre star étant née en 1959). Donc si vous n'aimez pas, je vous recommande fortement de ne pas sortir de chez vous jusqu'à, disons, la mi-octobre. Joyeux confinement à vous !
Batteur

Au printemps dernier s'est éteint Taylor Hawkins, 50 ans. C'était le batteur des Foo Fighters, le groupe de rock un peu vénère fondé dans les années 1990 par l'ancien batteur de Nirvana, Dave Grohl, après le suicide traumatique de son ami Kurt Cobain.
Peut-être pour cette raison, l'énergie radicale, contestataire et contagieuse des Foo Fighters ne s'est jamais démentie. Mais la sortie cette semaine de But Here We Are ("Et pourtant, nous voilà") va faire vivre de nouvelles émotions à leurs fans. "Les Foo Fighters font à leurs proches des adieux cathartiques et rocks", écrit Spin, qui voit dans ce disque "l'un des albums les plus puissants de leur carrière". But Here We Are est dédié à "Taylor", donc, mais aussi à Virginia, la mère de Dave Grohl, décédée la meme année. "Bien que lire chaque vers du disque à ce prisme puisse s'avérer une expérience incroyablement lourde […], But Here We Are est infusé de nouvelles couches de profondeur, de maturité, d'écriture et de composition, qui en font bien plus qu'un album sur le deuil", loue le magazine musical.
Le premier titre mis en ligne, "Show Me How", accompagné d'un clip splendide et contemplatif, est doux, triste et franc : "Où es-tu ? / Je tourne rond sur la case Départ / Hier j'ai tenu le coup / J'ai renversé du vin, j'ai pensé au bon temps / Je t'ai écrit une chanson / Tu roulais les yeux, je te tenais la main / Tu n'as pas besoin de me parler / Je t'entends fort et clair, fort et clair."
Les Foo ont décidé d'affronter l'obscurité en face. Grâce à eux, pleurons un peu de ces larmes qui font du bien.
Fanatique
Mais le monde n'est pas que comédies rose-bonbon et rock cathartique, puisque les fanatiques en tout genre restent déterminés à gâcher la vie de leurs contemporains. Vous les aviez oubliés ? The Diplomat nous rappelle pourtant qu'ils travaillent toujours d'arrache-pied à tuer tout le monde et tout détruire, en consacrant cette semaine un papier exhaustif aux activités de la Jemma Islamiyah, le groupe terroriste islamiste implanté en Indonésie.

L'article détaille sous tous les angles possibles leur redoutable organisation sur l'archipel asiatique : comment se financent-ils, comment s'entraînent-ils, et comment convertissent-ils toujours plus d'âmes à leur idéologie nihiliste ? Paradoxalement, ce sont les récents et impressionnants succès des unités contre-terroristes qui permettent de répondre à ces questions, grâce aux nombreux documents retrouvés, raid après raid, dans les installations tenues par la "congrégation" —c'est le terme qu'il faudrait employer si l'on voulait traduire "Jeemah" à la lettre.
Les fous de Dieu sont organisés administrativement, en districts et sous-districts, publient de véritables mode d'emplois de radicalisation, lancent d'authentiques projets entrepreneuriaux afin de s'assurer des revenus stables, à commencer par des plantations agricoles, et ont même créé un réseau d'écoles de terrorisme.
"On distingue trois curriculums. Le premier, de deux ans, s'adresse aux recrues âgées de moins de quarante ans. C'est le standard. Le deuxième, plus intense, est pensé pour les élèves des madrassahs qui leur sont affiliées : il est destiné à des élèves plus "préparés". Le troisième est celui de la spécialisation : des stages de six mois réservés aux individus dotés des compétences spécifiques dont ont besoin les groupes de combat."
Comme d'habitude, a-t-on envie d'écrire, le journal rappelle que lutter contre de telles entités ne requiert pas que force et répression, mais aussi des actions plus "sensibles" : à l'inverse d'autres groupes terroristes, qui évitent les arrestations en se retranchant et en s'isolant, les membres de la Jeemah Islamiyah "préfèrent s'intégrer à la société —soit en adoptant de fausses identités pour diriger, tout à fait légalement, des plantations, soit en faisant certifier leurs écoles et associations par les autorités, soit en utilisant les mosquées locales, pour le recrutement. L'usage d'une force excessive pour appréhender des individus perçus comme des membres parfaitement intégrés de telle ou telle communauté risque d'accroître la méfiance des citoyens innocents envers les services de contre-terrorisme, et de s’avérer contre-productifs."
L'éducation, les projets sociaux, la démocratie effective… Tout cela ne peut évidemment suffire à éradiquer le meurtre organisé mais, tout de même, si on essayait, un peu ? Quoi, j'ai dit une connerie ? Ah bon, ben j'ai une connerie, alors. Que voulez-vous, c’est la faute à Voltaire.
Virus

Le Covid long empoisonne la vie de millions de personnes dans le monde, et personne ne sait expliquer pourquoi, ni comment. Au point que certains médecins préfèrent en nier l'existence, attribuant les symptômes incapacitants qu'il provoque chez les malades à leur psychologie, pour en faire les nouveaux hystériques du vingt-et-unième siècle, comme s'en insurgeait récemment l'excellent Christian Lehmann dans Libération.
Mais, vous le savez comme moi, il y a trois trucs formidables dans le monde : le Bleu d'Auvergne, la médecine, et la science. Ce sont, étonnamment, plutôt ces deux dernières qui méritent aujourd'hui toute notre attention : une étude conjointe de l'Inserm, de l'université Paris Cité et de la faculté de Minho à Brag, au Portugal, croient en avoir identifié l'une des causes. Ou, du moins, un élément de diagnostic.
Pour les chercheurs, le Covid long se manifesterait par des déséquilibres immunitaires qu'ils ont observés chez près de 80 % des patients examinés. Nommément, si vous voulez tout savoir, une surproduction de granzyme A, une protéine inflammatoire, et une sous-production d'intégrine b7, "essentielle pour contrôler les virus dans les muqueuses". Le directeur de l'étude explique : "Une des hypothèses est que des personnes qui présentent précocement une immunodéficience plus exacerbée développent des formes initiales plus graves de la Covid-19 et ne parviennent pas à éliminer efficacement le virus qui passe dans les muqueuses intestinales, où il s'installe durablement. Le système immunitaire finit en quelque sorte par le tolérer au prix d'une persistance des symptômes d'intensité et de nature variables".
Une découverte encourageante que, hélas, la tête de pont antivax Francis Lalanne n’a pas encore eu le loisir d’éclairer de sa pensée, trop occupé qu’il est à préparer un spectacle certainement de très bon goût avec Dieudonné.
Menteur
Big Tech pas content. Oh la la, Big Tech tout grognon ! Mais qu'est-ce qui, comme ça, peut énerver à ce point Google, Meta (ex Facebook) et Telegram ? Les impôts ? Alors oui, certes, mais pas seulement. Un projet de loi brésilien a aussi le don de les faire assez littéralement sortir de leurs gonds.

C'est YouTube qui écrit directement à ses créateurs pour leur dire que le projet de loi 2630 conduira à la fermeture de leur chaîne. C'est Telegram qui, là aussi, contacte directement ses usagers pour attirer leur attention sur les débats en cours au Parlement. C'est Facebook et Instagram qui se payent des pages de publicité dans —horreur— les journaux papier, pour hurler à la mort. Tout ça pourquoi ? Tout ça parce que le Brésil, dont la dernière campagne a été polluée au dernier degré par les fausses nouvelles de tous horizons, a décidé de voter sur un projet de loi contre la désinformation en ligne.
Un exemple, raconté par Wired : "La semaine dernière, tout juste 24 heures avant le vote prévu, les Brésiliens qui ouvraient Google ont pu voir, sur la page d'accueil, sous la barre de recherche, un lien affirmant que "la loi sur les fake news pourrait accroître la confusion entre le vrai et le faux". Google a retiré cette mention après que le Ministre de la Justice a déclaré qu'il s'apprêtait à lui infliger une amende de 200 000 dollars par heure, en raison de ce que ses services ont décrit comme une campagne de propagande violant les lois sur la protection des consommateurs."
Le pays a souhaité réguler le secteur dans la foulée des émeutes qui, en début d'année, ont ravagé les lieux de pouvoir, émeutes initiées par des partisans de Bolsonaro, qui s’étaient organisés via les messageries privées et s’alimentaient, en ligne, de fausses nouvelles attaquant la légitimité des élections : réguler le secteur, pour la démocratie brésilienne, est peut-être une question de survie.
Le projet de loi ne contient pourtant rien d'extraordinaire : il rend les plateformes responsables de ce qu'elles publient. Elles devront donc retirer tout contenu illégal signalé, et seront passibles d'amendes en cas de refus d'obtempérer. Mais, hélas pour le secteur, agir avec responsabilité ça coûte de l'argent et l'argent, c'est pas fait pour ça, c'est fait pour être planqué au Panama ou —à la limite— rémunérer des actionnaires. On pensait pourtant que c'était clair.
Pour noyer les débats, le parti de Bolsonaro, bien entendu vent debout contre le PL2630, a inondé la Chambre d'amendements et de propos à la fois outranciers et banals —ça va d'un député affirmant qu'il ne serait plus possible de poster en ligne un verset de la Bible (voulait-il dire par là que celle-ci serait un mensonge, ou s'est-il juste emmêlé les pinceaux, je vous laisse juges), à un autre s'alarmant que le projet reviendrait à "créer un Ministère de la Vérité dédié à la censure comme dans 1984" (bâillement poli).
Pour l'instant, en tout cas, le désordre est suffisamment efficace pour que le vote au Parlement ait été repoussé sine die. Et que Wired en tire une histoire bien de notre époque, faite de lobbying, de mensonges et de gros sous.
Mode

Les gondoles sont éternelles
En grec, le nom de Mésopotamie, dont une large part est devenue l'Irak actuel, signifie "entre deux fleuves" —le Tigre et l'Euphrate. Depuis cette époque, jusqu'à aujourd'hui, on y cultive donc l'art du meshouf, ces gondoles effilées dont la forme est restée la même au long des quelques 5 000 ans d'histoire de la région.
GoodPlanet raconte l'histoire de Rachad Salim, "peintre et sculpteur de 62 ans, fondateur de l'ONG Safina Project" qui, depuis 2018, s'acharne à sauver la tradition du meshouf. De sa fabrication comme de son usage. Au début, ses ennemis étaient les bateaux à moteur, bien plus pratiques. Désormais, il s'agit surtout d'inspirer la jeunesse, lors de régates sportives, le long des nombreux cours d'eau du pays. Son but, outre sauvegarder un mode de vie traditionnel et attirer l'attention sur la pollution et la sécheresse : apprendre à la jeunesse "à communiquer avec l'environnement".
À ce jour, 7 clubs de meshouf ont été fondés par le sexagénaire. On y pagaie comme pagayaient avant eux les Sumériens, l'une des plus anciennes et légendaires civilisations que le monde ait connues.
Beauté

La fin d’un trou
On ne va pas se mentir : ce n’est qu’une goutte d’eau, dans l’océan de cataclysmes qui fracassent jour après jour la société libanaise.
Mais, tout de même, célébrons un instant la réouverture du musée Sursock (du nom de son fondateur en 1912, le collectionneur Nicolas Sursock). Sa façade avait été éventrée, et son intérieur ravagé par l’explosion d’un silo d’engrais du port de Beyrouth en 2020, qui fit 220 morts et des milliers de blessés. Mais le revoici.
The New Arab se réjouit comme il se doit de cette réapparition, vue comme “un symbole d’espoir, du retour d’une vie culturelle au Liban” par sa directrice, Karina el Halou, et revient sur l’histoire du lieu mais aussi, et surtout, sur les travaux de restauration —2,5 millions de dollars, financés majoritairement par l’UNESCO, non sans aide de la France, qui a proposé ses talents, comme ceux du service de restauration du centre Pompidou, pour remettre à neuf les œuvres endommagées.
Une œuvre cependant, une peinture de Paul Guiragossian, n’a été que partiellement remise en état, afin de porter témoignage du drame, qui compte “parmi les plus importantes explosions de l’histoire, hors nucléaire”, apprend-on au passage. La corruption sait faire des miracles.
Bizarre

Une nouvelle tête au musée du sexe
En toute franchise, deux infos ont retenu mon attention cette semaine sur Art Forum, véritable Bible en ligne de l'art contemporain. La première, c'est la création d'un centre artistique destiné exclusivement à la réinsertion, par l'art donc, des prisonniers aux États-Unis. C'est, en réalité, bien plus intéressant que ce dont je m'apprête à vous parler, mais aussi beaucoup moins drôle (et ça reste à retrouver dans les brèves en fin du mail).
Le Sex Museum de Manhattan, donc, vient de se doter d'un nouveau curateur principal, en la personne d'Ari Plotek, jusqu'à présent en charge des Beaux Arts au musée O'Keefe de Santa Fe, en Géorgie (ça devrait donc le changer d'ambiance). "Son parcours très complet et ses centres d'intérêt correspondent parfaitement avec notre vision, qui est de faire venir des publics très variés, grâce à des expositions innovantes et qui stimulent la pensée", se félicite le directeur exécutif et fondateur en 2002 de l'institution new-yorkaise, un certain Daniel Gluck. Plotek souligne également : "la diversité des expositions du musée du sexe ouvre tout un monde de possibilités pour moi, vus mes centres d'intérêts culturels et créatifs", et on se demande un peu ce que sont ces fameux "centres d'intérêt", mais on ne va pas juger.
D'autant moins qu'il s'agit ici d'envisager le sexe comme un fait culturel, ce qui est, ma foi, assez indéniable. L'image ci-dessus, extraite de l'installation temporaire La Chambre Rose, "une pièce chargée en produits de masse ciblés pour les femmes, tout ce dont "les filles" "ont besoin"" (dixit, guillemets compris, l'artiste Portia Munson), donne un bon exemple de ce qui s'expose au musée du sexe, et qui relève d'un travail artistique et non pornographique.
Petit bonus cependant : sur l'aperçu que nous donne Google (photos, horaires, adresse etc.), la question la plus posée par les utilisateurs est : "Can you have sex in there ?" (la réponse est simplement "non".). Dieu que j'aime mes frères et sœurs en humanité.

Trafic

Fin de partie pour les voleurs d’antiquités
C'est à une mafia pas comme les autres que se sont attaqués les carabiniers italiens, lors d'une opération d'ampleur qui a mobilisé des centaines d'agents sur le territoire national, ce mercredi. La cible : un réseau de trafiquants d'antiquités. Les autorités se félicitent d'avoir arrêté 21 personnes (sur 51 visées) et, surtout, mis la main sur 3 586 biens "d'une inestimable valeur historiques, artistiques et commerciale", a souligné Vincenzo Molinese, directeur de l'Unité de Protection de l'Héritage Culturel de la police italienne, surnommée, non sans chic, la "Carabinieri Art Squad".
Des pièces grecques, romaines ou byzantines, des vases, des amphores, des assiettes et des lampes romaines ont été saisies dans des planques éparpillées dans tout le pays. Autant d'objets qui n'avaient pas vu le jour depuis deux bons millénaires, car ils n'ont pas été volés dans des musées, mais bien directement exhumés par les trafiquants, opérant leurs propres fouilles archéologiques clandestines, comme en témoignent les dizaines de pelles, pioches et détecteurs de métaux également trouvés sur les lieux. Une activité ancienne dans la Botte, apparemment, mais devenue plus fréquente avec la pandémie, quand le pays était désert, et les forces de l'ordre occupées ailleurs.
Le plus fou est de songer à tout ce qui reste donc à trouver. Tout ce qui gît, là, sous nos pieds, tous ces vestiges d'un autre monde, qui hante encore nos lois, nos langues, nos fantasmes.
Ils n'étaient pas si fous, ces Romains.
Mais aussi, mais encore

En bref : les news auxquelles vous avez échappé
Pendant ce temps-là, ici, ailleurs et à côté…
Un satellite de l'Agence Spatiale Européenne a transmis un faux message extra-terrestre, imaginé par une artiste, afin d'évaluer nos méthodes de décryptage en cas de contact alien (Gizmodo) — L'intelligence artificielle ChatGPT débarque en application pour smartphone dans plus de 30 pays dont le Canada, l'Inde et le Brésil (TechCrunch) — David Simon, mythique créateur de The Wire et Treme, explique pourquoi tout fan de séries télés qui se respecte doitsoutenir la grève des scénaristes (NPR) — En Uruguay, la sécheresse contraint certains habitants à boire de l'eau salée (GoodPlanet) — Les bateaux de croisière sont à peu près systématiquement surchargés (Entrepreneur) — La philanthrope Agnes Gund lance un centre d'art où pourront créer d'anciens détenus (ArtForum) — KSRellief, une organisation caritative jordanienne, se spécialise dans l'hébergement de familles syriennes dont le chef de famille est médicalement dans l'incapacité de travailler (Arab News) — Starbucks ferme ses trois magasins d'Ithaca, dans l'État de New York, un an après qu'ils ont voté la création d'un syndicat (Forbes) — En Inde, l'inauguration du nouveau Parlement est une "insulte aux fondateurs du pays", selon l'opposition à Narendra Modi (BBC) — Une enquête interne de la Marine américaine révèle les excès du programme d'entraînement de ses commandos d'élite, les SEALS, après la mort de Kyle Mullen, un aspirant de 24 ans (CBS).
Prochaine Édition du Week-End : samedi 3 juin. Gardons les pieds sur terre pendant que ça tourne !





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